De l’uranium de l’UMHK au droit de regard sur le sol du Kivu, de l’Ituri et du Katanga
« Pour éviter la (mauvaise) répétition de l’histoire, il faut l’étudier. » P. Dale Scott
Il serait difficile de comprendre la guerre de basse intensité imposée à la RDC et dans laquelle le réseau rwandais de Paul Kagame intervient depuis les années 1990 sans une connaissance tant soit peu éclairée de l’histoire de certains de ses parrains, de l’approche qu’ils ont des terres d’autrui, des droits de l’homme et du principe de l’égalité et de la liberté.
Disons d’emblée que la guerre de la RDC comme toutes les autres guerres chaudes, froides ou tièdes, participent des vols organisés par les minorités du Nord en complicité avec celles du Sud. L’apport du Congo dans la deuxième guerre mondiale en a fait une pièce maîtresse pour les Alliés ; la Grande-Bretagne et le Etats-Unis, en tête.
Depuis lors, ces deux pays cherchent constamment à chasser l’ex-métropole, à diminuer son influence ou à l’instrumentaliser dans la mise en pièces réglées de son ex-colonie.
Mais parler des USA, de la Grande-Bretagne ou de la Belgique peut vouloir ne rien dire. Souvent, les minorités organisées (en conscience) de ces pays opèrent en RDC avec les réseaux africains (congolais, rwandais, ougandais, burundais, sud-africains, tanzaniens, etc.) au point de désaxer ceux d’entre nous qui sont restés attacher au schéma classique de la guerre.
L’ONU est une pièce importante dans cette guerre pour l’expropriation des terres africaines et congolaises.
Depuis les années 1990, la région des Grands Lacs africains est en proie à une guerre de basse intensité et de prédation. Paul Kagame du Rwanda et Yoweri Museveni de l’Ouganda prennent une part active à cette guerre.
Ils opèrent au sein des réseaux d’élite transnationaux dont la traçabilité n’est pas toujours facile à établir. Cette guerre faussement qualifiée d’ethnique a fini par révéler presque tous ses secrets, au fur et à mesure qu’elle dure.
Les révélations faites par les membres de différentes milices créées dans la région des Grands Lacs, par les proches de Kaguta Museveni et de Paul Kagame, par les différents rapports des experts de l’ONU et de certains journalistes d’investigation ont permis, tant soit peu, de comprendre les tenants et les aboutissants de cette guerre.
D’emblée, il faut avouer qu’elle n’est pas différente, du point de vue de ses objectifs, de toutes les guerres froides, chaudes ou tièdes créées par les Etats profonds[1] des pays dits puissantes dans les pays dits du tiers-monde.
Un petit livre d’un journaliste d’investigation belge, Michel Collon, réussit à bien résumer ces objectifs en trois petits points : contrôler les matières premières, contrôler la main d’œuvre qualifiée et bon marché, dominer les marchés pour vendre leurs produits. »[2]
Fort de son étude de la guerre à travers l’histoire, Michel Collon en arrive à ce constat : « Les trois grands blocs (Etats-Unis, Europe, Japon) mènent la guerre froide, chaude, froide ou tiède, contre les peuples du tiers-monde.
Mais ils se font aussi la guerre entre eux pour savoir qui va dominer le monde et des richesses. La guerre économique bien sûr. Mais aussi la guerre politique et, dans certaines conditions, militaires.
Quand le rapport de force change entre les grandes puissances, quand une superpuissance veut en remplacer une autre, ou simplement la priver de l’accès à certaines matières stratégiques, cela se règle aussi par la violence.
Soit directement, soit indirectement, par l’intermédiaire d’Etats ou de mouvements contrôlés. La guerre, avoue-t-il, est le moyen fondamental pour repartager les richesses du monde, c’est-à-dire les sources de profits. »[3]
Une lecture attentive de Michel Collon révèle que la guerre du Nord contre le Sud est une sorte de vol planifié, des crimes organisés[4] par le Nord contre le Sud, avec la complicité des fils et filles du Sud. Posant la question de savoir « pourquoi le Sud est-il si pauvre, et le Nord si riche ? », il répond sans ambages : le Nord tue les peuples du Sud pour voler leurs richesses ou plutôt pour les piller « sans rien payer ».
Il note : « Depuis cinq siècles, nos grandes sociétés occidentales ont pillé les richesses du tiers-monde, sans les payer. On pourrait faire un tableau de chaque pays riche et montrer l’origine honteuse de chacune de ses grandes fortunes. On pourrait faire l’histoire de chaque pays pauvre et montrer qui l’a pillé et comment.
