mercredi 7 décembre 2011

RDC: un climat lourd de tensions post-électorales

Retour sur les jours qui ont suivi le vote du 28 novembre en République démocratique du Congo. A la veille des résultats du scrutin présidentiel, on redoute une crise post-électorale.

Des partisans de l'opposant Etienne Tshisekedi paradent à Kinshasa, le 28 novembre 2011. REUTERS/Finbarr O'Reilly

Mise à jour du 7 décembre: L'annonce des résultats complets de la  présidentielle en RDC, prévue le 6 décembre, a été repoussée de 48 heures maximum. Selon les derniers résultats, Joseph Kabila devance d'environ 2,6 millions de voix l'opposant Etienne Tshisekedi avec 49% des suffrages contre 33%.
***
Mise à jour du 6 décembre: Selon des résultats partiels publiés le 6 décembre par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Joseph Kabila arriverait en tête de la présidentielle en république démocratique du Congo, le président sortant, Joseph Kabila, 40 ans, élu en 2006, y confirme son avance (46,4%) et précède d'environ 1,3 million de voix l'opposant Etienne Tshisekedi (36,2%), 78 ans, qui rejette ce décompte depuis le départ. Les autres candidats sont loin derrière les deux rivaux.
                                                    ***

Prudence. Les observateurs électoraux se sont exprimés avec une certaine réserve au lendemain de la présidentielle et des législatives du 28 novembre en République démocratique du Congo. Tous ont relevé des «irrégularités», signalé des difficultés d’ordre technique et logistique et déploré des violences. Mais ils ont appelé au respect du verdict des urnes, craignant une flambée de violences après une campagne électorale qui a fait plusieurs morts et de nombreux blessés.
Bien avant les scrutins à un seul tour, une frange de l’opposition a accusé la Commission électorale nationale indépendante (Céni) de préparer des «fraudes massives» en faveur du président sortant Joseph Kabila, arrivé au pouvoir en 2001 après l’assassinat de son père et élu en 2006 pour un mandat de cinq ans. Principal accusateur: l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d’Etienne Tshisekedi, qui brigue la magistrature suprême pour la première fois.

Faut-il annuler le scrutin?

Loin de rassurer l’UDPS, le passage aux urnes n’a fait que confirmer ses soupçons. Alors que les électeurs ont parfois voté jusqu'au mercredi 30 novembre à la suite des retards enregistrés dans une partie des 64.000 bureaux de vote, le secrétaire général du parti Jacquemin Shabani a dénoncé «les fraudes et les violences qui ont émaillé le processus ces trois derniers jours, entre autres les interventions musclées des militaires dans les bureaux de vote au vu et au su des observateurs internationaux et nationaux».
Reste qu’Etienne Tshisekedi —qui a boycotté les élections de 2006, les jugeant entachées d’irrégularités— n’a pas demandé l’annulation du vote, comme l’ont fait trois autres candidats à la présidentielle, qui évoquaient entre autres des «fraudes» et des «irrégularités». Une demande d’annulation que le président de la Céni, le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, a d’ailleurs déclinée:
il «n'y a rien pour annuler ces élections, vraiment rien, on n'y pense même pas!».
Pendant ce temps, des messages ont commencé à circuler par SMS et sur Internet. Ils donnaient par province les résultats de la course à la présidence. Problème: en fonction de l’affiliation politique, les pourcentages flattaient nettement tel ou tel candidat. C’est ainsi que des militants ont chanté ou dansé la victoire d’Etienne Tshisekedi, de Joseph Kabila et de l’ex-président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe.
En réaction, les autorités ont ordonné aux opérateurs mobiles de suspendre le service de textos, et la Céni a déclaré à l’AFP qu’il fallait «couper court aux rumeurs qui circulent sur l’Internet, propagées par des personnes non autorisées». Depuis vendredi 2 décembre, jour où son site web a été brièvement piraté avec l’apparition de tendances, la Commission électorale délivre donc quotidiennement des résultats. Concernant les chiffres au 4 décembre sur plus de 50% des bureaux, mais avec des disparités de taux de compilation selon les provinces, ils placent Joseph Kabila puis Etienne Tshisekedi en tête, avec derrière neuf prétendants.

Batailles de chiffres

Comment ces résultats partiels sont-ils perçus? La majorité a salué une attitude «responsable» de la Céni. Mais Vital Kamerhe et un représentant d’Etienne Tshisekedi, entre autres, ont signé le 3 décembre une déclaration où ils qualifient «tout résultat partiel» comme étant «nul». Car, à l'instar des observateurs congolais et étrangers, ils réclament des chiffres plus précis qui mentionnent les bureaux de vote et les centres locaux de compilation des résultats ayant servi de base.
«Le rapport par bureau de vote sera donné après avoir donné les résultats provisoires» sur l’ensemble des bureaux, a indiqué dimanche 4 décembre le président de la Céni, le pasteur Ngoy Mulunda.
«L’UDPS (…) met en garde monsieur Ngoy Mulunda et monsieur Kabila de respecter la volonté du peuple congolais dans la publication des résultats qui vont suivre. Je vais le dire que, en cas contraire, ils risquent de commettre des actes suicidaires pour eux», avait déclaré la veille à la presse Etienne Tshisekedi.
«J'en appelle à l'ensemble de notre peuple de rester vigilant pour que en cas de besoin ils puissent exécuter le mot d'ordre que je vais leur donner», a-t-il ajouté sans plus de précision, déclenchant des applaudissements nourris de cadres et militants de son parti.
Les résultats provisoires globaux sont attendus le 6 décembre. Au fur et à mesure, l’inquiétude et la crainte de nouvelles violences grandit. Pour prévenir une telle perspective, de nombreux Congolais ont fait des provisions de nourriture et d’eau. En outre, certains demandent aussi à leurs enfants de ne pas aller à l’école.

Habibou Bangré, à Kinshasa
SlateAfrique

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire