mercredi 17 août 2011

Guillaume N'Guefa (Chef de la division des Droits de l'Homme de l'ONUCI) : “ Du 10 juillet au 11 août, il y a eu 26 personnes qui ont été sommairement exécutées par les FRCI”

mer, 17 août 2011

Guillaume N'Guefa (Chef intérimaire de la division des Droits de l`Homme de l`ONUCI).

Publié le mercredi 17 août 2011 | IVOIREBUSINESS - Le chef par intérim de la division des Droits de l'Homme de l'ONUCI, Guillaume N'Guefa fait le

point, sur ONUCI FM, des missions d'enquête sur le terrain sur l'évolution des droits de l'homme. Il se prononce également sur les conditions de détention des anciens barons de l'ancien régime au pouvoir.

OFM : Au cours de la dernière conférence de presse hebdomadaire de l'Onuci, vous avez parlé d'une situation précaire en Côte d'Ivoire et surtout à Abidjan. Vous avez aussi dénoncé des violations des Droits de l'Homme et de nombreuses exactions commises. Comment avez-vous recueilli les informations en votre possession?

Guillaume N'guefa : D'abord, j'aimerais souligner que cet exercice constitue un élément important dans l'observation permanente de la situation des Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire. Pendant ce mois, nous avons reçu plus d'une centaine d'allégations des Droits de l'Homme. Nous avons des équipes sur le terrain, nous avons neuf bureaux de terrain. Une fois que nous avons ces allégations, des équipes sont sur le terrain. Ce sont des équipes qui ont la compétence, l'expertise qui récoltent et vont pour établir les faits. En fait, ils conduisent des missions d'établissement de faits. Ce ne sont pas des allégations. OFM : Qui a fait quoi?, Comment? Quelles sont les victimes? Et quelles sont les conséquences?

GN : C'est seulement à la fin de ces investigations qu'ils envoient leurs conclusions. Si nous estimons que leurs conclusions sont suffisantes, nous nous permettons de les dire publiquement au cours d'une conférence de presse. Cette capacité d'investigation a comme objectif de ne pas les dénoncer. Mais surtout, d'attirer l'attention des autorités ivoiriennes sur une situation qui demande des réponses adéquates. Du 10 juillet au 11 août, nous avons constaté que pendant cette période, il ya eu 26 personnes dont un enfant de 17 mois qui ont été sommairement exécutées dans différents endroits de la Côte d'Ivoire. En plus, plus 80 cas d'arrestations arbitraires et des détentions illégales et enfin 11 cas de viol et de mutilations génitales dont la plupart ont été commis dans l'ouest de la Côte d'Ivoire. Il ne s'agit pas de spéculation et des choses qui sont inventées.

OFM : S'agit-il des recueils de témoignages?

GN : Il s'agit non seulement de témoignages, mais nous avons rencontré des autorités des FRCI, des autorités locales. Nous avons rencontré les victimes, nous avons été sur le terrain pour constater ce que nous avons déclaré.

OFM : Qui sont les auteurs de ces exactions?

GN : Les auteurs de ces exactions sont principalement les FRCI. Sur 26 cas d'exactions sommaires. 17 ont été commis par les FRCI.

OFM : Sur quelle base affirmez-vous cela, M. N'Guefa ?

GN : Mais, nous avons été sur le terrain. Par exemple, le 11 juillet à Abidjan, l'auteur présumé était un élément des FRCI. Nous connaissons la victime. Elle a été tuée. Le même jour à Fengolo, non loin de Duékoué, c'est aussi un élément des FRCI. Il y a eu aussi le 11 juillet, deux personnes qui ont été sommairement exécutées à Baoubli. Le 19 juillet à Marcory à Abidjan. Donc, ce sont les résultats de ces investigations. On ne dit pas les choses par hasard. Si vous nous demandez le nom de la victime, le lieu, l'endroit et l'heure, la division des Droits de l'Homme sera en mesure de vous fournir ces informations. Donc, en termes d'auteur, il y a les FRCI qui ont commis principalement ces violations. Nous avons les dozos. Et nous avons aussi à Baoubli et à Bonon 7 personnes tuées par les milices pro-Gbagbo.

OFM : Quelles sont les preuves que vous avez, que ce sont les FRCI ou les dozos qui ont commis ces exactions à tel endroit?

GN : Ce sont les fruits de nos investigations. On a été sur le terrain. On a vu les FRCI.

OFM : Qui vous ont avoué avoir commis ces exactions?

