En séjour à Kinshasa, le conseiller spécial du département d’Etat américain pour les Grands Lacs, avec siège à Kigali (Rwanda), a exprimé le désir de son pays de pousser le Rwanda à cesser tout soutien au M23.
Volonté difficile à faire passer tant que Kigali ne cessera pas d’être la «prunelle des yeux des Etats-Unis» qui le couvrent dans son entreprise belliqueuse dans les Grands Lacs.
Washington, qui a tenté récemment de s’opposer, avant de se raviser, à la publication des annexes du rapport de l’ONU qui chargent le Rwanda dans la rébellion menée par les mutins du M23, est en train de souffler le chaud et le froid.
De quel côté se trouvent les Etats-Unis dans le dossier relatif à l’insécurité persistante dans l’Est du pays ?
Est-ce du côté de la vérité que tente de prouver la République démocratique du Congo ?
Ou du côté du Rwanda auquel ils seraient liés par des alliances non apparentes ?
Selon des observateurs avisés, l’attitude des Etats-Unis étonne. Ceux-ci indiquent que c’est sur ces alliances que s’appuie le Rwanda pour justifier son aventure belliqueuse dans les provinces de l’Est de la RDC.
Ils rappellent que tout récemment, l’administration américaine s’est opposée, par l’entremise de son ambassadeur à l’ONU, à la publication des annexes du rapport des Nations unies rendant compte de l’implication du Rwanda dans la rébellion menée par le M23. Cela avant de se raviser plus tard.
Pour quelle raison ?
Tout porterait à croire que les Etats-Unis auraient des intérêts à protéger, et probablement, des choses à dissimuler.
On sait désormais que, derrière le M23, c’est le Rwanda qui est le maître à penser, guidé, à son tour, par des mains invisibles que Kinshasa appelle «des forces obscures ou forces étrangères» tapies dans l’ombre.
Et, c’est le moment choisi par Washington pour dépêcher à Kinshasa le conseiller spécial du département d’Etat en charge des questions des Grands Lacs, Barrie Walkley. L’homme, qui a ses bureaux curieusement à Kigali, a rencontré tour à tour à Kinshasa le chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange, et le Premier ministre, Matata Ponyo Mapon.
Devant ses deux interlocuteurs, il a tenu un langage en réel déphasage avec l’attitude qu’affiche Washington depuis le déclenchement de la rébellion du M23, en avril dernier. Voici enfin l’administration Obama qui se montre compatissante envers la souffrance qu’endurent les Congolais de la partie orientale de la RDC.
Devant le chef de l’Etat, l’émissaire du secrétaire d’Etat américain a fait part des préoccupations de son gouvernement sur l’insécurité causée dans l’Est de la RDC par les affrontements entre les mutins du M23 et les Forces armées de la RDC (FARDC). «J’ai assuré le président Kabila que le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique est vraiment préoccupé par les événements dans le Kivu», a-t-il déclaré.
Mais, bien avant son arrivée à Kinshasa, le diplomate américain a passé, selon ses déclarations, plusieurs jours à Kigali. Que faisait-il là-bas ? Que se sont-ils dit, lui et les autorités de Kigali, visiblement impliquées dans la rébellion de l’Est de la RDC ?
A ces questions, Barrie Walkley a préféré entretenir le suspense, se contentant de dire avoir «clairement» expliqué la position du gouvernement américain aux autorités de Kigali, qu’il a appelées à «cesser tout soutien au M23». A Kabila, il a indiqué avoir passé «avec force» ce message aux Rwandais.
Ce qui n’a malheureusement pas empêché le M23 de continuer sa progression sur le terrain des opérations, avec notamment la prise successive en fin de semaine dernière de Bunagana de Rutshuru-Centre.
Quant à la présence des militaires rwandais aux côtés des éléments du M23, le diplomate américain s’est montré prudent. Il a juste évoqué des «rapports» et des «allégations» qui, selon lui, rendraient compte d’une «présence» sur le front de l’Est de la RD Congo.
