Le village de Ngamanzo, dans la province de Kinshasa, résiste bien à l'épidémie de choléra qui sévit en République démocratique du Congo. Pourtant, ses habitants vivent dans de mauvaises conditions sanitaires et doivent consommer l'eau du fleuve Congo.
Distribution of clean water around Kibati (RDC), by Julien Harneis
21 juillet 2011. Un groupe de femmes s'active dans le port de pêche de Ngamanzo. L'échine courbée, les pieds dans l'eau, elles font leur lessive ou lavent leur vaisselle dans le fleuve Congo. L'heure du déjeuner approche. D'autres «mamans» foulent lentement le sable pour atteindre la rive. Puis, avec un bidon ou un seau, elles recueillent le liquide trouble qui servira à cuire le repas.
La scène est habituelle dans cette localité de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. Faute d'eau courante, les riverains s'approvisionnent depuis longtemps dans le fleuve Congo pour leurs besoins quotidiens: boire, se laver, cuisiner, lessiver…
Seulement, parce que seules certaines maisons disposent de latrines, à la nuit tombée, des habitants se cachent entre deux pirogues pour faire leurs besoins. A l'image de Jacques, 17 ans, qui habite avec six personnes une petite maison sans toilettes.
Cette précarité sanitaire a été soulevée lorsque le choléra a frappé Ngamanzo à la mi-juin.
«C'est la première fois que ça arrivait ici. Les gens ont été pris au dépourvu, se souvient Joseph Bongwango, président de l'association de pêcheurs.
Le premier cas était un homme, poursuit-il, emmitouflé dans un anorak pour se protéger du vent. On ne savait pas de quoi il souffrait. Il était pris de diarrhées et de vomissements. On l'a conduit au centre de santé de Maluku, où l'infirmier a dit que c'était le choléra.»
L'épidémie s'est déclarée en mars dernier à Kisangani (province orientale), avant de se propager à l'Ouest, le long du fleuve Congo. On recensait le 26 juillet 4.116 malades, dont 290 sont morts du choléra, selon un bilan commun de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du ministère congolais de la Santé. A Kinshasa —dernière province touchée, et où l'infection intestinale continue à progresser— on comptait 14 décès sur 123 cas.
La prévention a fait ses preuves
Plusieurs malades de Ngamanzo étaient originaires des îles que l'on aperçoit depuis le port. Mi-juillet, la localité comptait quinze cas de choléra, dont un est décédé, d'après le petit dispensaire qui stabilise les malades avant de les envoyer au centre de santé Maluku, la commune la plus importante de la province de Kinshasa:
«Les gens ont l'habitude de venir consulter dès que quelque chose ne va pas. Je pense que cela a permis de faire que le nombre de décès ne soit pas très élevé», explique Paulin Kibwenge, infirmier au dispensaire.
En outre, si «certains jeunes ne sont pas convaincus» de l'existence du choléra, la population a en général bien intégré les messages de prévention, affirme Mbwiti Boko, un autre infirmier. «Certains viennent consulter pour des diarrhées mais, après analyses, il s'avère que ce n'est pas le choléra», précise Mbwiti Boko. Ces fausses alertes sont le fruit de la sensibilisation, qu'on récite souvent comme une leçon.
«Le choléra vient avec la diarrhée, la fièvre, la façon dont nous vivons», explique ainsi Yvette, 17 ans, pagne fleuri et petit débardeur blanc.
«On nous a conseillé de nous protéger», explique Julie, une commerçante de 24 ans. Pour éviter l'infection, les habitants savent qu'il faut se laver les mains avec du savon en sortant des toilettes et avant de manger. Qu'il faut bouillir l'eau du fleuve avant de la consommer.
«Est-ce qu'on a la choix?»
Mais quand l'argent manque pour acheter du charbon, Yvette avoue qu'elle boit l'eau telle quelle. Et elle n'est pas la seule. «On a que cette eau-là, sinon, comment on va faire?», demande-t-elle.
Certes, des relais communautaires traitent au chlore les centaines de litres d'eau que les «mamans» leur apportent chaque jour. Mais ces relais ne seront pas toujours là.
«Le robinet est en panne, qu'on nous remette le robinet!», lance Julie, dont la verve est soutenue par un petit groupe de femmes.
Le gouvernement «avait voulu réparer la pompe avant les cas de choléra», rappelle Joseph Bongwango.
«Quand il y a eu urgence, ils ont dit qu'ils allaient accélérer les réparations, mais on n'en sait pas plus.»
En attendant, Julie reprend avec le sourire la vente de ses graines et légumes. Et quand elle aura besoin d'eau, elle puisera comme d'habitude dans le fleuve. «Je suis enceinte, mais est-ce que j'ai le choix?»
Habibou Bangré
SlateAfrique
Distribution of clean water around Kibati (RDC), by Julien Harneis
21 juillet 2011. Un groupe de femmes s'active dans le port de pêche de Ngamanzo. L'échine courbée, les pieds dans l'eau, elles font leur lessive ou lavent leur vaisselle dans le fleuve Congo. L'heure du déjeuner approche. D'autres «mamans» foulent lentement le sable pour atteindre la rive. Puis, avec un bidon ou un seau, elles recueillent le liquide trouble qui servira à cuire le repas.
La scène est habituelle dans cette localité de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo. Faute d'eau courante, les riverains s'approvisionnent depuis longtemps dans le fleuve Congo pour leurs besoins quotidiens: boire, se laver, cuisiner, lessiver…
Seulement, parce que seules certaines maisons disposent de latrines, à la nuit tombée, des habitants se cachent entre deux pirogues pour faire leurs besoins. A l'image de Jacques, 17 ans, qui habite avec six personnes une petite maison sans toilettes.
Cette précarité sanitaire a été soulevée lorsque le choléra a frappé Ngamanzo à la mi-juin.
«C'est la première fois que ça arrivait ici. Les gens ont été pris au dépourvu, se souvient Joseph Bongwango, président de l'association de pêcheurs.
Le premier cas était un homme, poursuit-il, emmitouflé dans un anorak pour se protéger du vent. On ne savait pas de quoi il souffrait. Il était pris de diarrhées et de vomissements. On l'a conduit au centre de santé de Maluku, où l'infirmier a dit que c'était le choléra.»
L'épidémie s'est déclarée en mars dernier à Kisangani (province orientale), avant de se propager à l'Ouest, le long du fleuve Congo. On recensait le 26 juillet 4.116 malades, dont 290 sont morts du choléra, selon un bilan commun de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et du ministère congolais de la Santé. A Kinshasa —dernière province touchée, et où l'infection intestinale continue à progresser— on comptait 14 décès sur 123 cas.
La prévention a fait ses preuves
Plusieurs malades de Ngamanzo étaient originaires des îles que l'on aperçoit depuis le port. Mi-juillet, la localité comptait quinze cas de choléra, dont un est décédé, d'après le petit dispensaire qui stabilise les malades avant de les envoyer au centre de santé Maluku, la commune la plus importante de la province de Kinshasa:
«Les gens ont l'habitude de venir consulter dès que quelque chose ne va pas. Je pense que cela a permis de faire que le nombre de décès ne soit pas très élevé», explique Paulin Kibwenge, infirmier au dispensaire.
En outre, si «certains jeunes ne sont pas convaincus» de l'existence du choléra, la population a en général bien intégré les messages de prévention, affirme Mbwiti Boko, un autre infirmier. «Certains viennent consulter pour des diarrhées mais, après analyses, il s'avère que ce n'est pas le choléra», précise Mbwiti Boko. Ces fausses alertes sont le fruit de la sensibilisation, qu'on récite souvent comme une leçon.
«Le choléra vient avec la diarrhée, la fièvre, la façon dont nous vivons», explique ainsi Yvette, 17 ans, pagne fleuri et petit débardeur blanc.
«On nous a conseillé de nous protéger», explique Julie, une commerçante de 24 ans. Pour éviter l'infection, les habitants savent qu'il faut se laver les mains avec du savon en sortant des toilettes et avant de manger. Qu'il faut bouillir l'eau du fleuve avant de la consommer.
«Est-ce qu'on a la choix?»
Mais quand l'argent manque pour acheter du charbon, Yvette avoue qu'elle boit l'eau telle quelle. Et elle n'est pas la seule. «On a que cette eau-là, sinon, comment on va faire?», demande-t-elle.
Certes, des relais communautaires traitent au chlore les centaines de litres d'eau que les «mamans» leur apportent chaque jour. Mais ces relais ne seront pas toujours là.
«Le robinet est en panne, qu'on nous remette le robinet!», lance Julie, dont la verve est soutenue par un petit groupe de femmes.
Le gouvernement «avait voulu réparer la pompe avant les cas de choléra», rappelle Joseph Bongwango.
«Quand il y a eu urgence, ils ont dit qu'ils allaient accélérer les réparations, mais on n'en sait pas plus.»
En attendant, Julie reprend avec le sourire la vente de ses graines et légumes. Et quand elle aura besoin d'eau, elle puisera comme d'habitude dans le fleuve. «Je suis enceinte, mais est-ce que j'ai le choix?»
Habibou Bangré
SlateAfrique
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