La création de la «Coalition des groupes armés de l’Ituri (Cogai)» n’est, en réalité, que l’arbre qui cache la forêt. Il s’agit d’un énième épouvantail qu’agite l’Ouganda afin de jouer, comme le Rwanda, sa partition dans le plan de balkanisation de la RDC.
Les «prédateurs» poussent Kampala à annexer les localités de la Province Orientale riches en or, pétrole, diamant, etc.
Au-delà du conflit identitaire entre Hema et Lendu qui mine depuis des années le district de l’Ituri (Province Orientale), des forces invisibles agissent dans l’ombre pour le contrôle des ressources naturelles de cette partie de la RDC, principalement l’or et le pétrole du lac Albert.
La création d’une Coalition des groupes armés de l’Ituri (Cogai) vient, comme une pièce, compléter le puzzle conçu par les balkanisateurs du pays et démonté à dessein de temps en temps afin de créer la distraction dans l’opinion nationale.
Ce qui est vrai est que la succession des faits n’est pas fortuite. Il y a certes une corrélation. En effet, les événements du Nord-Kivu qui mettent en cause les rebelles du M23 et ceux, tout récemment de l’Ituri, ont certainement le même fil conducteur. Ils tiennent à une logique qui, à terme, vise au démantèlement de la RDC.
Les révélations faites récemment par des mutins du M23 ont mis à nu l’implication de Kigali dans l’insécurité qui prévaut dans le Nord-Kivu. Il n’est pas exagéré d’affirmer que Kigali et Kampala sont en intelligence.
Depuis la guerre de libération de 1996 menée par les troupes de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), le Rwanda et l’Ouganda ont toujours évolué en duo dans leurs actions en terre congolaise.
Que la création de la Cogai intervienne juste après la rébellion du M23 ne relève pas du hasard. Tous ces événements tiennent à un chronogramme dont les étapes sont bien calibrées. Il s’agit, à terme, de se partager la partie Est de la RDC : l’Ituri pour l’Ouganda et le Nord-Kivu pour le Rwanda.
A Kinshasa, cette réalité est occultée. Les institutions de la République en parlent du bout des lèvres ou pas du tout. On dirait qu’elles seraient taraudées par une peur bleue d’un adversaire aux tentacules énormes.
Y avait-il opportunité de créer la Cogai ? Pas du tout.
A première vue, rien ne pouvait justifier la coalition des groupes armés de l’Ituri autour d’une cause commune telle que l’érection de ce district en une province. Pour autant que la question a été déjà vidée avec la Constitution de 2006 qui a prévu le passage de 11 à 26 provinces, dont l’Ituri. De ce point de vue, l’une des principales revendications de la Cogai paraît vide de sens.
REGARD D’UN NATIF DE L’ITURI
Pourquoi la Cogai s’est, malgré tout, lancée dans son aventure ? La réponse à cette question est la clé à l’énigme. Rappelons-nous qu’en 2003, sur fonds de luttes d'influence régionales aux motivations politiques et économiques, les tensions entre populations Hema et Lendu avait dégénéré en guerre sanglante, faisant plus de 50 000 morts et 500 000 déplacés, avec femmes et enfants pour principales victimes.
C’est par un accord conclu, sous la houlette de la communauté internationale, qu’une paix relative est revenue dans cette partie de la Province Orientale.
En réalité, les ennemis du Congo se sont greffés sur les revendications légitimes des populations de l’Ituri. La question identitaire n’est qu’un leurre, un guet-apens dans lequel les communautés sont tombées. Dans le cas d’espèce, le scénario se dessine déjà.
De la décentralisation on va aboutir à l’autonomie en passant par le fédéralisme. Au finish, ce sera la balkanisation laquelle va ouvrir la voie à l’annexion de ce territoire du Congo à l’Ouganda. Le jeu de récupération se fera par la manipulation des élites au pouvoir et au sein de la Société civile.
C’est ce que tente d’ailleurs de démontrer avec brio le général Unyon de la Police nationale congolaise – du reste originaire de l’Ituri – dans un ouvrage intitulé : «Le conflit armé en Ituri : la problématique de sa prévention et de sa gestion». L’ouvrage est sorti en 2009, soit trois ans avant la création de la Cogai.
Originaire de l’Ituri, l’auteur pose la vraie problématique : «Bien que, à des degrés divers, d’autres ethnies se soient également impliqués dans le conflit de l’Ituri, les acteurs locaux les plus visibles sont les Hema et les Lendu. D’autres acteurs visibles sont constitués de groupes armés, de quelques Etats de la région des Grands Lacs, de certaines organisations internationales de quelques organisations non gouvernementales».
Visionnaire, le général Unyon prévenait «Les conséquences du conflit de l’Ituri sont énormes et si dramatiques qu’il faudra plusieurs années pour panser les plaies ouvertes». Aujourd’hui, l’histoire lui donne raison.
RETOUR A LA CASE DEPART
En Ituri, c’est donc le retour à la case départ. La création de la Cogai prouve que les accords de paix conclus jusqu’alors n’ont été que des solutions de surface qui n’ont pas atteint la racine du mal. Et, le vrai problème de l’Ituri n’est pas forcément l’objectif primordial de la Cogai.
Comme en 2003, c’est encore l’Ouganda et le Rwanda qui rythment la cadence. En effet, chacun joue sa partition pour tirer le drap de son côté et avoir gain de cause. La simultanéité du regain de tension tant au Nord-Kivu qu’en Ituri est la parfaite illustration de la connexion entre les deux pays.
En matière géostratégique, rien ne relève du domaine du hasard. De même, en diplomatie, la simultanéité des actions présage nécessairement d’une concertation préalable.
A la limite, il s’agit de se partager l’Est de la RDC. L’Ouganda lorgne l’Ituri et le Rwanda se contentera du Nord-Kivu. Les actuels de l’Est du pays tiennent à ce schéma. Les accusations portées contre le Rwanda sur son soutien plus qu’avéré au M23 tiendraient à cette logique. Pas étonnant que la Cogai bénéficie des mêmes faveurs auprès de l’Ouganda.
Pendant ce temps que fait le gouvernement ? Rien du tout. Dans le Nord-Kivu, par exemple, Kinshasa continue à attendre, malgré toutes les preuves fournies autant par l’Onu que Human Rights Watch, les conclusions d’une pseudo-mission d’enquête pour se prononcer officiellement. En Ituri, par contre, le silence est total. Sans doute, le dossier est classé «secret défense».
C’est la mode depuis un temps. Le drame est que plus Kinshasa se réserve, plus les tireurs de ficelles poursuivent leur œuvre de pillage des ressources naturelles du pays. Et pendant ce temps, Kigali et Kampala se frottent les mains.
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