Alassane Ouattara dans la tourmante
Depuis son irruption sur la scène politique ivoirienne avec le Rassemblement des républicains (Rdr) qui le porte en triomphe, Alassane Ouattara est resté dans la logique du «sans moi ou rien».
Il avait déjà déroulé son programme de conquête au forceps jusqu’au 19 septembre 2002.
Le 7 décembre 1993, suite au décès du premier président ivoirien, Alassane Ouattara ayant refusé de respecter l’article 11 de la Constitution ivoirienne, tente un coup de force pour accéder à la présidence de la République.
Mais le dauphin constitutionnel Henri Konan Bédié lui barre la route. Il abdiqua en s’effaçant au profit du président de l’assemblée nationale.
Visiblement, celui à qui le bélier de Yamoussoukro a fait appel pour redresser (sic) l’économie ivoirienne n’a pas pu supporter ce revers dans cette guerre des héritiers. Ses soutiens au sein du parti politique laissé par le vieux créent une dissidence.
Elle débouche sur la création du Rassemblement des républicains (Rdr) en 1994. La haine emmagasinée contre leurs camarades d’hier, notamment contre les leaders du Pdci au pouvoir qui remettent en cause la question de la nationalité ivoirienne, sera mise au grand jour par certains cadres du Rdr. La tension monte d’un cran.
«Le PDCI dit que nous sommes des peureux. Nos grands-pères n’ont pas eu peur de prendre cette région avec les fusils et la poudre. Nous ne voulons plus de ces gens parce que le PDCI nous manque de respect, nous méprise et ne nous considère pas. Ils nous ont traités comme des animaux.
Parce que nous votions pour Houphouët ils nous ont pris pour des ignorants. Ils ont organisé une campagne de dénigrement : ils ont injurié Alassane, son père, sa mère et nous. Mais ils ne nous connaissent pas. Parce que c’est avec des fusils et des balles que nos grands-parents ont conquis cette terre.
Ils ne nous font pas peur. Ils ont dit que nous ne serions plus rien dans ce pays. Ensuite ils ont renvoyé 267 de nos cadres. Ils ne veulent plus entendre l’appel du Muezzin de la mosquée pour la prière. Ils ne veulent pas de l’Islam et des musulmans.
Ils envoient les militaires les frapper dans les mosquées. Si nous acceptons cela c’est que nous ne sommes pas des musulmans, si nous les suivons c’est que nous sommes des bâtards. Vous connaissez bien la chanson Malienne qui dit : plutôt la mort que la honte.
Ici chez nous nous disons : «Mieux vaut mourir que d’avoir honte.» Pouvons-nous accepter la honte ? Non ! Nous avons les mêmes armes qu’eux. Nous avons aussi nos hommes dans l’armée. Nous ne voulons d’eux ni aujourd’hui, ni demain.
Depuis que Houphouët est mort nous n’avons connu que brimades, honte et humiliations» dixit Lamine Diabaté ex-époux d’Henriette Dagri Diabaté, actuelle grande chancelière de la République, à Odienné en 1995.
L'instumentalisation du concept d'Ivoirité
Lorsque Alassane Ouattara, lui-même reprend cette thèse en proclamant sur les médias étrangers en 1995 «On a écarté ma candidature parce que je suis musulman et du Nord !», les ressortissants du nord et les musulmans longtemps endoctrinés, adhèrent au Rassemblement des républicains qui se radicalise au fil des jours.
Dès lors, ce parti, qui mise sur une conquête effrénée du pouvoir d’Etat par Alassane Ouattara, trouve non seulement une assise tribale mais également des raisons éhontées d’enraciner ses tentacules au sein de la grande muette.
Ainsi, des soldats de l’armée ivoirienne ayant exercé dans son entourage lorsqu’il était Premier ministre sous le président Félix Houphouët-Boigny basculeront dans une rébellion armée des années plus tard.
Même s’il s’est abstenu de s’afficher ouvertement aux côté de l’opposition militaire à Laurent Gbagbo, il n’en demeure pas moins qu’Alassane Ouattara, enclin à des propos insurrectionnels était résolu à recourir aux coups de force pour arriver à ses fins.
A cet effet, la Côte d’Ivoire connait son premier coup d’Etat en 1999 par le fait de militaires, originaire pour la grande partie du nord, dont certains ont servi directement à ses côtés.
S’ensuivent quatre autres tentatives dont celle du 19 septembre 2002 qui se transforme en une rébellion sanglante. Koné Zakaria, chef de guerre et commandant de la zone de Bouaké, en son temps, n’avait-il pas révélé, lors d’un meeting à Séguéla et pour justifier le conflit qui oppose IB et ses excompagnons, qu’Alassane Ouattara est bien le père de la rébellion en Côte d’Ivoire ?
Celui qui commande aujourd’hui la police militaire sous Alassane Ouattara demandait aux populations de soutenir le MPCI (Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire) non pas pour sa personne à lui, ni pour la personne de IB, mais bien pour Alassane Dramane Ouattara qui, selon lui, leur a acheté les armes et qui, durant leur préparation au Burkina Faso, leur a fourni sacs de riz et 25 millions Fcfa par mois.