GN : Absolument. Quand les exactions sont commises sur le terrain, nous rencontrons les FRCI. Nous entamons un dialogue critique avec les commandants locaux. Ces commandants sont au courant de ce que nous disons. Ils ont désigné un point focal au ministère de la Défense. Et le ministère est au courant de tout cela. On suit cela. Ceux qui conduisent ces investigations sont au courant. Au niveau local, si les FRCI ne remontent pas l'information au niveau d'Abidjan, c'est leur problème. Ce que je sais, ceux qui sont sur le terrain remontent l'information au niveau d'Abidjan et nous retravaillons ces informations. Nous les questionnons de la même manière que vous êtes en train de nous questionner. Les rapports sont critiques. Nous avons le nom de la victime et de l'auteur. Quelquefois, ce qui est troublant, c'est qu'ils sont au courant. Ils disent qu'ils vont prendre des mesures pour sanctionner l'auteur. Ensuite, on voit toutes ces personnes sur le terrain.

OFM : Mais les autorités ivoiriennes disent avoir été surprises par la publication de votre rapport. Elles sont étonnées de n'avoir pas été préalablement informées par l'ONUCI. Qu'est-ce que vous répondez à cela?

GN : Nous maintenons un dialogue avec le gouvernement. Lorsque nos équipes vont sur le terrain, elles informent le politique. Il ne nous appartient pas de rendre compte aux autorités. Il appartient aux autorités sur place de rendre compte à leur hiérarchie. D'ailleurs, nous échangeons de bonne foi des informations avec les autorités. S'il y a eu une rupture des échanges des informations au niveau des chaines de commandement, cela, c'est à leur niveau. Mais, à notre niveau, la conférence de presse a été tenue sur des faits qui sont connus pas les populations et les organisations indépendantes de la société civile. Ces informations ne viennent pas seulement des victimes ou de la société civile. Mais, il a aussi des informations d'autres sources indépendantes telles que les églises catholiques, protestantes ainsi que les imams et les chefs coutumiers. Il y a un point focal au niveau du ministère de la Défense. Je peux vous dire que moi-même, j'informe les autorités ivoiriennes sur certaines des situations que nous constatons sur le terrain.

OFM : Vous dites certaines des situations?

GN : Certaines autorités, oui! Lorsque les allégations sont confortées, elles deviennent des évidences. Nous informons les autorités. S'il y a une rupture au niveau des chaines d'informations des autorités, je pense qu'il y a lieu de corriger cela. Mais quant à nous, nous allons maintenir ce dialogue critique avec les autorités. Nous sommes prêts, si d'ailleurs elles veulent, nous pouvons leur transmettre notre tableau récapitulatif des cas d'exécutions sommaires, d'arrestations arbitraires constatées par la division des Droits de l'Homme, du 11 juillet au 10 août. Vous savez que certaines des violations des Droits de l'Hommes, pas toutes, peuvent constituer des crimes selon la législation ivoirienne. Il leur appartient sur la base de ces informations de ceux qui sont appelés à dire le droit de se saisir d'office et d'ouvrir les enquêtes appropriées.

OFM : Alors, vous disiez aussi que dans votre rapport, vous avez découvert des fosses communes. Où les avez découvertes? Combien de corps contenaient-elles? Quelles sont les victimes?

GN : Nous avons eu des appels, des invitations, des chefs d'établissement scolaires dans les communes de Yopougon qui nous ont dit ceci: «Il y a huit fosses communes qui ont été découvertes dans trois établissements. Venez constater cela.» Nous sommes allés constater. Effectivement, il y a huit fosses communes dans ces trois établissements à Yopougon à Abidjan.

OFM : Ces fosses communes contenaient combien de corps ?

GN : Nous ne savons pas combien de corps y sont contenus. Pour le savoir, il faut que les autorités ivoiriennes, par la voie judiciaire, nous permettent qu'on puisse creuser et déterrer ces corps. Notre rôle n'est pas d'interférer dans la justice ivoirienne. Les chefs d'établissement disent qu'en prévision de la rentrée scolaire, il faut que les élèves fréquentent l'établissement scolaire. Il est difficile de fréquenter un établissement scolaire où il y a huit fosses communes autour. Nous ne connaissons pas les contenus. Donc, nous sommes déterminés à accompagner les autorités ivoiriennes à déterrer les corps, à déterminer les causes et en notre présence. C'est un message d'alerte. Il appartient aux autorités ivoiriennes de prendre leur responsabilité.

OFM : Comment avez-vous fait ce constat qu'il y a des fosses communes?

GN : Nous sommes allés sur le terrain sur la base des témoignages des chefs d'établissement. Nous ne savons pas combien de corps. C'est en présence d'un médecin légiste qu'on peut établir les causes de leur décès. C'est l'Etat ivoirien qui doit s'assurer qu'à la prochaine rentrée scolaire, les enfants ne vont pas à l'école où il y a des fosses communes.

