jeudi 22 novembre 2012

Les pièges du M23 et les cyniques trêves de Kinshasa

Nos compatriotes envoyés au front pour se battre contre le M23 ont eu à obéir aux ordres les invitant à des trêves répétées. Et cela, selon certains témoignages, chaque fois qu’ils avaient le dessus sur le M23.

Juste après ces trêves, la situation se retournait contre eux. Ils devaient choisir entre la mort, la fuite ou la reddition.

En étudiant cette question de plus près, « les minorités organisées et agissantes » se rendent compte les accords signés secrètement entre Kinshasa, Kigali et Kampala portent davantage leurs fruits.

L’humiliation de nos compatriotes et le pillage des matières premières de notre pays ainsi que les tentatives de son émiettement poursuivent leur petit bonhomme de chemin.

En dépit des discours officiels sur le respect des frontières héritées de la colonisation. Et le M23, en bon mouvement opportuniste, nous tend des pièges en voulant nous faire croire qu’il lutte pour l’ordre démocratique et contre le hold-up électoral auquel le CNDP a participé.

Quand le dimanche 18 novembre 2012, il se retrouve (officiellement) aux portes de Goma, le M23 formule ses revendications en invitant le gouvernement de Kinshasa à négocier avec lui au grand jour dans les 24 heures, sous peine de prendre la ville.

Quelques jours avant la cynique mise en scène des échanges de tirs entre le M23 et les FARDC, l’un de ses membres est passé par Bruxelles et a accordé une interview à Amba Wetshi (congoindependant).

Il lui a dit entre autres ceci : « Le M-23 lutte pour l’avènement d’un ordre démocratique légal au Congo.

Nous savons que M. Etienne Tshisekedi wa Mulumba a été élu par le peuple congolais. Kabila lui a volé sa victoire. Pour l’instant, la première exigence du M23 est de revenir à l’ordre démocratique tel qu’il a été exprimé par les citoyens.

Or vous le savez autant que moi que ce n’est pas par le dialogue ou par des vociférations sur l’Internet qu’on pourra chasser Kabila. Celui-ci a une armée et des cachots. Eugène Diomi Ndongala en sait quelque chose.

Pour pouvoir chasser Kabila, il faut prendre les armes. C’est une question de rapports de force. C’est en tous cas ce que fait le M23 qui s’est emparé d’une partie du territoire national pour servir de base de lancement du combat. Le M23 va avancer jusqu’à ce que ce Monsieur quitte le pouvoir.[1] »

Bien que M. Baleke (Docteur en Philosophie) soutienne qu’il est contre le dogmatisme et pragmatique, il ne nous dit pas comment l’ordre démocratique va prendre le dessus sur les revendications qui ont sous-tendu la création du M23/CNDP-MP à partir du Rwanda au mois de mai 2012.

C’est d’un. De deux, M. Stanislas Baleke rejette le dialogue que ses collègues ont réclamé quand ils sont arrivés aux portes de Goma.

Et cela avec le gouvernement de Kabila qui « a volé la victoire » à Etienne Tshisekedi, selon ses propres dires. (Et ce « vol » a été facilité par les troupes du CNDP qui ont bourré et emporté les urnes comme en 2006.)

Dans cette interview, M. Baleke se moque de nos « vociférations sur l’Internet » et croit que l’unique voix pour renverser le pouvoir de Kinshasa est de prendre les armes.

Il fait comme si nous n’avions aucun souvenir de la prise d’armes par l’AFDL pour chasser Mobutu, par le RCD pour chasser Laurent-Désiré Kabila et par le CNDP pour que Joseph Kabila quitte le pouvoir ! Il nous prend tous pour des amnésiques.

Et puis, il ment quand il affirme l’indépendance de son mouvement vis-à-vis du Rwanda. Le dernier rapport des experts de l’ONU est plus que clair sur cette question. Aussi, son mouvement a-t-il des liens historiques avec Joseph Kabila.

Non pas seulement parce que le M23 est une émanation du CNDP, allié de la Majorité Présidentielle kabiliste, mais aussi parce que « le raïs » est l’un de ses créateurs et protecteurs.

Pour preuve, chaque fois que les FARDC ont eu le dessus sur le M23, « la haute hiérarchie » a exigé une trêve.

Il n’y a pas que nos compatriotes militaires qui en témoignent. Un proche de l’ex-procureur de la CPI en parle aussi clairement quand, traitant du cas de Ntaganda, l’un des membres fondateurs du M23, il écrit :

« Lorsque M. Kabila énumère les « cent raisons » d’arrêter M. Ntaganda, il tente de donner des gages à « la communauté internationale », sans mettre en application cette mesure.

Nul n’ignore pourtant ses lieux de villégiature à Gisenyi (Rwanda) et à Goma (RDC), où des responsables de la Monusco le croisent régulièrement sur le terrain de tennis à l’hôtel Ihusi.

A la suite de la déclaration présidentielle, il a tout le loisir de fuir à Masisi (RDC), où, encerclé, il profitera d’une étonnante « trêve » pour partir de nouveau vers le Rwanda. » Et quand Stanislas Baleke avoue que Ntanganda n’a rien à voir avec le M23, il ment encore une fois.

Ce mouvement est créé par « Terminatoir » et Laurent Nkunda avec l’appui de Paul Kagame après cette fuite (et même officieusement un peu tôt).

Juan Branco en témoigne quand il écrit : « Il y fondera (au Rwanda) le M23, le 6 mai(2012), avec M. Laurent Nkunda, lui aussi inculpé par la CPI , et M. Sultani Makenga, son ancienne aide du camp, devenu la vitrine légale du mouvement.[2] »
Pourquoi le M23 est-il créé ? Pour les mêmes objectifs que l’AFDL-PPRD, le RCD et le CNDP : faciliter le pillage des matières premières de l’est de notre pays au Rwanda, à ses alliés occidentaux et à leurs multinationales.

Et « bien qu’il démente toute implication dans la crise, le président rwandais s’y engage résolument. Tributaire de l’exploitation illégale des ressources naturelles des deux Kivus et de l’Ituri, qui pèsent pour près d’un quart dans le produit brut du pays (…).

Il soutient en sous-main la création du M23 dès le mois de février (2012), accueillant ses responsables et l’approvisionnant tant en hommes qu’en matériel. [3]»

Tout ceci est aujourd’hui un secret de polichinelle. Mais pourquoi cela n’est-il pas sanctionné ni par l’Union Européenne ni par « la communauté internationale »?

Pour des raisons évidentes que plusieurs d’entre nous connaissent et que Charles Onana réduit à trois paramètres.

« Le premier tient au déploiement des lobbies pro-tutsi à Bruxelles, notamment au sein de l’Union Européenne.

Le second porte sur le soutien officiel accordé au régime de Paul Kagame par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne.

Le troisième est fondé essentiellement sur le rôle de sous-traitant confié secrètement par des multinationales peu scrupuleuses et certains groupes mafieux au régime de Kigali. [4]»

Ajoutons que du point de vue de la pensée, en Occident, un travail de fourmi est mené depuis le XIXème siècle pour remplacer les valeurs humanistes de Lumières (égalité, liberté, solidarité, fraternité, démocratie, etc.) par les valeurs néolibérales (déréglementation, libéralisation, privatisation, libre-échangisme, individualisme, atomisation, etc.) avec les inégalités et la violence structurelle qui en découlent.

L’Occident voudrait en finir une fois pour toutes avec la démocratie[5].

Quand, en marge de ce sous-bassement néolibéral et mafieux, le M23 affirme qu’il est pour l’avènement de la démocratie et d’un Etat de droit, il ment. Il tend un piège aux compatriotes-faibles-d’esprit, ignorants et thanatophiles.

N’est-ce pas par thanatophilie (l’amour de la mort) et par ignorance que certains compatriotes et autres membres de l’Afrique des Grands Lacs acceptent d’aller au front du cynique théâtre organisé par Kagame, Museveni, Ntaganda et Kabila (et leurs parrains) pour se servir de chair à canon pendant que ces messieurs se la coulent douce dans leurs châteaux dorés ?

Ces quatre messieurs ne sont jamais en guerre entre eux. Non. Ils ont signé des accords pour livrer l’Afrique des Grands Lacs aux prédateurs de tout bord. (Revisitons leurs photos au salon de Museveni à Kampala.)

Tomber dans les faibles pièges du M23, c’est rééditer la bêtise de l’AFDL.
C’est vrai. Il tue et pille. Il vole et animalise nos compatriotes. Mais si nous nous liguons ensemble comme un seul homme contre les aventuriers de ce mouvement, ils n’iront pas plus loin que les villes et les villages qui leur permettent d’avoir le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda comme bases-arrières.

De toutes les façons, ils prennent les plus éveillés d’entre nous pour des imbéciles. Après avoir infiltrés les institutions et les structures étatiques du pays par l’AFDL-PPRD-CNDP-RCD, ils tiennent à tout prix à nous rendre esclaves sur la terre de nos ancêtres en augmentant leur nombre.

Allons-nous succomber à ces pièges ou accepter de lutter, de résister ou de mourir dignes ?

Tel nous semble l’un des défis de l’heure actuelle. Un autre est de lutter de toutes nos forces pour mettre tous « les chevaux de Troie » de l’ordre néolibéral hors d’état d’agir.

Nous avons urgemment besoin de remplacer le système néolibéral de notre mort par un autre plus humain.

Ce défi est immense. Le relever prendra du temps et impliquera une révolution culturelle congolaise (et panafricaine).

Mbelu Babanya Kabudi
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[1] Questions directes Stanislas Baleke, surhttp://www.congoindependant.com/article.php?articleid=7650

[2] J. BRANCO, Un demi-million de réfugiés depuis le moi de mai. Qui veut vraiment la paix au Congo ?, dans Le Monde diplomatique, Novembre 2012, p. 13.

[3] Ibidem.

[4] C. ONANA, Europe, crimes et censure au Congo. Les documents qui accusent, Paris, Duboiris, 2012, p. 136.

[5] S. GEORGE, ‘’ Cette fois, en finir avec la démocratie.’’ Le rapport Lugano II, Paris, Seuil, 2012. La lutte contre la démocratie date des années 60 comme en témoigne un livre publié par les membres de la Trilatéral et intitulé La crise de la démocratie . Nous y reviendrons dans un prochain article.
© Congoindépendant

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