Pour l’émissaire américain, si des militaires rwandais sont sur le territoire congolais, ils devraient partir immédiatement. «Ça c’est clair, c’est ça le message que nous avons transmis aux Rwandais et nous continuerons à passer le message au gouvernement rwandais au niveau le plus élevé», a-t-il conclu.
TEST DE SINCERITE
En ce temps de guerre, la RDC a besoin de connaître ses vrais amis, ceux sur qui elle peut s’appuyer pour mettre fin à l’aventure rwandaise.
Superpuissance, les Etats-Unis ne sont pas des partenaires à négliger, pourvu qu’ils fassent montre de sincérité dans leurs rapports avec la RDC. On sait que, de tout temps, des analystes ont fustigé le penchant fort prononcé de l’administration américaine envers le régime de Kigali.
Madeleine Albright, secrétaire d’Etat américain sous l’administration Clinton, avait clamé haut et fort que le Rwanda passe pour la «prunelle des yeux» des Etats-Unis. N’aurait-elle pas donné là des indications qui feraient passer le Rwanda pour un frère et la RDC pour une amie ?
Dès lors, quel crédit pourrait-on accorder aux déclarations conciliantes du conseiller spécial au département d’Etat américain ? Wait and see. Ne dit-on pas que la fin justifie les moyens ? On jugera Washington au résultat.
Autrement dit, tout dépend de la manière avec laquelle l’administration Obama va régler le conflit qui oppose ouvertement dans les Grands Lacs deux pays avec lesquels elle entretient de bons rapports. Sans doute qu’il entre en ligne de compte ici le jeu des intérêts particuliers avec l’un ou l’autre.
Tout compte fait, il importe que Washington se souvienne de plus de six millions de Congolais morts injustement dans les atrocités de l’Est de la RDC, commanditées dans la plupart des cas à partir de Kigali.
GLOBAL WITNESS INTERPELLE LONDRES ET WASHINGTON
Global Witness a donc vu juste en invitant, depuis son siège régional de Nairobi (Kenya), les deux grandes puissances proches du Rwanda, à savoir les Etats-Unis et le Royaume-Uni, à contraindre Kigali à mettre fin à ses actons de déstabilisation de l’Est de la RDC.
«Ces deux principaux soutiens du Rwanda doivent user de leur influence pour que Kigali cesse de soutenir les groupes armés opérant en RDC», a recommandé, dans un communiqué, cette organisation basée à Londres.
Pour avoir accordé au Rwanda en 2011 des aides évaluées à plus 350 millions Usd, le Royaume-Uni et les Etats-Unis disposent d’une influence certaine qu’ils doivent utiliser pour contraindre Kigali à lâcher prise, a estimé Sophia Pickles de Global Witness.
«La vie des milliers de civils congolais en dépend, ainsi que la stabilité dans la région», a-t-elle souligné.
Jeudi dernier, Kinshasa a haussé le ton. «Nous exigeons que les autorités rwandaises arrêtent, cessent de laisser leurs officiers continuer à alimenter la guerre au Congo», a déclaré le porte-parole du gouvernement congolais, le ministre Lambert Mende.
Il a fait état des «preuves accablantes» contenues dans les annexes d'un rapport d'experts de l'ONU selon lesquelles des mutins, qui s'opposent depuis avril à l'armée congolaise (FARDC) au Nord-Kivu (Est), ont reçu l'appui des officiers supérieurs rwandais.
Selon le document des experts de l’Onu, ces officiers ont apporté une «aide directe» à la création du M23 (Mouvement du 23 mars), dont se revendiquent les mutins.
Parmi les noms cités dans l'annexe figurent des personnalités clés du régime rwandais, dont le ministre de la Défense, le général James Kabarebe, le chef d'état-major des armées, le général Charles Kayonga, et aussi le général Jack Nziza, secrétaire permanent du ministre de la Défense et ancien patron du DMI (Department of Military Intelligence), les services de renseignements militaires rwandais.
© Le Potentiel
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