jeudi 13 septembre 2012

L'axe Kinshasa-Kigali au bord de la rupture

Jeudi, 13 Septembre 2012



Les bonnes relations entre Kinshasa et Kigali ne tiennent plus qu’à un fil. L’odeur de la rupture se dégage à mille lieues. L’hypocrite «parfait amour», affiché pendant un temps, n’a pas pu résister à l’épreuve du temps.

Très vite, les démons de la prédation et de la domination ont semé le grain de la division entre les deux capitales. Kigali, qui a pris pied en territoire congolais pour des raisons connues et d’autres notoirement dénoncées par différentes enquêtes indépendantes, ne serait pas enclin d’en sortir de si tôt !

Toutes les justifications y passent au point d’entretenir la polémique avec Kinshasa. Les deux capitales sont sur le point de franchir la ligne rouge. Rupture !

Le ton ne cesse de monter entre Kinshasa et Kigali. L’initiative prise par Kigali de «descendre» les autorités de Kinshasa auprès de leur opinion publique a appelé à une réplique appropriée.

Les Rwandais étaient les premiers à passer à l’offensive. Dès que la guerre avait éclaté au Nord-Kivu, les autorités de Kigali ont tout de suite embouché le langage d’une affaire congolo-congolaise.

«Les Congolais doivent résoudre eux-mêmes leurs problèmes internes», s’entendait-on dire à Kigali.
Pour riposter à la provocation amorcée par Kigali, Kinshasa a mis toutes les batteries en marche pour rechercher des preuves matérielles devant étayer à la face du monde le degré de l’implication rwandaise dans le drame provoqué par la guerre que mène le M23 par procuration.

Acculé, le régime de Kigali a activé et envenimé l’escalade verbale.

Cela a commencé par le dernier séjour de travail à Kinshasa de la ministre rwandaise des Affaires étrangères. Sans scrupules, elle a déclaré à la presse congolaise que l’opinion congolaise devrait être éduquée.

D’aucuns, à l’époque, avaient indiqué que Louise Mishikiwabo avait passé outre les traditionnelles réserves diplomatiques. D’autant qu’elle sortait d’une audience officielle.

Dans un premier temps, Kinshasa a fait de la provocation, en estimant qu’il s’agissait d’une distraction destinée à minimiser, sinon étouffer les preuves matérielles qui circulaient déjà dans l’opinion contre Kigali.

Exaspéré par l’attitude de Kigali, le gouvernement finira par rendre publics les éléments de preuves laborieusement réunis par des experts congolais qui avaient travaillé sur la question.

Irritation, sens dessus sens dessous à Kigali où l’on considère cette sortie médiatique comme un crime de lèse-majesté.

Au même moment, les experts onusiens reviennent à la charge avec quasiment les mêmes preuves pour enfoncer davantage le régime rwandais pour son soutien au M23.

Le président rwandais ne décolère pas. Selon lui, le commanditaire ne serait autre que Kinshasa.

Dans une conférence de presse tenue, le 19 juin 2012 à Kigali, Paul Kagame déclarait, pince sans rire, que «Le Rwanda n’est pas la cause des problèmes du Congo » ; avant d’ajouter que « Les problèmes congolais doivent être gérés par les Congolais».

Répondant coup pour coup, le gouvernement décide de saisir officiellement le Conseil de sécurité des Nations unies.

Commentant cette démarche, le porte-parole du gouvernement dira : «Nous avons du mal à croire que le Rwanda ne soit pas considéré comme partie intégrante des problèmes qui ont surgi dans cette partie de notre pays dans la mesure où le cœur du problème, comme le président Kagame lui-même l’a défini c’est les FDLR.

Or, les FDLR ce sont des Rwandais. Par ce fait même, le problème ne peut pas être défini comme congolo-congolais».

Le même jour à Kinshasa, une délégation conduite par la chef de la diplomatie rwandaise discutait avec la partie congolaise sur l’insécurité dans l’Est de la RDC alors qu’au Rwanda le président Kagame donnait son point de presse mensuel.

Réponse du berger à la bergère

Ce jeu de ping-pong entre Kinshasa et Kigali prend des tournures inattendues après l’oral au Conseil de sécurité. Des bailleurs de fonds du Rwanda décident en cascade de la suspension de leurs assistances respectives afin d’éviter de financer indirectement cette montée de violence.

