vendredi 13 juillet 2012

Indépendance - 52 ans de "poto-poto". Que faire?



Une anecdote. Samedi 30 juin 2012, une Congolaise de Bruxelles reçoit un appel téléphonique de Kinshasa.

«Maman, bonne fête !», lance le correspondant au bout du fil. «Ah ! De quelle fête parlez-vous?», répliqua la dame.

«Nous sommes aujourd’hui le 30 juin. Cette date ne vous rappelle rien?». «Euh…ah oui ! C’est la date de la proclamation de l’indépendance du Congo, le 30 juin 1960». Canular? Nullement.

Nombreux sont les citoyens congolais auxquels la date du 30 juin 1960 ne rappelle plus grand chose. Sinon, un «poto-poto» (désordre) qui dure depuis cinquante-deux ans. Cinquante-deux années de désordre et de régression. Régression au plan social. Régression au plan économique. Régression au plan politique.

Les analystes occidentaux ont tendance à brandir l’«impréparation» comme étant la cause de ce “non départ”. Selon eux, les Congolais n’avait pas encore les capacités techniques pour combler le vide laissé par les 10.000 fonctionnaires civils et militaires belges qui administraient le Congo-belge.

Le pays – habité alors par 14 millions d’âmes dans un espace territorial quatre-vingt fois plus grand que la Belgique – comptait à peine une dizaine d’universitaires ou des personnes ayant accompli le cycle complet d’études supérieur.

«J’aime attirer la très sérieuse attention des Congolais sur ce que nous venons à peine de quitter le stade des clercs, peut-on lire dans un exposé de motif de la loi fixant les critères devant servir de base à la création des provinces et l’organisation de leurs assemblées législatives promulguée le 27 avril 1962 par le président Joseph Kasa Vubu. Avant l’indépendance, nous n’avions pas bénéficié des grades de chef de bureau ou directeur».

Inutile de dire que durant l’époque coloniale, les Congolais étaient confinés à tâches administratives d’éxécution. Les militaires dépassaient à peine le grade de sergent-major. Les Congolais ne jouissaient pas du droit de vote. Ils n’ont donc pas été à l’«école de la démocratie».

Qui dit démocratie dit non seulement des élections périodiques et la séparation du pouvoir mais aussi la culture du débat. La culture de la tolérance. Bref, le respect de l’autre dans sa différence, fut-il adversaire. Faute d’avoir été à l’école de la démocratie, les Congolais ignorent la culture de rendre compte.

C’est-à-dire cette obligation de résultat qui incombe à tout détenteur d’une parcelle de pouvoir. N’ayant pas de tradition étatique, les Congolais ignorent également des notions essentielles à toute vie collective que sont notamment le service public et l’intérêt général.

Dans son ouvrage «Un conflit au Congo», Thomas Kanza rapporte que la première réunion du Conseil des ministres présidée par le Premier ministre Patrice-Emery Lumumba ne comportait qu’un seul point à l’ordre du jour.

A savoir : le partage des limousines et villas qu’occupaient les ex-cadres coloniaux ayant quitté le pays. Les premiers responsables politiques du Congo indépendant venaient, sans le savoir, de commettre le «péché originel» consistant à ramener le pouvoir d’Etat au rang de «butin».

Cette “patrimonialisation” du pouvoir a pris l’allure d’une «malédiction». Le pouvoir d’Etat n’est plus cette force au service d’une idée de progrès économique et social. C’est tout simplement un ascenseur social. Tout le monde rêve de devenir ministre, député, sénateur ou PDG.

Une situation qui n’est pas sans rappeler le personnage campé par Louis de Funès dans le film “La folie de grandeur”. Ayant appris qu’il va être “viré” de son poste ministériel, De Funès d’implorer la Reine : “Ma Reine, que vais-je devenir? Etre ministre, c’est l’unique métier que je sais exercer”.

Pour n’avoir pas compris qu’un Etat digne de ce nom doit avoir pour socle une population instruite et en bonne santé, une économie saine et forte, une armée puissante, une justice indépendante et une administration efficace, les dirigeants zaïro-congolais ont transformé leur pays en un «Etat dépendant».

Un Etat qui dépend de la charité internationale. La main qui donne étant toujours au-dessus de celle qui reçoit, la dépendance a engendré l’ingérence. Durant la Guerre froide, l’Etat zaïro-congolais s’évertuait à défendre les intérêts du monde occidental.

En contrepartie, l’Occident fermait les yeux sur le caractère autoritaire du régime. L‘antagonisme Est-Ouest fini, l’Occident a changé son fusil d’épaule en imposant aux anciennes «dictatures amies» une démocratisation chaotique sous peine de suspension de la coopération. Le Burundi et le Rwanda ont payé le prix fort.

Depuis le 24 avril 1990 à ce jour, le Congo-Zaïre traverse une crise politique et sociale grave. La cause serait, l’impréparation des gouvernants mais aussi des citoyens à assimiler les valeurs démocratiques : le respect de la vie et de la dignité de la personne humaine, la liberté, la justice sociale, la séparation des pouvoirs, l’alternance etc.

Le Congo-Zaïre n’a pas connu de véritable «transition» entre le parti-Etat et le multipartisme pour permettre aux “petits et grands citoyens” d’acquérir un autre état d’esprit. Deux décennies après le lancement du processus démocratique, la confusion est totale. Pire, on assiste au retour en force de vieux démons que sont l’unanimisme ou la pensée unique, le tribalisme et le régionalisme.

Deux décennies après le lancement de la démocratisation imposée de l’extérieur, les Congolais sont en passe de perdre la maîtrise de leur destin. Le «Grand Congo», lui, est devenu la risée de ses voisins. Les actes de provocation ne se comptent plus.

Des bandes armées défient un Etat devenu incapable d’exercer la plénitude de l’autorité sur son territoire. Les Zaïro-Congolais ont-ils été mal inspirés en considérant la démocratie comme un commencement plutôt qu’un aboutissement?

En 1960, les Congolais n’avaient pas assez de cadres formés. Cet argument ne devient-il pas insoutenable cinquante-deux années après? Pourquoi le “trop plein” de cadres semble le problème au lieu d’être la solution et que l’avenir paraît plus qu’incertain? Que faire ?

Ce pays serait-il, à l’image de l’Allemagne post-première guerre mondiale, condamné à être dirigé par un «Chef» pour réhabiliter l’honneur perdu d’une nation?

Devrait-on donner raison aux analystes qui allèguent que le Congo-Kinshasa aurait, dans le contexte actuel, besoin d’une sorte de Kemal Atatürk, c’est-à-dire d’un «despote éclairé», doublé des qualités de gestionnaire capable non seulement de rassembler les Congolais mais aussi d’impulser le progrès économique et social tout en redonnant au pays sa respectabilité à l’extérieur?

Le Congo-Kinshasa et son peuple cherchent désespérément un leader capable d’incarner l’aspiration collective à une renaissance nationale. Les Congolais cherchent déssespérément un leader capable de transformer l’indépendance octroyée le 30 juin 1960 en une véritable décolonisation.

La résignation n’a jamais servi de moteur au Changement. Le renversement du régime sanguinaire et anti-national incarné par “Joseph Kabila” est un devoir patriotique. Un devoir sacré.

Baudouin Amba Wetshi

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