Au cours de ce meeting, Koné Zakaria a confessé également qu’il était chargé de recruter des gendarmes pour le compte de la rébellion.
Combien de perte en vies humaines ont jalonné la conquête du pouvoir de l’actuel numéro un ivoirien ? Une chose saute à l’oeil, les ex-rebelles (Koné Zakaria, Shérif Ousmane, Guillaume Soro, Michel Gueu, Bakayoko Soumaïla…) qui ont attaqué la République le 19 septembre 2002 sont ceux là qui occupent une place de choix au sein de son pouvoir.
C’est d’ailleurs pourquoi les enquêtes sur les événements de ce 19 septembre qu’il a promis aux Ivoiriens n’auront jamais lieu ou si elles le sont, elles n’apporteront aucune lumière sur les différentes implications.
Est-il vraiment le père de la rébellion ? Le gros mensonge qui accuse Ouattara
Souvenons-nous. Lors du débat télévisé d’entre les deux tours de la dernière présidentielle, Alassane Ouattara prenait des engagements forts quant à l’élucidation du mystère sur le financement de la rébellion ivoirienne.
Bien entendu, il a très vite renié ses engagements et son régime est désormais engagé dans la mise en place d’une «mémoire des vainqueurs». Cette étrange attitude le condamne. Forcément.
Dix ans après le déclenchement de la rébellion ivoirienne, la question fondamentale que les Ivoiriens se sont posé n’a pas encore trouvé de réponse officielle. Qui a brisé le tabou national de la paix en lançant une guerre sans la déclarer ?
Bien entendu, l’on a très vite su qui étaient les «instruments » des entrepreneurs politiques qui avaient décidé de porter le glaive dans le flanc de la mère-patrie. Très vite, l’on a identifié Ibrahim Coulibaly dit «IB», ancien garde de corps de la famille Ouattara ; Guillaume Soro, colistier lors des municipales d’Henriette Diabaté, numéro deux du parti de Ouattara ; Alain Lobognon dit «adjudant Beugré», employé au sein du cabinet privé de Ouattara.
En dépit de ces «coïncidences » et d’autres, bien plus troublantes encore, l’actuel chef de l’Etat a toujours nié mordicus être le père de la rébellion.
Pour qu’un grand nombre d’Ivoiriens croient en sa bonne foi, il est allé jusqu’à prendre des engagements très forts, à l’occasion du débat qui l’a opposé au président Laurent Gbagbo avant le second tour de l’élection présidentielle de 2010.
Réfutant l’argumentaire de son adversaire, qui lui a méthodiquement rappelé toutes les phrases par lesquelles il assumait objectivement le coup d’Etat de 1999 et annonçait de manière à peine voilée le coup d’Etat manqué de 2002, Alassane Ouattara a pris un engagement très clair.
«Il faut évacuer ce qui est dit sans preuve, sans enquête. Et il faut que les Ivoiriens connaissent la vérité de l’évolution de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire.
La première chose que je voudrais faire, c’est de faire des enquêtes, des commissions d’enquête sur le coup d’Etat de 1999. Parce que moi aussi je veux savoir qui a fait le coup d’Etat, pourquoi ça a été fait et dans l’intérêt de qui (…)
Je vais mettre en place aussi une commission d’enquête sur la rébellion, pour savoir comment la rébellion a été organisée, qui l’a organisée, qui l’a financée et pourquoi il y a eu tant de dégâts et de souffrances et de tueries des frères ivoiriens entre eux», a-t-il affirmé.
Bien entendu, après plus de dix-huit mois de pouvoir, il n’a toujours pas mis en place la fameuse Commission d’enquête. Face à Gbagbo, Ouattara s’est voulu plus précis : «Je prends l’engagement de faire la lumière sur ces choses et bien sûr tout le corollaire : l’assassinat du général Guei, l’assassinat de Boga Doudou, ainsi de suite.»
D’où vient-il, qu’au final, le régime n’annonce que la réouverture d’une enquête sur le décès de l’un de ces hommes, c’est-à-dire Robert Gueï ? L’impasse faite sur Boga Doudou, audelà de ce qu’elle constitue une trahison d’un engagement de campagne – donc un mensonge de plus ! – indique que cette mort-là, causée par ceux qui ont mené le coup d’Etat manqué, gêne énormément le régime.
Hier, Ouattara promettait une «commission d’enquête» qui remettrait tout à plat et éluciderait le mystère sur le financement de la rébellion – un financement que lui même a assuré, à en croire des propos publics de Koné Zakaria, le patron de la «police militaire».
Aujourd’hui, il instrumentalise la mort du général Guéi pour unir et victimiser le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Pour imposer désormais une sorte de mémoire unilatérale des vainqueurs du moment.
Et faire oublier, surtout, la question fondamentale : qui a choisi, alors que le pays était dirigé par un gouvernement d’union incluant tous les partis, de tuer et de tuer encore les Ivoiriens pour conquérir le pouvoir ?
Philippe Brou
source : AbidjanDirect
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire