dimanche 22 décembre 2013

Kagame, ses parrains et la question des terres congolaises. De l’uranium de l’UMHK au droit de regard sur le sol du Kivu, de l’Ituri et du Katanga (Suite et fin)

Samedi 21 décembre 2013



« Un peuple sans mémoire ne peut pas être un peuple libre. » D. MITERRAND

Dans la première partie de cet article, nous avons postulé qu’il est difficile de comprendre les parrains de Paul Kagame sans étudier de manière concomitante une partie de leur histoire et celle des pays de la région des Grands Lacs. 


Souvent, pour justifier par exemple la chute de Mobutu après celle du mur de Berlin en 1989, il semble suffisant de dire qu’il était devenu « une créature de l’histoire » après le rôle qu’il a assumé pendant la guerre froide. 

L’étude de la nature de cette guerre de prédation participant d’une « économie de guerre permanente » et/ou du « keynésianisme militaire » est souvent éludée. 

Cette approche historique biaisée est guidée par une croyance (ou des croyances) ayant « mangé » les cœurs et les esprits de plusieurs compatriotes du Sud ; imaginairement, ils sont convaincus que le Nord géré par « les Etats profonds » dominés par des capitalistes dénués de tout scrupule et par « les cosmoscrates » (multinationales) est une démocratie exemplaire. 

Forts de cette croyance, ils ne liraient pas ou seraient mal à l’aise de lire une interview d’une Danielle Mitterrand affirmant que « la démocratie n’existe ni aux USA, ni en France »[1].

Ces compatriotes ne peuvent pas un seul instant comprendre qu’au Nord, les élites dominantes combattent la démocratie, le respect des droits de l’homme et l’élévation du niveau de vie citoyenne ; depuis longtemps. 


La narration de la globalisation capitaliste du monde a fini par complètement violer leur imaginaire au point qu’ils sont devenus incapables de voir que les élites dominantes du Nord veulent « cette fois-ci en finir avec la démocratie »[2]. 

Cette deuxième partie de notre article garde le même fil rouge que la première : une étude concomitante de l’histoire du Nord et du Sud, plus précisément de la région des Grands Lacs, à partir de la deuxième guerre mondiale et de la création du « Grand Domaine ».

Rappelons que traiter des guerres menées en réseau est une approche polémologique qui tient à souligner la complicité existant entre certaines élites (capitalistes) dominantes du Nord et leurs nègres de service du Sud. 


Elle n’est pas une quête de boucs émissaires. Elle cherche à indiquer, du point de vue historique et structurel, comment ces guerres de prédation fondées sur la propagande mensongère aboutissent souvent à exacerber les haines, à opposer les peuples, les ethnies et les religions pour obéir au principe bien connu du « diviser pour régner ». 

L’application permanente de ce principe impuissante les peuples, crée de la méfiance entre eux et les pousse à haïr le principe de « l’union qui fait la force ».

Revenons aux parrains de Paul Kagame. Ils emportent la deuxième guerre mondiale en utilisant 70% de l’uranium congolais. Mais quelle fut la nature de cette guerre ? 


Qu’est-ce qu’elle leur a appris ? 

En quoi cette guerre est-elle semblable à celle qui a fait plus de huit millions des morts dans la région des Grands Lacs africains ?

La deuxième guerre mondiale a fait partie des solutions que l’élite capitaliste américaine a imaginées pour sortir de la Grande Dépression de 1929. 


Face à la question de la surproduction, cette élite cherche à trouver des débouchés en s’inspirant de l’exemple de l’Allemagne d’Hitler. 

Et pour mener cette guerre, il fallait trouver un ennemi. Ce dernier allait être le pays dont s’inspirent des socialistes, des communistes et tous les autres « rouges » américains : l’URSS. 

Au cours de la guerre froide, tous les partisans des changements radicaux proches de l’ennemi (l’URSS) étaient facilement taxés de communistes. 

« Avec un tel ennemi, note J.R. Pauwels, c’étaient non seulement les communistes américains, mais tous les partisans des changements radicaux, qui pouvaient être discrédités en tant que subversifs « non américains », en tant qu’agents de l’Union soviétique. La Guerre froide servit à supprimer toute dissidence.»[3]

Disons que pour plusieurs américains anticapitalistes, sortir de la Grande Dépression impliquait une rupture pure et simple avec le système capitaliste. Ils envisageaient une solution que l’élite dominante ne pouvait pas accepter sous peine de renoncer à ses profits et au pouvoir politique qu’ils lui procuraient. 


Hitler ayant réussi à créer des camps de concentration pour ses ennemis politiques et les syndicalistes a pu servir de modèle à l’élite dominante capitaliste dans sa lutte contre « le péril rouge ». 

Bref, la deuxième guerre mondiale a servi au renflouement des caisses des entreprises américaines telles que Coca-Cola, IBM, ITT, Ford, General Motors[4], etc. 

Au plus fort du nazisme, un bon nombre d’élites économiques et politiques des USA a composé à la fois avec Hitler et avec ses ennemis. 

La guerre idéologique du capitalisme made in USA contre le communisme (comme contre-modèle du capitalisme) n’a pas été une guerre contre les affaires avec « les parties ennemies ». Les USA ont soutenu à la fois l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’URSS en leur vendant des armes ; même à crédit.

Les guerres mondiales, le nazisme et le fascisme participent d’une « économie de la guerre permanente ». Certains théoriciens américains en sont venus à croire que la guerre crée à la fois la richesse et la cohésion interne au sein de leur empire.

Vers 1944, Walter Oakes, par exemple, était d’avis que « l’expérience des années 1930 fait apparaître que ni les actions publiques du New Deal de Roosevelt aux États-Unis, ni la construction d’autoroutes dans l’Allemagne nazi, n’étaient parvenues à un sauvetage significatif de l’économie et de l’emploi : seule la mise en œuvre de l’économie de guerre, en Allemagne d’abord, puis aux États-Unis dès 1940, avait réussi à atteindre ces objectifs. »[5] 


Pour lui, une troisième guerre mondiale était indispensable à l’empire US s’il voulait se maintenir. Mais après la crise de la fin des années 60 et la prise de pouvoir de Reagan, une nouvelle ère de la guerre économique a été inaugurée.

Le néolibéralisme dont ce président américain et Margaret Tacher ont été les propagandistes a contribué à l’appauvrissement des masses US et à l’accaparement des 99% des richesses par le 1% de l’élite capitaliste dominante. 


Dans ce contexte, mobiliser les masses appauvries pour soutenir les guerres menées contre les ennemis extérieurs devenait difficile. Le 1% de l’élite capitaliste dominante comprendra qu’elle devait se tourne vers les entreprises privées pour compenser le manque de confiance populaire. 

Et «la guerre devient celle d’une élite, se transforme en un ensemble d’opérations mafieuses, s’éloigne physiquement de la population américaine et ceux qui la mènent commencent à la considérer comme un jeu virtuel dirigé par des gangsters. »[6]

C’est à ce genre d’opérations mafieuses menées par des gangsters que participe Paul Kagame et les autres nègres de service de la région des Grands Lacs africains. 


Que vise réellement « cette nouvelle stratégie » de prédation ?

Jorge Breinstein répond à cette question en émettant une hypothèse que nous partageons en partie. Il écrit : « Le but objectif (au-delà des discours et prises de position officielles) de la "nouvelle stratégie" n’est pas l’établissement de solides régimes vassaux, ni l’installation d’occupations militaires durables qui contrôleraient les territoires de manière directe mais c’est bien de déstabiliser, de briser les structures de la société, les identités culturelles, de diminuer ou éliminer les dirigeants. 


Les expériences de l’Irak et de l’Afghanistan (et du Mexique) et, plus récemment, celles de la Libye et de la Syrie confirment cette hypothèse. »[7] 

Et il ajoute : « Il s’agit de la stratégie du chaos périphérique, de la transformation des pays et des régions les plus vastes en aires désorganisées, balkanisées, dotées d’états-fantômes, de classes sociales (hautes, moyennes et basses) dégradées en profondeur, incapables de se défendre, de résister, face aux pouvoirs politique et économique d’un Occident qui peut ainsi s’emparer impunément de leurs ressources naturelles, de leurs marchés et de leurs ressources humaines (de ce qui en reste). »[8] 

Kagame et ses pairs participent de la « stratégie du choc » facilitant « la montée d’un capitalisme du désastre » porté à bout de bras par les Etats profonds anglo-saxons interconnectés aux autres, de manière transnationale, à travers le monde entier.

