Le témoignage et les images de notre Observateur font froid dans le dos.
Les FDLR sont nées en 2000 d’une sécession de l’Armée de libération du Rwanda, une milice hutu ayant activement participé au génocide rwandais de 1994 qui a fait 800 000 morts, majoritairement tutsis. Opposés au président rwandais Paul Kagamé, ces combattants se sont installés au Congo voisin pour, disent-ils, défendre les intérêts des hutus rwandais réfugiés au Kivu.
Ils ont reçu jusqu’en 2003 le soutien de Kinshasa, qui avait besoin de forces supplétives pour combattre une autre rébellion active dans la région, le Rassemblement congolais pour la démocratie (le RCD), appuyé lui par le Rwanda et l’Ouganda.
Le RCD est devenu en 2007 le CNDP, le Congrès National pour la Défense du Peuple. Il est accusé par Kinshasa d’être responsable d’une mutinerie qui sème le chaos depuis deux mois au Kivu. Un conflit également documenté par l’un de nos Observateurs congolais.
Les rebelles rwandais des FDLR sont officiellement traqués par Kinshasa et Kigali depuis 2009, après que les deux capitales, auparavant ennemies, eurent signé un accord de coopération visant à démanteler les différentes rébellions qui déstabilisent la région depuis vingt ans.
Kamananga est un village situé à 3km de Bunyakiri, une localité de l’extrême nord du Sud-Kivu, et à 80 km de Bukavu, le chef-lieu de cette province. Bunyakiri abrite une base mobile de la Monusco (la Mission de l’ONU en RDC).
Dans la matinée suivant le massacre, lundi 14 mai, les habitants de Kamananga ont manifesté leur colère devant le campement, accusant les Casques bleus de n’avoir rien fait pour défendre la population face aux FDRL.
Des miliciens de Raïa Mutomboki ("peuple révolté" en swahili), un groupe d’autodéfense qui dit se battre contre les rebelles rwandais, étaient présents à cette manifestation. Les forces onusiennes ont dû tirer en l’air pour disperser l’attroupement, certains manifestants ayant fait usage d’armes à feu.
Onze des soldats de l'ONU ont été blessés lors de ces échauffourées. Le porte-parole de la Monusco à Kinshasa a finalement répondu aux accusations des villageois, expliquant à l’AFP que les Casques bleus n’avaient pas réagi "parce que le temps que l’information arrive, les FDRL avaient déjà commis leur forfait"].
La tuerie de Kamananga Kivu n’est malheureusement pas un cas isolé. Pour le seul mois de mai, l’Unicef a recensé de nombreuses tueries dans des villages de la région, au cours desquelles des femmes et des enfants ont été particulièrement pris pour cible.
Depuis avril dernier, l’ONG Médecins sans frontières déclare avoir pris en charge, à l’est de la RDC, plus de 200 civils blessés par balle, à coups de machette ou brûlés. Un chiffre qu’ils reconnaissent dérisoire au regard de l’ampleur des massacres.
Toutes ces photos ont été prises par notre Observateur qui est arrivé à Kamananga après le massacre lundi 14 mai.
Contributeurs
Patrick RDC
"Il y avait partout des corps de femmes qui avaient été violées, mutilées puis tuées"
Patrick (pseudonyme), 28 ans, habite au Nord-Kivu. Il a pris des photos des victimes le matin du massacre. Craignant pour sa sécurité, il préfère rester anonyme.
Quand j’ai appris ce qui c’était passé, j’ai tout de suite pris la route avec mon oncle pour me rendre à Kamananga, mon village d’origine. En arrivant, les maisons brûlaient encore et il y avait partout des corps de femmes qui avaient été violées, mutilées puis tuées. J’ai vu plein de cadavres dans les fourrés et dans les maisons. Deux personnes de ma famille ont été tuées. Ce qui m’a choqué, c’est le nombre d’enfants morts, tués comme ça.
"Le massacre a duré de 3 h à 7 h du matin"
Les plus gravement touchés ont été envoyés directement à Bukavu (chef-lieu du Sud-Kivu). Je me suis rendu à l’hôpital de Bunyakiri où j’ai parlé avec des personnes qui avaient subi des blessures plus légères.
Ils m’ont dit que des hommes armés de machettes et de couteaux étaient venus les surprendre dans leur sommeil. Tout le monde s’était mis à courir, certains avaient réussi à fuir dans la forêt, mais les plus faibles, les femmes et les enfants, ont été les premières victimes. Le massacre a duré de 3 h à 7 h du matin. Ce que j’ai vu m’a terrifié. Je ne peux faire qu’une chose, c’est prier Dieu.
"Pour les villageois, les Casques bleus ont laissé faire les rebelles rwandais"
Pour les gens de Kamananga, les Casques bleus ont clairement laissé faire les rebelles rwandais. Des miliciens de Raïa Mutomboki les ont rejoints pour attaquer les casques bleus. Moi j’ai regardé ça de loin.
ATTENTION, LES IMAGES CI-DESSOUS SONT PARTICULIEREMENT PERTURBANTES.
Ces cadavres de femmes et d'enfants ont été photographiés à l'extérieur des maisons. Notre Observateur affirme qu'ils ont été tués alors qu'ils tentaient de fuir les rebelles.
A l'hôpital Bunyakiri. Notre Observateur affirme que ces femmes ont été violées et mutilées sexuellement.
Ce billet a été rédigé avec la collaboration de Peggy Bruguière, journaliste à FRANCE 24.
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