Bref, écrit-il, nous- ou plutôt certains d’entre nous- sommes des voleurs, et c’est pour ça que nous sommes riches : voilà ce qu’on ne peut absolument pas dire dans les médias. »[5] A ses yeux, Balzac avait raison quand il disait : « Derrière chaque grande fortune se cache un crime. »
La nuance que Michel Collon met dans son approche des voleurs du Nord est d’une grande importance. Il passe de ‘’nous’’ à ‘’certains d’entre nous’’. Cela permet d’éviter une généralisation abusive, une extension de la classe de voleurs à tous les occidentaux. A notre avis, cela permet aussi de chercher à mieux identifier les auteurs de ce vol par ‘crimes organisés’ interposés et de mieux comprendre leur mode opératoire.
Faisons un petit rappel historique. Après la chute du mûr de Berlin en 1989, le président du Zaïre (devenu RDC), allié des USA et de leurs partenaires occidentaux dans la guerre froide, malade, est désormais considéré par « ses créateurs » comme « une créature de l’histoire ».
Les USA et leurs alliés (dont la Grande-Bretagne ) tiennent à fabriquer « des nouveaux leaders de la renaissance africaine » en les impliquant dans une guerre de basse intensité. Ils ont besoin des « proxys » afin qu’ils continuent à tirer les ficelles tout en restant dans l’ombre. Pourquoi ?
Parce que pour eux, le pays de Lumumba est « un intérêt permanent ».
L’uranium de ce pays leur a permis de remporter la deuxième guerre mondiale quand ils l’ont utilisé pour bombarder Nagasaki et Hiroshima. Il est important de rappeler que quand le Congo, dès 1942, fournit du caoutchouc, de l’huile de palme et de l’étain aux Alliés de la guerre contre l’Allemagne Nazi, les autres sources d’approvisionnement telles que la Malaisie , le Singapour, la Birmanie et l’Indonésie sont sous occupation militaire.
Et certains administrateurs du Congo Belge estiment que « Gagner la guerre, c’est aider la Grande-Bretagne à la gagner. » Et le Congo Belge offre les matières premières essentielles (et stratégiques) pour gagner cette guerre.
« On considère aujourd’hui que l’Union Minière du Haut Katanga (UMHK) fournit 70% des besoins aux Etats-Unis au cours de la guerre. »[6] La deuxième guerre mondiale a davantage ouvert le Congo Belge au commerce avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. (Depuis lors, contrairement à ce que racontent les médias dominants, ces deux pays n’ont jamais quitté le Congo.
Dans un documentaire d’une vingtaine de minutes sur les relations américano-congolaises, des américaines disent clairement que le Congo a fait leur puissance militaire et leur richesse économique[7].)
Revenons à la nuance de Michel Collon. Quand il écrit : « certains d’entre nous », il ne fait pas explicitement allusion aux réseaux interconnectés et transnationaux opérant mafieusement à partir et des pays du Nord et de ceux du Sud pour appauvrir cette partie du monde.
Pourtant, ces réseaux et leurs think tanks existent et opèrent déjà depuis les années 40-45(48).
Ces réseaux créent des évènements profonds et la deuxième guerre mondiale peut être lue comme l’un de ces évènements. Elle doit, de près ou de loin, avoir donné des idées aux créateurs du « Grand Domaine ».
Ce petit groupe d’américains –certains d’entre nous, dirait Michel Collon- décidé à étendre l’empire US aux terres du monde entier possédant des ressources naturelles tout en préservant les siennes et en considérant les droits de l’homme, la démocratie et la participation citoyenne à la gestion de la chose publique comme étant des idées illusoires.
Pendant plus de cinquante ans de l’expansion de l’hégémonie anglo-saxonne[8] (au travers de ses Etats profonds, ces minorités organisées en conscience et en réseau), le recours aux « expressions rhétoriques à fortes doses démagogiques » pour défendre ces « idées illusoires » a contribué au décervelage dans les écoles, dans les universités et dans d’autres lieux d’humanisation du Sud et du monde. (Sans une thérapie de choc culturel appliquée à ces lieux, le Sud risque de tourner en rond.)
La force de ces minorités organisées en conscience et en réseau est liée à leur capacité de travailler à la réalisation de leurs ambitions sur plusieurs années. Elles peuvent changer de méthode mais pas d’objectifs.
Revenons au projet du « Grand Domaine ». De quoi est-il question réellement ?