Récapitulons. 


De la guerre froide à « la stratégie du choc », il y a des constantes : une élite capitaliste dominante tournée vers les profits et engagée dans une guerre permanente pour les sauvegarder ; cette guerre est menée contre toutes les possibilités de trouver une alternative au système capitaliste dominant ; elle détruit les vies et les identités, désorganise des pays riches en ressources naturelles en y installant des Etats-fantôme et en y étouffant toute velléité de résistance tout en les balkanisant : elle les débarrasse des gouvernants rebelles à la perpétuation du chaos périphérique, etc.

La guerre froide comme « la stratégie du choc » sont fabriquées par l’élite capitaliste dominante. Elles participent de sa « politique profonde » en vue de perpétuer sa domination économique et politique. 


(La « politique profonde » est « l’interaction permanente entre les gouvernements constitutionnellement élus et les forces souterraines de la violence- les forces du crime- qui semblent pourtant être les ennemis des gouvernements en question. »[9])

Au sujet de la guerre froide, Peter Dale Scott soutient, avec preuves à l’appui, que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont bénéficié des services des réseaux narcotiques, des groupes terroristes et des armées par procuration pour « la gagner ». 


Après la victoire, tout est mis en œuvre pour cacher l’origine belliqueuse de la cohésion interne et de la démocratie du marché. 

L’école, les églises et l’université sont mises à contribution pour la réussite de cette propagande falsificatrice de l’histoire er de la fabrication de la « stratégie du chaos périphérique ». Dieu merci ! De plus en plus, des essais et des études sérieuses en dévoile le secret.

Naomi Klein[10] nous donne une belle illustration de la fabrication de « la stratégie de choc » par Milton Friedman et les Chicago boys. 


A l’Université de Chicago où Milton Friedman enseignait, des hommes et des femmes ont appris les théories du néolibéralisme et la façon dont ils pouvaient les mettre en pratique dans leurs pays respectifs pour contribuer à « la montée d’un capitalisme du désastre ».

Depuis la guerre froide jusqu’à « la stratégie du choc », l’usage de la violence est quasi permanente au cœur de la machine capitaliste et du choix de ses « petites mains ».

En Afrique, il devient facilement compréhensible que longtemps après le choix du tueur allemand Hitler, l’élite capitaliste dominante ait jeté son dévolu, dans la région des Grands Lacs africain, sur Paul Kagame, le « Hitler africain ». 


A l’école de ses parrains, il a appris la fabrication des « événements profonds » ; « le génocide rwandais » est un « événement profond » comme en témoignent les proches de Paul Kagame , Bernard Lugan et plusieurs autres hommes et femmes de bonne volonté.

Longtemps après la publication d’un livre de Pierre Péan[11] fustigeant le recours systématique du FPR de Paul Kagame au mensonge pour cacher ses crimes et faire accréditer la thèse de la planification du « génocide rwandais » par les hutu, un ex-secrétaire général de ce mouvement, un ex-chef de cabinet de Paul Kagame, et un ex-ambassadeur du Rwanda aux USA, le Dr Théogène Rudasingwa a, le 1er octobre 2011, publié un texte corroborant la thèse du journaliste français. Le titre français de cet article est éloquent : « La vérité, enfin ».

Dans cet article, Théogène Rudasingwa reconnaît que son (ex-) mouvement, avec Paul Kagame en tête, a menti au monde entier. Il a entraîné dans ce mensonge plusieurs personnes : journalistes, professeurs d’université, spécialistes universitaires, ONG de droits de l’homme, etc.

Six ans après Pierre Péan, un membre influent du FPR confessait sur la place publique que Paul Kagame était le planificateur du crime qui a déclenché « le génocide rwandais » en 1994. 


Ainsi partageait-il le point de vue de celui que Paul Kagame et les milieux proches du FPR qualifiaient de négationniste. 

Six ans après ! Les dégâts étaient déjà faits au niveau de l’opinion publique internationale ! Pourquoi ? 

A partir du mensonge du FPR, « le dossier rwandais a engendré la création d’un réseau de manipulation de l’opinion, allant du staff de Kagame jusqu’au militants locaux en passant par les ONG et les journalistes. 

