mercredi 27 novembre 2013

Viols au Congo : Les médias français esquivent le sujet

Vendredi 22 novembre 2013

Pour de nombreux Français, l’évènement du jeudi 21 novembre, ce sont les retrouvailles de l’ancien Président Jacques Chirac avec François Hollande au Quai Branly. Les deux hommes ont été chaleureusement applaudis et les images font le tour des rédactions. 


L’actualité s’arrête là et il faut passer à autre chose. Mais pourquoi les deux hommes se sont-ils retrouvés là ?

 
En réalité, ce n’est pas le hasard qui explique le silence sur la question. La question n’est pas posée parce que la réponse ouvre la porte à un monde plutôt sordide, un monde sur lequel les « grands médias » auraient, manifestement, instruction de parler le moins possible.

Ce monde atroce se résume par l’activité d’un homme : le Docteur Denis Mukwege, le célèbre gynécologue congolais qui « répare » les organes génitaux des femmes victimes de viols de masse. 


C’est une véritable catastrophe qui détruit la nation congolaise à petit feu et sur laquelle la loi du silence est entretenue des plus reculés villages de l’Est du Congo aux luxueuses salles de rédaction des grands médias. 

Le Docteur Mukwege a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat et s’est même réfugié un temps, en Belgique, avant de retourner auprès de ses patientes. Ces femmes congolaises, oubliées des médias, s’étaient cotisées pour payer son billet de retour à Bukavu. 

L’an dernier, un livre intitulé « L’homme qui répare les femmes » lui a été consacré par la journaliste belge Colette Braeckman.

C’est pour lui remettre le Prix 2013 de la Fondation Chirac que les Présidents Chirac et Hollande se sont retrouvés côte-à-côte au Quai Branly.

Mais pourquoi la presse a-t-elle « esquivé » ce sujet, pourtant central, pour s’étendre toute la journée sur l’« anecdotique » rencontre entre deux corréziens ? C’est qu’il s’agit d’un sujet « difficile » pour de nombreux journalistes occidentaux.

Cachez ce génocide que je ne saurais voir

Les victimes de viols dont s’occupe le Docteur Denis Mukwege dans son hôpital de Panzi, à Bukavu (Est du Congo) ne sont pas là par hasard. Depuis 1999, le chirurgien et son équipe ont opéré plus de 40 mille femmes et petites filles victimes de viols utilisés comme arme de guerre. 


Plus de 500 mille femmes ont été violées dans l’Est du Congo où, par ailleurs, le HCR estime à près de 3 millions le nombre des Congolais chassées de leurs terres.

Mais qui commet ces atrocités sur les populations congolaises et pourquoi ? La réponse se trouve dans les récits des victimes. Presque toutes racontent que leurs violeurs parlent kinyarwanda, la langue du Rwanda voisin. 


On les a longtemps présentés comme étant exclusivement des FDLR (les rebelles rwandais opérant dans l’Est du Congo) avant de reconnaître la responsabilité de soldats rwandais opérant, soit sous couvert d’une « rébellion congolaise », comme le M23[1], soit en tant que « soldats congolais » issus des groupes armés liés au régime rwandais de Paul Kagamé.

En réalité, il s’agit de personnes exécutant une même mission : celle consistant à éliminer le plus de Congolais autochtones possibles. Les viols systématiques servent à détruire pour de bon des familles entières et à vider des villages pour dégager des espaces, notamment dans les zones minières. 


Ces espaces sont réoccupés par des populations en provenance du Rwanda et de l’Ouganda, dans le cadre d’un plan visant à annexer, à terme, les régions de l’Est du Congo au Rwanda et à l’Ouganda.

C’est un vieux secret de polichinelle et de nombreux dirigeants occidentaux soutenant le régime rwandais de Paul Kagamé l’ont déjà approuvé, du moins sur le principe, peut-être pas sur les méthodes utilisées par les autorités rwandaises. 