En 1948, au Conseil des relations extérieures US, un groupe d’études confie ceci à l’administration américaine : « Nous avons à peu près 60% de la richesse du monde, mais seulement 6,3% de sa population.
Dans cette situation, nous ne pouvons pas éviter d’être l’objet d’envie et de ressentiment. Notre véritable tâche dans la période qui vient est d’imaginer un système de relations qui nous assure de maintenir cette disparité.
Ne nous berçons pas d’illusion que nous pouvons nous permettre le luxe d’être altruistes ou bienfaiteurs de l’humanité. »[9] Ce travail fut présenté au Pentagone en 1948 par l’ambassadeur George Kennan.
Fort de cette vision, ce groupe estime que les droits de l’homme, l’élévation du niveau de vie et la démocratisation devraient être considérés comme des objectifs vagues et des slogans idéalistes par rapport au concept de pure puissance.
Rappelons que l’année 1948 (aussi) est celle au courant de laquelle la charte des droits de l’homme sera publiée. Plusieurs leaders politiques africains s’en serviront comme document de base dans leur lutte pour l’émancipation politique de leurs pays.
Au Congo Belge devenu indépendant, Lumumba serait tombé victime de l’expansion du « Grand Domaine. » Pourquoi ?
Lumumba est l’un des rares congolais à avoir fait de la possession de la terre congolaise et africaine par les congolais et les africains eux-mêmes une question éminemment politique.
Sa lutte pour l’autodétermination de l’Afrique et sa libération du joug de l’impérialisme et du colonialisme prenait en compte la question de la portion de la terre africaine.
Lumumba soutenait ceci : « Le Créateur nous a donné cette portion de la terre qu’est le continent africain : elle nous appartient et nous en sommes les seuls maîtres. C’est notre droit de faire de ce continent un continent de la justice, du droit et de la paix. »[10]
Ce texte est un extrait d’un discours de Lumumba prononcé à Ibadan en 1959. C’est-à-dire onze ans après la publication du programme du « Grand Domaine ».
Ce texte a comme référence fondatrice la charte de la Déclaration universelle des droits de l’homme étudiée à l’école par Lumumba et ses compères. Tout en invitant les Africains à s’unir et à se mettre en marche pour une gestion libre et juste de la terre de leurs ancêtres,
Lumumba voudrait, à travers son appel, solliciter de l’Occident des preuves de sa croyance dans le principe de l’égalité et de l’amitié des races « que ses fils nous ont toujours enseigné sur les bancs de l’école, principe tracé en grands caractères dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. »[11]
Lumumba devrait être loin de se douter que les Etats profonds du Pentagone enviant les terres africaines et congolaises avaient décidé de considérer les droits de l’homme comme étant des objectifs illusoires et idéalistes.
Lumumba devrait être tombé victime des « doctrines de bonnes intentions » apprises à l’école et devrait s’être mépris sur l’approche occidentale de la terre africaine : un réservoir de ressources naturelles que les Occidentaux se sont partagé en 1885 à la conférence de Berlin et un objet d’une guerre permanente entre les grandes puissances.
Il est curieux que l’un des membres de la CIA ayant trempé dans l’assassinat de Lumumba puisse aussi être l’un des concepteurs américains des évènements profonds. Il s’agit d’Allen Dulles.
Il est aussi curieux que les minorités conscientes US aient participé, avec leurs amis japonais et français, membres de la Trilatérale chapeauté par David Rockefeller, vers les années 60, à l’écriture et à la publication d’un livre intitulé ‘’La crise de la démocratie’’.
« Selon eux, il y avait ‘’crise de la démocratie’’ parce que dans les années 60, les citoyens des pays représentés dans la Trilatérale avaient tenté de rentrer dans l’arène publique. Les couches de la population sensées demeurer apathiques- les femmes, les jeunes, les minorités, la population toute entière- avaient voulu intervenir dans le débat publique sur la base de leur propre programme. »[12]
Il fallait donc juguler cette ‘’crise’’ en investissant les lieux par lesquels passe toute cette population passe et repasse afin de l’aider à devenir passive et apathique. Il fallait donc que l’école, l’université et les églises deviennent des « lieux d’endoctrinement » pour lutter contre ‘’La crise de la démocratie’’.
Remarquons que les idées nées au Conseil des relations extérieures US ont été récupérées par un autre think tank dénommé la Trilatérale. Et que par ce think tank, ces idées ont été répandues en dehors des USA par leurs membres et aussi par le biais des institutions considérées par le commun des mortels comme étant des lieux du savoir, de la connaissance, de la spiritualisation et de l’humanisation.
Ces institutions ont été détournées de leur objectif originaire pour devenir des lieux de ‘’la pensée enchaînée[13] ‘’. Pas seulement pour le Sud mais surtout pour le Nord. Ce Nord qui, pendant longtemps (et même jusqu’à ce jour ?) a essayé d’être le missionnaire indépassable de la bonne nouvelle de l’humanisation du monde entier !
Malheureusement, pris en otage par les minorités orchestrant les évènements profonds au mépris des droits de l’homme, de la démocratisation et de l’élévation du niveau de vie des citoyens, ce Nord a choisi de travailler au pillage du Sud avec la complicité des ‘’nègres de service’’, nombrilistes, psychopathes et adeptes de la politique-business et de la politique-mensonge.
Paul Kagame est l’un de ces élites compradores africaines. Choisis avec Yoweri Museveni par les élites dominantes anglo-saxonnes comme « leaders de la démocratie africaine en développement », il a réussi, sur fonds des récits mensongers, à théâtraliser « le génocide rwandais », pour en faire son fond de commerce.
Le temps est passé. Certains de ses proches collaborateurs l’ont fui. Leurs langues se sont déliées et certains d’entre eux essaient de mettre des limites à ses mensonges en en appelant à son départ du pouvoir-os au Rwanda et à une thérapie spirituelle pour la région des Grands Lacs.
Pour nuire au pays dont ses parrains (et lui-même) envient les terres (et leurs ressources), il a participé à la guerre de basse intensité imposée à la RDC et à la création des milices rwando-congolaises dont l’AFDL, le RCD, le CNDP et le M23.
(A suivre)
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Mbelu Babanya Kabudi
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[1] ‘’Un Etat profond’’ est une sorte de gouvernement parallèle dans un pays. Il fonctionne en réseau. Ses membres appartiennent à plusieurs sphères du pays concerné : gouvernement, services secrets, police, armée, think tank, université, banques, mafia, etc. Ses membres sont interconnectés. Leur réseau agit en interaction avec d’autres réseaux des Etats profonds d’autres pays. Ils montent des coups et ourdissent des complots pour atteindre des objectifs inavoués. Ils sont experts en ‘’thérapie du choc’’. Ils peuvent par exemple créer une guerre au nom de la démocratie, des droits de l’homme ou du droit de protéger les populations civiles dans l’unique but de piller les richesses d’un pays. Leurs coups sont fondés sur le mensonge. Ils réussissent grâce à la propagande médiatique et aux moyens matériels, intellectuels et stratégiques dont ils disposent. Pour approfondir ce concept, la lecture de Peter Dale Scott est conseillée. Et surtout de son livre intitulé ‘’La machine américaine. La politique profonde, la CIA , la drogue, l’Afghanistan, ….,’’ tr. de l’américain par Maxime Chaix& Anthony Spiagiarri, Paris, Demi-Lune, 2012.
[2] M. Collon, Bush le cyclone, Bruxelles, Oser dire, 2005, p.18.
[3] Ibidem, p. 20-21.
[5] Ibidem, p. 16.
[6] N. Tousignant, Le manifeste Conscience africaine (1956), Elites congolaises et société coloniale. Regards croisés, Bruxelles, Facultés Saint-Louis, 2009, p. 40.
[7] Le documentaire est intitulé ‘’Le conflit au Congo. La vérité dévoilée’’. Il est sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=NMtgHzXZnIg (Aperçu)
[8] Lire P. Dale Scott, La route vers le nouveau désordre mondial. 50 d’ambitions secrètes des Etats-Unis, tr de l’américain par Maxime Chaix& Anthony Spiagiarri, Paris, Demi-Lune, 2011.
[9] D. Mitterrand, Le livre de ma mémoire, Paris, Jean-Claude-Gawsewitch, 2007, p. 408-409.
[10] « Africains, levons-nous ! » Discours de Patrice Lumumba, prononcé à Ibadan (Nigéria), 22 mars 1959, Paris, Points, 2010, p.13.
[11] Ibidem, p. 17.
[12] N. Chomsky, Deux heures de lucidité. Entretiens avec Denis Robert et Weronika Zarachowicz, tr. de l’américain par Jacqueline Carnaud, Paris, Les arènes, 2001, p.122.
[13] Lire S. George, La pensée enchaînée. Comment les droites laïque et religieuse se sont emparées de l’Amérique, tr. de l’anglais (américain) par André Cabannes, avec la collaboration de l’auteur, Paris, Fayard, 2007.
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© Congoindépendant
« Pour éviter la (mauvaise) répétition de l’histoire, il faut l’étudier. » P. Dale Scott
Il serait difficile de comprendre la guerre de basse intensité imposée à la RDC et dans laquelle le réseau rwandais de Paul Kagame intervient depuis les années 1990 sans une connaissance tant soit peu éclairée de l’histoire de certains de ses parrains, de l’approche qu’ils ont des terres d’autrui, des droits de l’homme et du principe de l’égalité et de la liberté.
Disons d’emblée que la guerre de la RDC comme toutes les autres guerres chaudes, froides ou tièdes, participent des vols organisés par les minorités du Nord en complicité avec celles du Sud. L’apport du Congo dans la deuxième guerre mondiale en a fait une pièce maîtresse pour les Alliés ; la Grande-Bretagne et le Etats-Unis, en tête.
Depuis lors, ces deux pays cherchent constamment à chasser l’ex-métropole, à diminuer son influence ou à l’instrumentaliser dans la mise en pièces réglées de son ex-colonie.
Mais parler des USA, de la Grande-Bretagne ou de la Belgique peut vouloir ne rien dire. Souvent, les minorités organisées (en conscience) de ces pays opèrent en RDC avec les réseaux africains (congolais, rwandais, ougandais, burundais, sud-africains, tanzaniens, etc.) au point de désaxer ceux d’entre nous qui sont restés attacher au schéma classique de la guerre.
L’ONU est une pièce importante dans cette guerre pour l’expropriation des terres africaines et congolaises.
Depuis les années 1990, la région des Grands Lacs africains est en proie à une guerre de basse intensité et de prédation. Paul Kagame du Rwanda et Yoweri Museveni de l’Ouganda prennent une part active à cette guerre.
Ils opèrent au sein des réseaux d’élite transnationaux dont la traçabilité n’est pas toujours facile à établir. Cette guerre faussement qualifiée d’ethnique a fini par révéler presque tous ses secrets, au fur et à mesure qu’elle dure.
Les révélations faites par les membres de différentes milices créées dans la région des Grands Lacs, par les proches de Kaguta Museveni et de Paul Kagame, par les différents rapports des experts de l’ONU et de certains journalistes d’investigation ont permis, tant soit peu, de comprendre les tenants et les aboutissants de cette guerre.
D’emblée, il faut avouer qu’elle n’est pas différente, du point de vue de ses objectifs, de toutes les guerres froides, chaudes ou tièdes créées par les Etats profonds[1] des pays dits puissantes dans les pays dits du tiers-monde.
Un petit livre d’un journaliste d’investigation belge, Michel Collon, réussit à bien résumer ces objectifs en trois petits points : contrôler les matières premières, contrôler la main d’œuvre qualifiée et bon marché, dominer les marchés pour vendre leurs produits. »[2]
Fort de son étude de la guerre à travers l’histoire, Michel Collon en arrive à ce constat : « Les trois grands blocs (Etats-Unis, Europe, Japon) mènent la guerre froide, chaude, froide ou tiède, contre les peuples du tiers-monde.
Mais ils se font aussi la guerre entre eux pour savoir qui va dominer le monde et des richesses. La guerre économique bien sûr. Mais aussi la guerre politique et, dans certaines conditions, militaires.
Quand le rapport de force change entre les grandes puissances, quand une superpuissance veut en remplacer une autre, ou simplement la priver de l’accès à certaines matières stratégiques, cela se règle aussi par la violence.
Soit directement, soit indirectement, par l’intermédiaire d’Etats ou de mouvements contrôlés. La guerre, avoue-t-il, est le moyen fondamental pour repartager les richesses du monde, c’est-à-dire les sources de profits. »[3]
Une lecture attentive de Michel Collon révèle que la guerre du Nord contre le Sud est une sorte de vol planifié, des crimes organisés[4] par le Nord contre le Sud, avec la complicité des fils et filles du Sud. Posant la question de savoir « pourquoi le Sud est-il si pauvre, et le Nord si riche ? », il répond sans ambages : le Nord tue les peuples du Sud pour voler leurs richesses ou plutôt pour les piller « sans rien payer ».
Il note : « Depuis cinq siècles, nos grandes sociétés occidentales ont pillé les richesses du tiers-monde, sans les payer. On pourrait faire un tableau de chaque pays riche et montrer l’origine honteuse de chacune de ses grandes fortunes. On pourrait faire l’histoire de chaque pays pauvre et montrer qui l’a pillé et comment.
Bref, écrit-il, nous- ou plutôt certains d’entre nous- sommes des voleurs, et c’est pour ça que nous sommes riches : voilà ce qu’on ne peut absolument pas dire dans les médias. »[5] A ses yeux, Balzac avait raison quand il disait : « Derrière chaque grande fortune se cache un crime. »
La nuance que Michel Collon met dans son approche des voleurs du Nord est d’une grande importance. Il passe de ‘’nous’’ à ‘’certains d’entre nous’’. Cela permet d’éviter une généralisation abusive, une extension de la classe de voleurs à tous les occidentaux. A notre avis, cela permet aussi de chercher à mieux identifier les auteurs de ce vol par ‘crimes organisés’ interposés et de mieux comprendre leur mode opératoire.
Faisons un petit rappel historique. Après la chute du mûr de Berlin en 1989, le président du Zaïre (devenu RDC), allié des USA et de leurs partenaires occidentaux dans la guerre froide, malade, est désormais considéré par « ses créateurs » comme « une créature de l’histoire ».
Les USA et leurs alliés (dont la Grande-Bretagne ) tiennent à fabriquer « des nouveaux leaders de la renaissance africaine » en les impliquant dans une guerre de basse intensité. Ils ont besoin des « proxys » afin qu’ils continuent à tirer les ficelles tout en restant dans l’ombre. Pourquoi ?
Parce que pour eux, le pays de Lumumba est « un intérêt permanent ».
L’uranium de ce pays leur a permis de remporter la deuxième guerre mondiale quand ils l’ont utilisé pour bombarder Nagasaki et Hiroshima. Il est important de rappeler que quand le Congo, dès 1942, fournit du caoutchouc, de l’huile de palme et de l’étain aux Alliés de la guerre contre l’Allemagne Nazi, les autres sources d’approvisionnement telles que la Malaisie , le Singapour, la Birmanie et l’Indonésie sont sous occupation militaire.
Et certains administrateurs du Congo Belge estiment que « Gagner la guerre, c’est aider la Grande-Bretagne à la gagner. » Et le Congo Belge offre les matières premières essentielles (et stratégiques) pour gagner cette guerre.
« On considère aujourd’hui que l’Union Minière du Haut Katanga (UMHK) fournit 70% des besoins aux Etats-Unis au cours de la guerre. »[6] La deuxième guerre mondiale a davantage ouvert le Congo Belge au commerce avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. (Depuis lors, contrairement à ce que racontent les médias dominants, ces deux pays n’ont jamais quitté le Congo.
Dans un documentaire d’une vingtaine de minutes sur les relations américano-congolaises, des américaines disent clairement que le Congo a fait leur puissance militaire et leur richesse économique[7].)
Revenons à la nuance de Michel Collon. Quand il écrit : « certains d’entre nous », il ne fait pas explicitement allusion aux réseaux interconnectés et transnationaux opérant mafieusement à partir et des pays du Nord et de ceux du Sud pour appauvrir cette partie du monde.
Pourtant, ces réseaux et leurs think tanks existent et opèrent déjà depuis les années 40-45(48).
Ces réseaux créent des évènements profonds et la deuxième guerre mondiale peut être lue comme l’un de ces évènements. Elle doit, de près ou de loin, avoir donné des idées aux créateurs du « Grand Domaine ».
Ce petit groupe d’américains –certains d’entre nous, dirait Michel Collon- décidé à étendre l’empire US aux terres du monde entier possédant des ressources naturelles tout en préservant les siennes et en considérant les droits de l’homme, la démocratie et la participation citoyenne à la gestion de la chose publique comme étant des idées illusoires.
Pendant plus de cinquante ans de l’expansion de l’hégémonie anglo-saxonne[8] (au travers de ses Etats profonds, ces minorités organisées en conscience et en réseau), le recours aux « expressions rhétoriques à fortes doses démagogiques » pour défendre ces « idées illusoires » a contribué au décervelage dans les écoles, dans les universités et dans d’autres lieux d’humanisation du Sud et du monde. (Sans une thérapie de choc culturel appliquée à ces lieux, le Sud risque de tourner en rond.)
La force de ces minorités organisées en conscience et en réseau est liée à leur capacité de travailler à la réalisation de leurs ambitions sur plusieurs années. Elles peuvent changer de méthode mais pas d’objectifs.
Revenons au projet du « Grand Domaine ». De quoi est-il question réellement ?
En 1948, au Conseil des relations extérieures US, un groupe d’études confie ceci à l’administration américaine : « Nous avons à peu près 60% de la richesse du monde, mais seulement 6,3% de sa population.
Dans cette situation, nous ne pouvons pas éviter d’être l’objet d’envie et de ressentiment. Notre véritable tâche dans la période qui vient est d’imaginer un système de relations qui nous assure de maintenir cette disparité.
Ne nous berçons pas d’illusion que nous pouvons nous permettre le luxe d’être altruistes ou bienfaiteurs de l’humanité. »[9] Ce travail fut présenté au Pentagone en 1948 par l’ambassadeur George Kennan.
Fort de cette vision, ce groupe estime que les droits de l’homme, l’élévation du niveau de vie et la démocratisation devraient être considérés comme des objectifs vagues et des slogans idéalistes par rapport au concept de pure puissance.
Rappelons que l’année 1948 (aussi) est celle au courant de laquelle la charte des droits de l’homme sera publiée. Plusieurs leaders politiques africains s’en serviront comme document de base dans leur lutte pour l’émancipation politique de leurs pays.
Au Congo Belge devenu indépendant, Lumumba serait tombé victime de l’expansion du « Grand Domaine. » Pourquoi ?
Lumumba est l’un des rares congolais à avoir fait de la possession de la terre congolaise et africaine par les congolais et les africains eux-mêmes une question éminemment politique.
Sa lutte pour l’autodétermination de l’Afrique et sa libération du joug de l’impérialisme et du colonialisme prenait en compte la question de la portion de la terre africaine.
Lumumba soutenait ceci : « Le Créateur nous a donné cette portion de la terre qu’est le continent africain : elle nous appartient et nous en sommes les seuls maîtres. C’est notre droit de faire de ce continent un continent de la justice, du droit et de la paix. »[10]
Ce texte est un extrait d’un discours de Lumumba prononcé à Ibadan en 1959. C’est-à-dire onze ans après la publication du programme du « Grand Domaine ».
Ce texte a comme référence fondatrice la charte de la Déclaration universelle des droits de l’homme étudiée à l’école par Lumumba et ses compères. Tout en invitant les Africains à s’unir et à se mettre en marche pour une gestion libre et juste de la terre de leurs ancêtres,
Lumumba voudrait, à travers son appel, solliciter de l’Occident des preuves de sa croyance dans le principe de l’égalité et de l’amitié des races « que ses fils nous ont toujours enseigné sur les bancs de l’école, principe tracé en grands caractères dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. »[11]
Lumumba devrait être loin de se douter que les Etats profonds du Pentagone enviant les terres africaines et congolaises avaient décidé de considérer les droits de l’homme comme étant des objectifs illusoires et idéalistes.
Lumumba devrait être tombé victime des « doctrines de bonnes intentions » apprises à l’école et devrait s’être mépris sur l’approche occidentale de la terre africaine : un réservoir de ressources naturelles que les Occidentaux se sont partagé en 1885 à la conférence de Berlin et un objet d’une guerre permanente entre les grandes puissances.
Il est curieux que l’un des membres de la CIA ayant trempé dans l’assassinat de Lumumba puisse aussi être l’un des concepteurs américains des évènements profonds. Il s’agit d’Allen Dulles.
Il est aussi curieux que les minorités conscientes US aient participé, avec leurs amis japonais et français, membres de la Trilatérale chapeauté par David Rockefeller, vers les années 60, à l’écriture et à la publication d’un livre intitulé ‘’La crise de la démocratie’’.
« Selon eux, il y avait ‘’crise de la démocratie’’ parce que dans les années 60, les citoyens des pays représentés dans la Trilatérale avaient tenté de rentrer dans l’arène publique. Les couches de la population sensées demeurer apathiques- les femmes, les jeunes, les minorités, la population toute entière- avaient voulu intervenir dans le débat publique sur la base de leur propre programme. »[12]
Il fallait donc juguler cette ‘’crise’’ en investissant les lieux par lesquels passe toute cette population passe et repasse afin de l’aider à devenir passive et apathique. Il fallait donc que l’école, l’université et les églises deviennent des « lieux d’endoctrinement » pour lutter contre ‘’La crise de la démocratie’’.
Remarquons que les idées nées au Conseil des relations extérieures US ont été récupérées par un autre think tank dénommé la Trilatérale. Et que par ce think tank, ces idées ont été répandues en dehors des USA par leurs membres et aussi par le biais des institutions considérées par le commun des mortels comme étant des lieux du savoir, de la connaissance, de la spiritualisation et de l’humanisation.
Ces institutions ont été détournées de leur objectif originaire pour devenir des lieux de ‘’la pensée enchaînée[13] ‘’. Pas seulement pour le Sud mais surtout pour le Nord. Ce Nord qui, pendant longtemps (et même jusqu’à ce jour ?) a essayé d’être le missionnaire indépassable de la bonne nouvelle de l’humanisation du monde entier !
Malheureusement, pris en otage par les minorités orchestrant les évènements profonds au mépris des droits de l’homme, de la démocratisation et de l’élévation du niveau de vie des citoyens, ce Nord a choisi de travailler au pillage du Sud avec la complicité des ‘’nègres de service’’, nombrilistes, psychopathes et adeptes de la politique-business et de la politique-mensonge.
Paul Kagame est l’un de ces élites compradores africaines. Choisis avec Yoweri Museveni par les élites dominantes anglo-saxonnes comme « leaders de la démocratie africaine en développement », il a réussi, sur fonds des récits mensongers, à théâtraliser « le génocide rwandais », pour en faire son fond de commerce.
Le temps est passé. Certains de ses proches collaborateurs l’ont fui. Leurs langues se sont déliées et certains d’entre eux essaient de mettre des limites à ses mensonges en en appelant à son départ du pouvoir-os au Rwanda et à une thérapie spirituelle pour la région des Grands Lacs.
Pour nuire au pays dont ses parrains (et lui-même) envient les terres (et leurs ressources), il a participé à la guerre de basse intensité imposée à la RDC et à la création des milices rwando-congolaises dont l’AFDL, le RCD, le CNDP et le M23.
(A suivre)
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Mbelu Babanya Kabudi
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[1] ‘’Un Etat profond’’ est une sorte de gouvernement parallèle dans un pays. Il fonctionne en réseau. Ses membres appartiennent à plusieurs sphères du pays concerné : gouvernement, services secrets, police, armée, think tank, université, banques, mafia, etc. Ses membres sont interconnectés. Leur réseau agit en interaction avec d’autres réseaux des Etats profonds d’autres pays. Ils montent des coups et ourdissent des complots pour atteindre des objectifs inavoués. Ils sont experts en ‘’thérapie du choc’’. Ils peuvent par exemple créer une guerre au nom de la démocratie, des droits de l’homme ou du droit de protéger les populations civiles dans l’unique but de piller les richesses d’un pays. Leurs coups sont fondés sur le mensonge. Ils réussissent grâce à la propagande médiatique et aux moyens matériels, intellectuels et stratégiques dont ils disposent. Pour approfondir ce concept, la lecture de Peter Dale Scott est conseillée. Et surtout de son livre intitulé ‘’La machine américaine. La politique profonde, la CIA , la drogue, l’Afghanistan, ….,’’ tr. de l’américain par Maxime Chaix& Anthony Spiagiarri, Paris, Demi-Lune, 2012.
[2] M. Collon, Bush le cyclone, Bruxelles, Oser dire, 2005, p.18.
[3] Ibidem, p. 20-21.
[5] Ibidem, p. 16.
[6] N. Tousignant, Le manifeste Conscience africaine (1956), Elites congolaises et société coloniale. Regards croisés, Bruxelles, Facultés Saint-Louis, 2009, p. 40.
[7] Le documentaire est intitulé ‘’Le conflit au Congo. La vérité dévoilée’’. Il est sur ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=NMtgHzXZnIg (Aperçu)
[8] Lire P. Dale Scott, La route vers le nouveau désordre mondial. 50 d’ambitions secrètes des Etats-Unis, tr de l’américain par Maxime Chaix& Anthony Spiagiarri, Paris, Demi-Lune, 2011.
[9] D. Mitterrand, Le livre de ma mémoire, Paris, Jean-Claude-Gawsewitch, 2007, p. 408-409.
[10] « Africains, levons-nous ! » Discours de Patrice Lumumba, prononcé à Ibadan (Nigéria), 22 mars 1959, Paris, Points, 2010, p.13.
[11] Ibidem, p. 17.
[12] N. Chomsky, Deux heures de lucidité. Entretiens avec Denis Robert et Weronika Zarachowicz, tr. de l’américain par Jacqueline Carnaud, Paris, Les arènes, 2001, p.122.
[13] Lire S. George, La pensée enchaînée. Comment les droites laïque et religieuse se sont emparées de l’Amérique, tr. de l’anglais (américain) par André Cabannes, avec la collaboration de l’auteur, Paris, Fayard, 2007.
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