OFM : Vous avez rendu visite aux détenus pro-Gbagbo à Bouna, Korhogo, Boundiali. Vous avez aussi rencontré le couple Gbagbo à Odienné et Korhogo. Dans quel état d'esprit les avez-vous vus? Quelles sont leurs conditions de détention?

GN : D'abord, nous avons rencontré Mme Gbagbo. Je pense que les conditions sont bonnes. Mme Gbagbo est en résidence surveillée à Odienné. Elle nous a dit, elle-même que les conditions de détention sont bonnes. Elle a dit qu'elle est bien traitée. Elle a la possibilité de se promener. Ce qui est une très bonne chose. L'attitude positive du commandant FRCI d'Odienné contribue énormément à ce que ces droits soient garantis. Le commandant FRCI fait un bon travail.

OFM : Et en ce qui concerne M. Gbagbo?

GN : Nous l'avons rencontré à la résidence présidentielle. On a discuté longuement avec lui. Il ressort des discussions qu'il y a des recommandations à formuler aux autorités ivoiriennes. Nous le ferons par des canaux appropriés.

OFM : Comment avez-vous trouvé des détenus pro-Gbagbo à Bouna et à Boundiali?

GN : A Boundiali, je pense que les conditions sont bonnes et conformes aux normes et standards internationaux. En ce qui concerne les détenus de Bouna, il y a des améliorations à apporter.

OFM : Lesquelles par exemple?

GN : Vous savez, quand il pleut, il y a de l'eau qui rentre. Il y a des conditions hygiéniques à améliorer. Nous allons faire des recommandations aux autorités. Mais en tout état de cause, aucune de ces personnes ne nous a dit qu'elle était torturée même moralement. Il y a des petites choses qu'il faut améliorer. Nous allons maintenir le dialogue avec les autorités.

OFM : L'un des avocats de M. Gbagbo, notamment Me Emmanuel Altit, a publié un courrier dans la presse. Il dénonce les conditions de détention de son client, M. Gbagbo. Il affirme avoir demandé de l'aide à l'ONUCI. Il dit s'être buté à une fin de non recevoir. Que répondez-vous à cela?

GN : Normalement, nous sommes astreints au devoir de réserve. Mais, je vais prendre une petite exception sur ça. Me Altit, je l'ai reçu personnellement en compagnie de l'un de mes collaborateurs. Il a demandé à ce que l'ONUCI puisse le transporter pour aller rencontrer son client. Ma réponse a été claire. C'est un avocat, il fait une profession libérale. Il est payé par son client. Nous ne pouvons pas le transporter. Si cela devait se faire, cela devait se faire sur une base exceptionnelle. Nous sommes en train d'apporter un appui aux autorités judiciaires et ivoiriennes pour mener les enquêtes.

OFM : Pour terminer, M. N'Guefa, vous faisiez régulièrement des rapports sur la situation des droits de l'Homme. Vous avez arrêté de publier les rapports. Est-ce qu'on peut connaitre les raisons de cet arrêt?

GN : Nous avons toujours tenu régulièrement des conférences de presse.

OFM : Il n'y a plus de rapports après la crise?

GN : Avant la crise, tous les quatre mois, nous produisons des rapports. Nous sommes entrés dans une situation pré-électorale qui nécessitait que nous puissions suivre la protection des Droits de l'Homme. Nous avons régulièrement tenu informée la communauté nationale et internationale sur ce que nous faisions. Il y a des rapports qui sont publics. Il y a d'autres qui ne le sont pas.

OFM : Vos rapports sont de plus en plus publics, par rapport à ceux d'avant la crise?

GN : Mais pas du tout. Il faut dire que pendant la période pré-électorale, on n'avait pas autant de violation des Droits de l'Homme que nous avons aujourd'hui. On n'a pas changé, parce que les gens pensent que sous le Président Gbagbo, on était très dur. On produisait des rapports et maintenant, on en produit de moins en moins.

OFM : C'est ce que les gens pensent?

GN : Ceux qui connaissent la réalité, avant les élections à partir du mois de septembre, la division des Droits de l'Homme a produit systématiquement des rapports. Nous avons fait l'évaluation des Droits de l'Homme. On n'a pas changé parce que l'Onuci ne défend pas les individus. Nous défendons les principes et les causes. Il appartient au peuple ivoirien de comprendre cela. Nous visons la promotion et la protection des Droits de l'Homme. Avant et après Gbagbo, ce sera pareil. Si les violations de Droits de l'Homme sont commises, nous le dirons avec la même fermeté et principe. La protection des Droits de l'Hommes contribue aux efforts de paix et à la réconciliation nationale.

Source : ONUCI FM

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