Ainsi, en janvier 2009, le Président Sarkozy a affirmé, au cours du vœu au corps diplomatique, que « le Congo doit partager son espace et ses richesses avec le Rwanda »[2]. Et il n’est pas le seul. L’ancien secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, Herman Cohen, a affirmé, d’un air enthousiaste, qu’au Département d’Etat américain « le Kivu fait partie du Rwanda . »

Les exécutants de cette campagne d’extermination des populations utilisent plusieurs stratagèmes. Les FDLR sont souvent manipulés pour commettre des atrocités sur les populations congolaises et fournir au régime de Kigali des prétextes pour envahir l’Est du Congo et y déverser ses agents présentés comme des « rebelles congolais » en lutte contre les FDLR. 


En réalité, ces « rebelles » envoyés par Kigali et les FDLR se livrent à la même activité consistant à terroriser les populations congolaises en recourant notamment aux viols systématiques.

Il arrive que les autorités congolaises, dos au mur, signent des accords de paix et intègrent ces combattants rwandais dans les rangs de l’armée nationale. Ils se mettent alors à violer sous l’uniforme de l’armée congolaise. 


Ainsi dans l’Est du Congo, officiellement, tous les groupes armés et les soldats gouvernementaux commettent des viols.

Un gros mensonge puisqu’il s’agit d’un même groupe d’individus, les combattants rwandais (hutus et tutsis confondus) qui se livrent à une même activité en changeant tout simplement d’étiquette (FDLR, « soldats congolais », M23, APR, faux Mai-Mai) dans le cadre d’une même mission.

Pourquoi les médias évitent-ils d’aborder le sujet ?

La guerre du Congo n’est pas seulement une guerre d’extension territoriale pour les Président Kagamé (Rwanda) et Museveni (Ouganda). 


C’est aussi, et surtout, une guerre des multinationales qui se bousculent à Kampala et Kigali devenus les comptoirs des minerais de sang pillés dans les riches gisements de l’Est du Congo.

Les dirigeants de ces multinationales entretiennent des liens étroits avec nos « respectables » dirigeants politiques occidentaux dont nombreux sont tout à fait au courant des massacres infligés aux populations congolaises mais font semblant d’ignorer. 


Ces multinationales sont parfois propriétaires des groupes de presse et contrôlent une grande partie de l’information livrée aux auditeurs et téléspectateurs occidentaux.

Ce n’est pas par hasard que la mort de six millions de Congolais, la moitié étant des enfants ; le viol de 500 mille femmes et le déplacement forcé de 3 millions de personnes passent inaperçus dans les médias occidentaux. 


Il ne s’agit pas d’informations qui n’intéressent pas le public. Il s’agit d’une information qu’il faut à tout prix dissimuler parce que la vérité derrière ce massacre et ses commanditaires pourrait soulever une vague d’indignation à travers le monde. 

Bien de nos dirigeants sont mouillés jusqu’au cou dans la plus grande campagne d’extermination des populations depuis la seconde guerre mondiale.

Une anecdote résume à peu près cette vaste omerta politico-médiatique. Dans le cadre du débat sur la « responsabilité de protéger », une doctrine au nom de laquelle les Etats-Unis envisageaient de bombarder la Syrie, après avoir justifié leur intervention en Libye, le cas des populations de l’Est du Congo a été évoqué. 


L’ancienne Ambassadrice américaine à l’ONU, maintenant Conseillère à la sécurité nationale, Susan Rice, a défini la situation du Congo comme étant « compliquée ». Elle a préconisé que, sur le cas du Congo, Washington devait « détourner le regard »[3]. Parce que c’est compliqué. Trop d’intérêts sont en jeux.

Et si c’est si compliqué pour un haut responsable de la première puissance du monde, c’est forcément plus compliqué pour de "modestes" journalistes français. Alors, on parlera de Jacques Chirac, de François Hollande et de leurs retrouvailles.

Deux anciens élus de la Corrèze se sont rencontrés à Paris. Vous vous rendez compte ? C’est un grand évènement en France et les salles de rédactions se bousculent.

Le Docteur Denis Mukwege et ses 500 mille femmes violées au Congo ? Connait pas…

C’est quoi déjà le « congo » ?
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Boniface MUSAVULI


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[1] http://www.hrw.org/fr/news/2013/07/...
[2] http://www.courrierinternational.co...
[3] http://www.ingeta.com/la-syrie-la-r...

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