Un petit monde, redoutablement efficace grâce à Internet, a instauré une sorte d’imposture humanitaire d’autant plus efficace qu’elle utilise les carburants du cœur et de la compassion pour se frayer un chemin dans les consciences. Sous l’œil bienveillant des stratèges de l’Empire (…). »[12]

Les mensonges du FPR, sa capacité de commettre les crimes et de les mettre sur le dos de ses ennemis, l’efficacité de son réseau au sein duquel interfèrent les stratèges US et la manipulation de l’opinion publique sont, entre autres, des éléments qui font du « génocide rwandais » « un événement profond ».

Dans les milieux proches de Paul Kagame, d’autres témoignages assez tardifs sont venus corroborer la thèse de Pierre Péan. 


Le 09 juillet 2013, un chef rwandais des renseignements extérieurs pendant dix ans, démis de ses fonctions en 2004, Patrick Karegeya, se confie à la RFI et témoigne que Paul Kagame est responsable de l’attentat qui a coûté la vie au Président rwandais Habyarimana le 06 avril 1994. 

A la même date, le général Kayumba Nyamwasa, ex-ambassadeur rwandais en Inde en 2004, se confiant à la même radio, avoue détenir des preuves de la grave responsabilité de Paul Kagame dans l’attentat ayant coûté la vie au Président susmentionné. 

Le journaliste qui l’interroge lui rappelle qu’il fait partie des officiers de l’armée rwandaise condamnées par le juge espagnol en 2008 pour leur implication dans l’assassinat des religieux et travailleurs humanitaires (espagnols) au Rwanda. 

Il lui demande s’il peut être disposé à répondre de ces crimes. Il répond : « Oui, bien sûr. Mais d’abord, vous devrez lire le rapport du juge espagnol. Si vous regardez la liste de ses officiers, Kagame ne fait pas partie des quarante, mais son nom est cité dans le rapport. Il est simplement protégé par son immunité. 

Ce que je peux vous dire sur cette liste, c’est que la majorité d’entre eux ne sont pas coupables. Et je pense que quand le régime de Kagame ne sera plus en place, toute la vérité sera dite. Mais en ce qui me concerne, oui, je suis prêt à rencontrer le juge espagnol. Je lui donnerais les preuves dont je dispose et je laverai mon nom. »

Karegeya et Kayumba affirment aussi qu’en dehors du Rwanda, Paul Kagame a créé les différentes rebellions qui ont déstabilisé son voisin, la RDC : le RCD, le CNDP et le M23.


Karegeya est même d’avis qu’il serait possible qu’un M27 succède au M23 et contribue à augmenter la souffrance au Rwanda, au Congo (RD) et dans la région. 

(Le 17 décembre 2013, en effet, la Radio Belge Francophone (RTBF) a publié un message selon lequel un rapport confidentiel des experts de l’ONU indiquait que le M23 continuait à recruter (les miliciens) au Rwanda malgré sa défaite à l’est de la RDC. ) 

Kayumba croit qu’après Paul Kagame, « toute la vérité sera dite » sur ses crimes au Rwanda (et dans la région). Mais la route paraît encore assez longue, au regard des complicités dont bénéficie l’actuel Président du Rwanda. En plus de l’élite dominante anglo-saxonne, l’ONU se montre complaisante à son endroit.

Dans un article publié le 22 novembre 2012 sur la tragédie créée à Goma par Paul Kagame par le M23 interposé, Théogène Rudasingwa s’en prend au Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-Moon, qui, après la publication du Rapport Mapping en 2010, s’était empressé d’aller rencontrer celui dont les crimes y étaient décrits, Paul Kagame, pour lui demander de ne pas retirer les troupes rwandaises du Soudan. 


Depuis lors, les deux hommes se sont tellement rapprochés que le Secrétaire Général de l’ONU a perdu toute objectivité dans le traitement de « la crise congolaise ». Faisant fi de l’implication de Paul Kagame dans la création du M23, Ban K-Moon lui a demandé d’arrêter son avancée à Goma[13]. 

En lisant les remarques que Rudasingwa formule à l’endroit de Ban KI-Moon, une hypothèse peut être émise : l’ex-ambassadeur du Rwanda aux Etats-Unis fait comme si l’ONU n’était pas « la carte juridique » au service de l’impérialisme. 

Il devrait lire ou relire Frantz Fanon. « En réalité, écrit Frantz Fanon, l’ONU est la carte juridique qu’utilisent les intérêts impérialistes quand la carte de la force brute échoue. 

