8 Novembre 2012
Ces Français qui ont la graine du djihad.
Ces Français qui ont la graine du djihad.
Ibrahim Ouattara, 24 ans, français originaire d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), en région parisienne, a été arrêté à Sévaré, près de Mopti au Mali, au début de ce mois. Voyageant sous le nom de Khalifa Dramé, une fausse identité, il tentait, selon les autorités maliennes, de rejoindre les rangs des forces islamistes qui occupent le nord du Mali.
Voilà ce que nous écrivions il y a quelques jours dans Marianne au sujet de ces Français qui ont la « graine du djihad ».
La république va devoir s’y faire, un nombre non négligeable de ses fils virent islamistes radicaux, souvent après avoir frayé avec les caïds du quartier. Ou avec les terrains de sport, comme le franco-congolais, ou comme Bilel Benouahab, né en 1989 à Villeneuve-sur-Lot, ancien champion de boxe anglaise recyclé dans le salafisme après une défaite de trop, pris dans les filets de la section antiterroriste de la brigade criminelle de Paris en 2010.
Une affaire qui en dit long sur le profil de ces jeunes qui, faute d’accéder aux « zones tribales » du Pakistan, entendent passer à l’acte à domicile…
L’enquête est ouverte lorsque l’ex-boxeur, déjà connu des services spécialisés, tente de se rendre au Pakistan à partir de l’Inde. Arrêté par la police locale, il est refoulé vers la France le 4 mai 2010. Le mauvais sort s’acharne sur l’un de ses camarades, Ibrahim Ouattara, né en 1988 à Aubervilliers.
Déjà signalé à l’université islamiste de Khartoum (Soudan), au Yémen et en Egypte, le jeune franco-malien revient lui aussi les menottes aux poignets. Interpellé le 12 mai 2010 par les autorités yéménites pour défaut de visa, il est refoulé vers le Sultanat d’Oman, qui le renvoie vers Paris.
Il ne s’en cache d’ailleurs pas : il a bien cherché à rejoindre le Waziristan (Pakistan), fief des talibans, où il espérait apprendre le maniement des armes de guerre. De la France, il a une idée assez définitive, puisqu’il parle d’une « terre de mécréance », opinion que partage apparemment son ami le boxeur.
Les deux hommes sont relâchés, mais placés sous surveillance. Et la récidive ne tarde pas. Bilel Benouahab tente de gagner l’Iran à partir d’Amsterdam, mais il est de nouveau refoulé.
Avec son camarade Ibrahim Ouattara, ils se rabattent sur une nouvelle destination : la Somalie, où sévissent les « Shabab », alliés d’AQMI, sœur sahélienne d’Al Qaeda. Le 7 octobre 2010, ils s’envolent pour l’Egypte, mais on ne veut toujours pas d’eux : ils sont remis dans l’avion après un interrogatoire musclé.
De nouveau les policiers de la brigade criminelle, le franco-malien s’assume en djihadiste de banlieue. Il explique avoir fomenté le projet de frapper en France, à défaut d’avoir trouvé sa place auprès d’Al Qaeda : il a envisagé de tuer d’un coup de couteau le recteur de la grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, « soit disant représentant des religieux en France ».
À défaut, il s’en serait pris à l’imam de la mosquée de Drancy, connu pour son ouverture d’esprit. C’est en cherchant des alliés via Facebook, explique-t-il, qu’il est tombé sur Bilel, alias « Abou Khattab », qui lui a dit être en mesure de réunir 8 à 9 personnes. Tuer le recteur leur aurait valu les grâces de l’ « organisation », qui leur aurait alloué les moyens nécessaires pour fomenter une action spectaculaire en France, pourquoi pas un attentat contre l’ambassade des Etats-Unis ou d’Israël…
La petite bande de dangereux allumés compte dans ses rangs un certain Hakim Soukni, né à Aubervilliers en 1985. Lui aurait appris l’arabe dans une mosquée de Villiers-sur-Marne, avant de séjourner en Egypte en 2009. Il considère le djihad comme un « devoir, tout comme la prière ».
C’est pour lui un acte de « légitime défense », ajoute-t-il, citant en exemple les attentats du 11 septembre 2001, avant de se reprendre.
Mais c’est du côté des convertis que le groupuscule puisse l’essentiel de ses forces. Le premier s’appelle Arnaud Barotteaux. Né en 1985 à Paris, il aurait embrassé l’islam en 2004. Passé par le Yémen, il a la ferme intention de gagner la Somalie. Son rêve secret : mourir en martyr pour rejoindre Allah.
Le deuxième a pour nom Nicolas Riollet. Né à Blois en 1989, il a rencontré Ibrahim Ouattara en 2009 et rapidement mis son appartement marseillais à la disposition des « frères salafistes ». Il s’est installé en Egypte début 2010 pour y apprendre la lecture des textes dans leur langue originale.
Sur place, il a approché l’ « internationale » islamiste, avec débouchés possibles sur le front tchétchène et afghan. Clef d’entrée réclamée par le passeur iranien : un IPhone avec boussole, GPS et… heures des prières. Dernier SMS envoyé son ami Ibrahim : « j ai beaucoup 2 projet pr la France j’aim mon frère en Allah ».
Troisième larron, Weirdal Sitta, d’origine congolaise lui aussi. Lui dit s’être converti en 2002 en prison, où il était pour trafic de stupéfiants ; il a épousé une certaine Carole, née en 1987 à Paris, amie d’enfance de son frère, convertie pour sa part en 2006, avec en guise de témoin un autre membre du groupe, Ahmed Khouani, né en Algérie en 1956.
A l’heure de rejoindre l’Afghanistan, il explique à sa femme que le djihad « le laverait de tous les pêchés ». « Les martyrs sont des oiseaux qui volent dans le ciel », précise-t-il. Il ne s’envole pas les mains vides : avec l’argent du trafic, il a acheté le parfait matériel du trekkeur, sac de montagne, boussoles, piles, lampes maglite, chaussures de randonnée, veste polaire couleur camouflage.
Depuis les montagnes afghanes, Weirdal « rassure » son épouse à sa façon : « c’est plus obligatoire que le pèlerinage, maintenant si les gens ne veulent pas y aller, c’est leur problème à eux. Moi je suis en train de payer ma dette ». Plus tard, alors qu’elle lui demande rentrer, il évoque lui aussi ses projets sur le sol français : « si je reviens, c’est pour tafer en céfran, tu vois, j’sais pas si t’as capté le délire. Tu vois, si je suis crevé, ça sert à rien du tout, tu vois, j’vais pas prendre 10 piges dans mes dents… Les chefs, ils m’ont demandé de vérifier ça avant ».
Projet d’attentat ? Devant les enquêteurs, avant sa mise en examen pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme », Carole traduit autrement les propos de feu son mari : « J’ai pensé qu’il aurait pu faire du bif avec les stups et envoyer de l’argent et des armes là-bas ». Elle ne l’a jamais revu : son mari est mort sur le sol afghan le 9 mai 2011, en même temps qu’un quatrième converti prénommé Mathieu, passé par la mosquée de la rue Myrha, à Paris, et connu pour « ne pas adresser la parole aux femmes »…
Alors que se précise l'hypothèse d'une intervention militaire internationale pour restaurer l'intégrité territoriale du Mali, à laquelle participerait la France, le jeune Ibrahim Ouattara a choisi de devancer l'appel. Côté islamistes.
Frédéric Ploquin
Marianne2.fr
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