L’initiative ayant changé de camp, Kigali qui se croit avoir de l’ascendance sur Kinshasa sort la grande artillerie.

James Kabarebe accorde une interview fleuve à Colette Braeckman. Le ministre de la Défense rwandais n’a pas fait d’économie des termes pour «crucifier» les autorités de Kinshasa.

Tout ce qui pouvait monter l’opinion publique congolaise contre le gouvernement était méticuleusement mis en épingle. L’effet recherché était de briser la cohésion retrouvée entre les institutions congolaises et les Congolais !

Ce carcan redoutable pour les agresseurs devrait se fissurer afin de se trouver de l’espace après l’étreinte diplomatique fort embarrassante provoquée par Kinshasa.

Pour corser les choses, le retrait des forces spéciales du territoire de Rutshuru a provoqué l’effet d’une bombe. Kigali a mis tout le soin sur le plan médiatique et de la communication afin d’affaiblir davantage Kinshasa.

La réaction de Kinshasa est tout aussi musclée : «le Rwanda profite du départ de ses forces spéciales de Rutshuru pour exfiltrer des hommes au-delà de la centaine convenue ».
Les coups ne se comptent plus. Louise Mishikiwabo enfonce le clou. Sans se faire prier, elle lâche : «Comme on dit en français, le ridicule ne tue pas. Franchement, je crois que c’est ça la réponse du Rwanda.

Je crois que Kinshasa a plus intérêt à essayer de trouver des solutions pour ses problèmes que de rester bloqué dans cette psychose d’accusations qui n’apporte aucune solution.

En fait, ça nous donne l’impression que Kinshasa n’est pas intéressé par une solution. Les accusations de Kinshasa, nous, on y fait même plus attention, ça devient tellement ridicule.

Si une force, la force rwandaise était si bien sur le territoire congolais avec l’accord de Kinshasa, nos troupes étaient avec les troupes congolaises, en uniforme de l’armée congolaise.

Donc, comme les deux étaient ensemble, cela veut dire que l’armée congolaise se battait aux côtés du M23, alors.»

Le ton encore plus haut et l’escalade semble aller de soi. « Faux rétorque sans ambages le ministre Lambert Mende : «La ministre rwandaise a, peut-être, raison. Le ridicule ne tue pas.

Mais, elle doit convenir que ce qui se passe au Kivu ne relève pas du ridicule. Des Congolais sont tués chaque jour par centaines, par milliers. Ces gens sont innocents et ils meurent.

Leurs champs sont brûlés, leurs bétails sont pillés et leurs enfants mineurs sont enrôlés de force par les éléments du M23, pro-rwandais, recrutés par le Rwanda. Tout cela est loin d’être ridicule.»

Le ministre des Médias poursuit : «Ils ont même trafiqué des images pour faire croire que nos militaires auraient pu assister au départ. Tout cela pour nous opposer à nos populations. C’est ce qui rend le Rwanda peu crédible dans ses déclarations prétendant qu’il recherche la solution».

Au bord de la rupture

Cette escalade verbale qui va crescendo n’augure rien de bon dans les tout prochains jours. Kinshasa qui subit jusque-là les assauts de Kigali se contente de peaufiner sa stratégie en conformité avec les us et pratiques diplomatiques.

Loin d’être les signes d’une quelconque faiblesse, il s’agit plutôt d’une posture susceptible de mettre les souteneurs de Kigali dos au mur, en les confondant dans la réalité de la situation sur le terrain.

Si le courant peut encore passer, c’est grâce au bout du fil que tient encore Kinshasa pour qui, la vie des millions de Congolais oblige de se rendre partout où la paix se négocie.

Cette attitude est un signal de bonne foi dans la mesure où, les avancées diplomatiques enregistrées proviennent d’un travail souterrain de récolte des preuves sur l’implication de Kigali. Méthodiquement, Kinshasa avance ses pions, suivant une stratégie qui produit des résultats.

Cette politique de petits pas pourrait s’avérer payante en attendant de passer à la vitesse supérieure. Ce langage de la violence que Kigali affectionne tant ne constitue donc plus un piège pour Kinshasa.

La rupture avec Kigali sera le pic avant que la communauté internationale ne mette un terme à son hypocrisie dans le traitement de ce dossier de l’instabilité dans l’Est de la RDC.


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