Le retour de la guerre dans l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) fragilise une fois de plus le régime de Kinshasa.
Pour Faustin Munene, entré en dissidence contre Joseph Kabila depuis 2010, le président congolais est le principal responsable du regain de violence au Nord-Kivu.
Le président de l'Armée de résistance populaire (ARP) confirme également dans cette interview accordée à Afrikarabia, les alliances qui se nouent actuellement sur le terrain entre les différents groupes armés à l'Est du pays.
- Afrikarabia : Faustin Munene, depuis 3 mois le Nord-Kivu est le théâtre de violents affrontements entre la rébellion du M23 et l’armée congolaise, comment analysez-vous la situation ?
- Faustin Munene : Pourquoi la situation s’est dégradée dans ce secteur ? C’est là qu’a lieu le pillage organisé de nos richesses, c’est là que les populations connaissent le pire de ce qu’a connu l’humanité depuis la seconde guerre mondiale, tout cela cautionné par le gouvernement congolais.
C’est dans cette régions que l’on risque de connaître le pire, c’est à dire la balkanisation de notre pays. Et c’est donc dans cette zone que s’organise une forte résistance contre un gouvernement illégal et illégitime. La seule personne qui est responsable de cette explosion à l’Est s’appelle Joseph Kabila.
Plusieurs raisons à cela : sa mauvaise gouvernance et la mise en place d’un régime dictatorial sans justice sociale. C’est un régime où toutes les institutions sont prises en otages. Il engage la République dans des accords secrets (avec le Rwanda, ndlr), il prend ses décisions seul, personne ne sait ce qu’il fait.
Le conflit à l’Est ne s’explique pas par les « forces négatives » (FDLR, Maï-Maï et maintenant M23, selon Kinshasa, ndlr). Ce terme est un concept erroné qui n’est pas acceptable juridiquement.
Dans ce conflit, nous avons d’un côté, un gouvernement illégitime, avec l’armée congolaise, la police nationale, les services de renseignement et des mercenaires engagés à partir des pays des Grands lacs, et de l’autre côté vous avez le peuple qui n’a d’autre moyen que l’auto-défense et la résistance.
Lorsque l’on dit « forces négatives », il s’agit donc d’une mascarade pour en faire ce que l’on veut.
- Afrikarabia : Que pensez-vous du projet d’envoi d’une « force internationale neutre » dans la région pour stabiliser la frontière entre la RDC et le Rwanda ? C’est une solution selon vous ?
- Faustin Munene : C’est une violation très grave du droit. Cette décision a été prise seule, en ignorant le peuple d’abord et la Constitution ensuite. Kinshasa est seulement en quête de légitimité internationale (après les élections contestées de novembre 2011, ndlr) et l’Union africaine a été prise en otage.
Sur le plan technique, nous avons déjà une force internationale qui s’appelle la Monusco (mission des Nations unies en RDC, ndlr) forte de 18.000 hommes. Pour moi, la « force neutre » est simplement destinée à mettre notre pays sous tutelle.
Je voudrais adresser un message à l'Union africain : il faut une solution plus durable et un cadre juridique. Il faudrait aussi y inclure la résistance, nous avons des propositions à faire.
- Afrikarabia : Est-ce que votre mouvement, l’Armée de résistance populaire (ARP), est déjà engagée sur le terrain et mène des actions ?
- Faustin Munene : A l’Est, la population s’est dressée comme un seul homme contre le régime. L’auto-défense est un des principes de la résistance. L’auto-défense est d’ailleurs autorisée par l’article 63 et 64 de la Constitution. Dans notre cas, il s’agit de légitime défense.
Nous nous battons contre ce génocide qui a eu lieu à cause de notre hospitalité pour avoir reçu des réfugiés rwandais (après le génocide de 1994, ndlr). Nous payons le prix fort. Et maintenant les Congolais ne veulent plus de Kabila. Joseph Kabila est le seul obstacle à la paix.
La résistance est présente sur le terrain, dans toutes ces formes. Il ne faut pas oublier que le M23, c’est l’ancien CNDP, qui compose une partie des FARDC (l’armée régulière congolaise, ndlr). Le CNDP s’est rallié au PPRD, (le parti majoritaire de Joseph Kabila, ndlr). Nkunda, Ntaganda et les autres… ont été promus aux grades d'officiers supérieurs par le président Kabila lui-même.
Le CNDP constitue donc pour moi une composante du gouvernement. Les gens du M23 ont compris cela et ont tourné casaque. Ils intègrent donc le camp que nous appelons celui de la résistance. En ce qui nous concerne, la résistance n’a pas de couleur.
- Afrikarabia : Est-ce que cela veut dire que l’ARP est présente sur le terrain à l’Est, à Walikale par exemple et dans d’autres endroits ?
- Faustin Munene : Oui, nous sommes présents depuis longtemps, avant même le M23, juste après ce que l’on appelle le « hold-up électoral » de Joseph Kabila. Nous avons alors pris la décision ferme de défendre notre territoire.
Dès le mois de janvier 2012, nous nous sommes positionnés auprès de nos populations pour l’auto-défense. Nous sommes présents dans 4 provinces : Province orientale, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Nord-Katanga.
- Afrikarabia : Qui sont les alliés de l'ARP sur le terrain ?
- Faustin Munene : La résistance comme principe de légitime défense engage l'ensemble des résistants, de l'intérieur et de l'extérieur. Il n'y a pas d'alliance, tout le monde qui prend position contre ce régime fait partie de cette résistance. Tous les moyens sont bons pour que Kabila parte. Nous ne faisons aucune discrimination.
- Afrikarabia : Cela veut dire que vous pouvez vous allier au Nord-Kivu au groupe Maï-Maï Raïa Mutomboki par exemple ?
- Faustin Munene : Tout ceux que vous citez font partis de ce que nous appelons les forces de résistances. Je le répète, le terme de « forces négatives » est très méprisant et cache la vérité des choses. L'ARP, sur le terrain, est représentée par tous ces groupes d'auto-défense.
Le terme Maï-Maï est très mal utilisé. Pour moi, les Maï-Maï sont tout simplement des résistants qui refusent la terreur, les pillages et tout ce que l'on connaît de mal. Maï-Maï, c'est un état d'esprit, nous n'avons pas de tribu qui s'appelle Maï-Maï.
- Afrikarabia : Quels sont les alliés politiques de l'ARP ?
- Faustin Munene : Nous faisons partis de la grande famille de l'opposition. Nos alliés sont tout ceux combattent le régime de Joseph Kabila. Tous les partis politiques d'opposition sont nos alliés naturels.
- Afrikarabia : Pouvez-vous nous dire où vous êtes actuellement et dans quelles conditions vous vivez ?
- Faustin Munene : J'ai échappé à maintes reprises à des tentatives d'assassinat. J'ai donc traversé chez nos voisins (au Congo-Brazzaville, ndlr). On m'a condamné par contumace en RDC, on a même arrêté des gens qui ont travaillé avec moi il y a plus de 10 ans.
Beaucoup de mes collaborateurs ont perdu la vie. Je devais être liquidé avant le chef de l'Etat (Laurent-Désiré Kabila a été assassiné le 16 janvier 2001). J'ai donc trouvé protection auprès du gouvernement du Congo-Brazzaville.
Mais vous savez, j'ai participé au coeur du pouvoir, pendant la guerre contre régime de Mobutu, j'étais aux côtés du président assassiné, Laurent-Désiré Kabila et je connais tellement bien Joseph Kabila... peut-être mieux que tout le monde. Le président Sassou (président du Congo-Brazzaville, ndlr), en grand sage, n'a pas accepté la demande d'extradition de la RDC.
- Afrikarabia : Cela veut dire que vous êtes libre de vos mouvements au Congo-Brazzaville ?
- Faustin Munene : Ici je suis protégé car l'ennemi est partout. L'ennemi me cherche à la loupe. Tous les services de Joseph Kabila cherchent à m'assassiner, je suis donc protégé ici.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD
Photo : Faustin Munene © DR
Pour Faustin Munene, entré en dissidence contre Joseph Kabila depuis 2010, le président congolais est le principal responsable du regain de violence au Nord-Kivu.
Le président de l'Armée de résistance populaire (ARP) confirme également dans cette interview accordée à Afrikarabia, les alliances qui se nouent actuellement sur le terrain entre les différents groupes armés à l'Est du pays.
- Afrikarabia : Faustin Munene, depuis 3 mois le Nord-Kivu est le théâtre de violents affrontements entre la rébellion du M23 et l’armée congolaise, comment analysez-vous la situation ?
- Faustin Munene : Pourquoi la situation s’est dégradée dans ce secteur ? C’est là qu’a lieu le pillage organisé de nos richesses, c’est là que les populations connaissent le pire de ce qu’a connu l’humanité depuis la seconde guerre mondiale, tout cela cautionné par le gouvernement congolais.
C’est dans cette régions que l’on risque de connaître le pire, c’est à dire la balkanisation de notre pays. Et c’est donc dans cette zone que s’organise une forte résistance contre un gouvernement illégal et illégitime. La seule personne qui est responsable de cette explosion à l’Est s’appelle Joseph Kabila.
Plusieurs raisons à cela : sa mauvaise gouvernance et la mise en place d’un régime dictatorial sans justice sociale. C’est un régime où toutes les institutions sont prises en otages. Il engage la République dans des accords secrets (avec le Rwanda, ndlr), il prend ses décisions seul, personne ne sait ce qu’il fait.
Le conflit à l’Est ne s’explique pas par les « forces négatives » (FDLR, Maï-Maï et maintenant M23, selon Kinshasa, ndlr). Ce terme est un concept erroné qui n’est pas acceptable juridiquement.
Dans ce conflit, nous avons d’un côté, un gouvernement illégitime, avec l’armée congolaise, la police nationale, les services de renseignement et des mercenaires engagés à partir des pays des Grands lacs, et de l’autre côté vous avez le peuple qui n’a d’autre moyen que l’auto-défense et la résistance.
Lorsque l’on dit « forces négatives », il s’agit donc d’une mascarade pour en faire ce que l’on veut.
- Afrikarabia : Que pensez-vous du projet d’envoi d’une « force internationale neutre » dans la région pour stabiliser la frontière entre la RDC et le Rwanda ? C’est une solution selon vous ?
- Faustin Munene : C’est une violation très grave du droit. Cette décision a été prise seule, en ignorant le peuple d’abord et la Constitution ensuite. Kinshasa est seulement en quête de légitimité internationale (après les élections contestées de novembre 2011, ndlr) et l’Union africaine a été prise en otage.
Sur le plan technique, nous avons déjà une force internationale qui s’appelle la Monusco (mission des Nations unies en RDC, ndlr) forte de 18.000 hommes. Pour moi, la « force neutre » est simplement destinée à mettre notre pays sous tutelle.
Je voudrais adresser un message à l'Union africain : il faut une solution plus durable et un cadre juridique. Il faudrait aussi y inclure la résistance, nous avons des propositions à faire.
- Afrikarabia : Est-ce que votre mouvement, l’Armée de résistance populaire (ARP), est déjà engagée sur le terrain et mène des actions ?
- Faustin Munene : A l’Est, la population s’est dressée comme un seul homme contre le régime. L’auto-défense est un des principes de la résistance. L’auto-défense est d’ailleurs autorisée par l’article 63 et 64 de la Constitution. Dans notre cas, il s’agit de légitime défense.
Nous nous battons contre ce génocide qui a eu lieu à cause de notre hospitalité pour avoir reçu des réfugiés rwandais (après le génocide de 1994, ndlr). Nous payons le prix fort. Et maintenant les Congolais ne veulent plus de Kabila. Joseph Kabila est le seul obstacle à la paix.
La résistance est présente sur le terrain, dans toutes ces formes. Il ne faut pas oublier que le M23, c’est l’ancien CNDP, qui compose une partie des FARDC (l’armée régulière congolaise, ndlr). Le CNDP s’est rallié au PPRD, (le parti majoritaire de Joseph Kabila, ndlr). Nkunda, Ntaganda et les autres… ont été promus aux grades d'officiers supérieurs par le président Kabila lui-même.
Le CNDP constitue donc pour moi une composante du gouvernement. Les gens du M23 ont compris cela et ont tourné casaque. Ils intègrent donc le camp que nous appelons celui de la résistance. En ce qui nous concerne, la résistance n’a pas de couleur.
- Afrikarabia : Est-ce que cela veut dire que l’ARP est présente sur le terrain à l’Est, à Walikale par exemple et dans d’autres endroits ?
- Faustin Munene : Oui, nous sommes présents depuis longtemps, avant même le M23, juste après ce que l’on appelle le « hold-up électoral » de Joseph Kabila. Nous avons alors pris la décision ferme de défendre notre territoire.
Dès le mois de janvier 2012, nous nous sommes positionnés auprès de nos populations pour l’auto-défense. Nous sommes présents dans 4 provinces : Province orientale, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Nord-Katanga.
- Afrikarabia : Qui sont les alliés de l'ARP sur le terrain ?
- Faustin Munene : La résistance comme principe de légitime défense engage l'ensemble des résistants, de l'intérieur et de l'extérieur. Il n'y a pas d'alliance, tout le monde qui prend position contre ce régime fait partie de cette résistance. Tous les moyens sont bons pour que Kabila parte. Nous ne faisons aucune discrimination.
- Afrikarabia : Cela veut dire que vous pouvez vous allier au Nord-Kivu au groupe Maï-Maï Raïa Mutomboki par exemple ?
- Faustin Munene : Tout ceux que vous citez font partis de ce que nous appelons les forces de résistances. Je le répète, le terme de « forces négatives » est très méprisant et cache la vérité des choses. L'ARP, sur le terrain, est représentée par tous ces groupes d'auto-défense.
Le terme Maï-Maï est très mal utilisé. Pour moi, les Maï-Maï sont tout simplement des résistants qui refusent la terreur, les pillages et tout ce que l'on connaît de mal. Maï-Maï, c'est un état d'esprit, nous n'avons pas de tribu qui s'appelle Maï-Maï.
- Afrikarabia : Quels sont les alliés politiques de l'ARP ?
- Faustin Munene : Nous faisons partis de la grande famille de l'opposition. Nos alliés sont tout ceux combattent le régime de Joseph Kabila. Tous les partis politiques d'opposition sont nos alliés naturels.
- Afrikarabia : Pouvez-vous nous dire où vous êtes actuellement et dans quelles conditions vous vivez ?
- Faustin Munene : J'ai échappé à maintes reprises à des tentatives d'assassinat. J'ai donc traversé chez nos voisins (au Congo-Brazzaville, ndlr). On m'a condamné par contumace en RDC, on a même arrêté des gens qui ont travaillé avec moi il y a plus de 10 ans.
Beaucoup de mes collaborateurs ont perdu la vie. Je devais être liquidé avant le chef de l'Etat (Laurent-Désiré Kabila a été assassiné le 16 janvier 2001). J'ai donc trouvé protection auprès du gouvernement du Congo-Brazzaville.
Mais vous savez, j'ai participé au coeur du pouvoir, pendant la guerre contre régime de Mobutu, j'étais aux côtés du président assassiné, Laurent-Désiré Kabila et je connais tellement bien Joseph Kabila... peut-être mieux que tout le monde. Le président Sassou (président du Congo-Brazzaville, ndlr), en grand sage, n'a pas accepté la demande d'extradition de la RDC.
- Afrikarabia : Cela veut dire que vous êtes libre de vos mouvements au Congo-Brazzaville ?
- Faustin Munene : Ici je suis protégé car l'ennemi est partout. L'ennemi me cherche à la loupe. Tous les services de Joseph Kabila cherchent à m'assassiner, je suis donc protégé ici.
Propos recueillis par Christophe RIGAUD
Photo : Faustin Munene © DR
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