lundi 1 août 2011

Faute d'eau courante en RDC : Les Kinois utilisent l'eau du fleuve pour boire

01/08/2011

Eau - De l'eau qui coule au robinet

"Je bois l'eau du fleuve, et pourquoi pas? L'eau, c'est l'eau!", lance un brin défiant Fils Keto. Sur les berges du Congo à Kinshasa, les habitudes persistent malgré l'épidémie de choléra qui déjà fait près de 280 morts dans l'ouest de la RDC, le long du fleuve.

Le choléra "je ne sais pas comment il s'attrape. Ca a commencé où?", s'interroge, entre curiosité et inquiétude, le trentenaire svelte en jeans et tee-shirt blanc.

Fils Keto habite Dilolo, l'une des petites îles du Congo que l'on aperçoit depuis le port de Ngamanzo à Kinshasa, malgré le brouillard de la saison sèche.

Comme lui, faute d'eau courante, bien des riverains utilisent l'eau du fleuve pour boire, cuisiner et faire la lessive. En l'absence de toilettes, ils y font aussi leurs besoins, multipliant les risques de contamination.

Débutée en mars dans la Province orientale, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, l'épidémie s'est étendue à l'ouest vers la province de Bandundu, avant d'atteindre en juin celles de l'Equateur et de Kinshasa, toutes bordées par le fleuve Congo. Le dernier bilan fait état de 279 morts sur 4. 062 cas recensés.

Le dispensaire de Ngamanzo a connu le premier cas mi-juin. Depuis, la modeste structure, en pénurie de gants stériles, a enregistré une quinzaine de malades, dont une femme de 35 ans qui est décédée.

Ngamanzo n'avait jamais été frappé jusque-là par la "maladie des mains sales", caractérisée par des diarrhées, de fortes fièvres et parfois des vomissements, selon des responsables locaux et du dispensaire.

Quand la pathologie est apparue, certains habitants ont refusé de blâmer le fleuve.

"Ils disent que Dieu a créé l'eau, qu'ils ont commencé à prendre l'eau il y a longtemps et qu'il n'y a jamais eu de problème", confie Gilbert Kanyinda, l'un des responsables communautaires qui sensibilisent la population.

"Ils disent qu'on fabrique la maladie pour que le gouvernement nous donne de l'argent", poursuit le grand gaillard vêtu d'une combinaison délavée, d'un casque bleu et de lunettes de protection.

Fils Keto n'a jamais eu de maladie après avoir consommé l'eau du fleuve, affirme-t-il. "En tout cas, moi, je n'ai jamais entendu" que cela pouvait rendre malade, dit-il.

La sensibilisation et la prévention de masse ont commencé le 18 juillet à Ngamanzo. Armé de son pulvérisateur et de son mégaphone estampillé au marqueur "Croix-Rouge", Gilbert Kanyinda déclâme des conseils en lingala dans les rues, sur le port et au marché, où les femmes connaissent le message par coeur.

"Il faut faire bouillir l'eau avant de la consommer. Avant de sortir des toilettes, il faut se laver les mains avec du savon monganga", un savon médical, explique Julie Bolongo, 24 ans, une commerçante de graines enceinte de son troisième enfant.

"Il faut bouillir l'eau, mais si on n'a pas l'argent pour acheter la braise, on ne la bout pas. . . ", relève Yvette Itebo, 17 ans.

Dans un centre de traitement d'eau improvisé près du dispensaire, un collègue de Gilbert Kanyinda verse du chlore dans les seaux ou les bidons apportés par les femmes. Plusieurs milliers de litres d'eau sont ainsi traités chaque jour. "Avec la quantité que nous traitons, je pense que c'est bon", juge Gilbert Kanyinda.

Cependant, il sait que leurs efforts sont menacés par le manque de moyens. "Nous devons aller assainir là-bas aussi", dit-il, en désignant de la tête les îles d'où étaient originaires plusieurs malades.

"Il faut assainir là où chaque malade a habité, et les vingt maisons alentour. Mais nous n'avons pas la possibilité d'aller vers les autres rives", faute d'embarcation, lance-t-il.

[Afp]
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