samedi 30 mars 2013

Centrafrique: le Centrafricain Mackpayen raconte sa détention au camp de Roux

Un soldat de la Seleka après la libération des prisonniers du camp de Roux.
Un soldat de la Seleka après la libération des prisonniers du camp de Roux.
AFP PHOTO / SIA KAMBOU

Par Cyril Bensimon
 
Le Centrafricain Mackpayen est ce samedi 30 mars l'invité de RFI. Il a passé cinq mois dans les geôles du camp de Roux, accusé d’atteinte à la sûreté de l’état. Il a été libéré dimanche 24 mars lorsque la Seleka a pris Bangui. Il raconte au micro de notre envoyé spécial Cyril Bensimon cette détention infernale.

RFI : Le Centrafricain Mackpayen, comment allez-vous ?

Le Centrafricain Mackpayen : Je souffre un peu. J’ai mal partout, dans le corps. Je ne sais pas ce que j’ai, après tout ce que j’ai subi. Mais comme vous me voyez, je me porte bien.

On voit que sur vos mains la peau s’en va. Quelle en est la cause ?

C’était très, très dur au camp de Roux. On était enfermés. Parfois, il n’y avait pas d’eau pendant plusieurs jours et la peau s’enlevait sur tout le corps.

Combien étiez-vous dans votre cellule ?

On était neuf dans ma cellule, parfois douze dans une cellule prévue pour une seule.

Comment faisiez-vous, par exemple, pour dormir dans de telles conditions ?

On se relayait. Il y en qui dormaient une heure, il y en a qui restaient debout. Et on s’entendait très, très bien. On savait qu’on était des prisonniers personnels de Bozizé.

Qui était avec vous dans cette cellule ?

J’étais avec quelques Nigériens, avec un douanier centrafricain, un Ukrainien qui était à Bangui pour quelques heures – un trafiquant – et un Portugais.

Est-ce qu’il y avait également des prisonniers politiques ?

Il y avait un prisonnier, un ancien ministre, monsieur (Michel) Koït. Je l’ai vu par la fenêtre de ma cellule quand la Seleka est entrée au camp de Roux et que la garde présidentielle fuyait. Il s’est enfui par la montagne, dans la brousse.

Et vous-même, comment avez-vous fui ?
On ne pouvait pas fuir. On était là, on était enfermés. Donc, c’est la Seleka qui nous a libérés.

Vous vous attendiez aujourd’hui à être en vie ?

Moi, je pensais que c’était fini pour moi.

Comment se passait la vie en cellule au camp de Roux ?

Au camp de Roux, on était enfermés 24 heures sur 24. Quand nous sommes arrivés au camp de Roux, il y avait des gens qui étaient déjà là-bas, des gens qui sont restés deux ans sans voir la lumière du jour. Donc, les gens ne sortaient pas. On était enfermés.

On donnait le café noir le matin, la nourriture passait une fois dans la journée vers 13/14 heures. Et c’était immangeable. On faisait avec.

Et comment se comportaient les geôliers avec vous ?

C’était nos bourreaux ! Ils faisaient ce qu’ils voulaient. Ils entraient même avec les armes. Ils agressaient, ils tapaient, ils faisaient sortir les gens. Les prisonniers, ils les tapaient. Même ceux qui étaient blessés, ils ne pouvaient pas aller à l’hôpital. Donc, dans la cellule, on s’arrangeait pour nous entraider.

Est-ce qu’il y a eu des personnes qui sont décédées dans votre cellule pendant vos cinq mois de détention ?

Des personnes qui sont décédées pendant que j’étais là-bas, dans ma cellule, non. Mais des personnes qu’on amenait et qu’ont faisait sortir pour les amener vers une destination inconnue, oui. Et on ne les revoyait plus.

Finalement, pourquoi avez-vous été incarcéré au camp de Roux ?

J’ai été arrêté pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Moi, je suis un opérateur économique. Je suis diamantaire.
En 2008, le président de la République avait pris un décret, pour fermer la plupart des bureaux d’achat de diamants. Mais pas « fermer », parce qu’il avait organisé un braquage sur le plan national. Presque tous les diamantaires ont été braqués !

On s'est demandé pourquoi puisque tout le monde était en règle sur le plan fiscal. Après, on a écrit pour demander où étaient partis tous ces diamants saisis. C’était ça, le début du problème. Je suis revenu en 2012 pour reprendre mes activités. Mais j’ai été encore arrêté. C’est pour ça que je suis resté six mois en prison.

Mais tout de même, vous étiez en contact avec des personnalités proches de la rébellion ?

La rébellion, pour la plupart, ce sont des anciens diamantaires, des opérateurs économiques. On était en contact.

Donc vous confirmez, quand même, que vous étiez dans un complot contre François Bozizé ?

Monsieur Bozizé devait partir ! Et nous sommes très, très heureux aujourd’hui. Il fallait qu’il parte ! Mon arrestation n’a pas de rapport avec la rébellion, puisque la rébellion a commencé après mon arrestation. Mais mon arrestation, c’est parce que je réclamais les diamants que monsieur Bozizé avait saisis.

Aujourd’hui, vous pensez avoir eu beaucoup de chance d’être en vie ?

Dieu merci, je suis en vie. J’ai eu beaucoup de chance, parce que beaucoup de gens n’ont pas eu cette chance. Il y a certaines personnes que je connaissais, qui sont parties comme ça ; des pères de famille, des enfants que je voyais, qu’on amenait au camp de Roux. Je dis « des enfants » parce qu’ils étaient mineurs. Il y a des garçons qui avaient 13-14 ans qui ont disparu. Moi, j’ai eu beaucoup de chance. Et je remercie Dieu pour cela.

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