Les partages, les commissions mixtes contrôlés, les mises sous tutelle sont des moyens légaux internationaux de torturer, de briser la volonté d’indépendance des peuples, de cultiver l’anarchie, le banditisme et la misère. »[14] 

D’ailleurs, si certains des rapports de ses experts n’étaient pas corroborés par des témoignages de terrain, il serait difficile de les prendre au sérieux.

Cela étant, disons que Rudasingwa, Karegeya, Kayumba et bien d’autres proches de Paul Kagame estiment que toute la vérité doit être faite sur ce qu’il y a eu au Rwanda (et dans la région). 


Indirectement, ils soutiennent que « le génocide rwandais » comme « évènement profond » est fondé sur le mensonge et le crime. Rudasingwa pense même que dire la vérité participera de la thérapie nécessaire à la guérison de toute la région des Grands Lacs malade.

En marge des ex-proches de Paul Kagame, un expert auprès du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), Bernard Lugan, apporte un plus dans l’approfondissement de la question du « génocide rwandais » et de la guerre de basse intensité imposée à la RDC en tant qu’ « événements profonds ». 


 Les assassinats des responsables des Hutu « modérés » commis entre 1991 et 1994, mis sur le compte du régime Habyarimana et ayant conduit sa condamnation du régime Habyarimana se sont finalement révélés comme étant les crimes du FPR. 

Les attentats aveugles commis en 1991 et en 1992, mis sur le compte des « escadrons de la mort » d’Habyarimana et ayant exacerbé la haine ethnique furent, eux aussi, les crimes du FPR. Pire, « les Interahamwe dont le nom est associé au génocide des Tutsi, furent créés par un Tutsi devenu plus tard ministre dans le gouvernement tutsi du général Kagame. 

Le chef de cette milice à Kigali était lui-même tutsi ainsi que nombre d’infiltrés dont nous connaissons les noms et jusqu’aux pseudonymes et qui avaient été désignés en raison de leur apparence physique « hutu ». 

Leur mission était double : provoquer le chaos afin de créer l’irréversible et discréditer les Hutu aux yeux de l’opinion internationale. »[15]

Exacerber la haine ethnique en perpétrant les crimes par infiltration et endoctrinement des milices, telle est l’un des modes opératoires de Paul Kagame et ses parrains. 


Ce mode opératoire crée des divisions et entretient la guerre de tous contre tous, terrains favorable au capitalisme du désastre et de la politique de ses « petites mains », championnes du « diviser pour régner ».

Les milices créées par Kagame (et Museveni) et déversées en RDC, de l’AFDL au M23 en passant par le RCD et le CNDP, ont opté pour ce mode opératoire. 


Le complot pour l’implosion et la balkanisation de la RDC , vieux de plus de soixante ans, participe de ce mode opératoire. Pour qu’il aboutisse au résultat escompté, ses initiateurs transnationaux ont affiné leurs méthodes ; ils en sont même arrivés à l’infiltration des ministères (par exemple) en procédant à leur agencification[16]. 

Il semble même que « le raïs » reçoit d’eux, au quotidien, à partir de certaines ambassades, des instructions sur « la bonne gouvernance » de la RDC.

Rappelons que ce mode opératoire sert un objectif précis : faire main-basse sur les ressources du sol et du sous-sol congolais, détruire l’identité congolaise, faire du Congo (RD) un Etat-fantôme en le déstructurant, en contrôler le marché tout en se passant de tous les traités de sécurité commune, en violant le droit internationale ou en l’instrumentalisant : mais aussi en mangeant les cœurs et les esprits des Congolais(es) et de leurs voisins au point d’y faire triompher les paradigmes néolibéraux d’indignité, de la guerre de tous contre tous, de « la culture du déchet », etc. 


La mise en pratique des principes d’une éthique convivialiste et ré-civilisateur est exclue de la région des Grands Lacs africains transformée en une jungle.

Disons aussi que ce mode opératoire est propre aux prédateurs. Et les prédateurs ne sont pas (souvent) les créateurs des richesses. Ils sont des parasites. Ils sont l’expression du déclin du système qu’ils servent. 


Et la stratégie du chaos périphérique entretenue par le 1% de l’élite dominante anglo-saxonne et ses réseaux est l’expression d’un impérialisme fanatique et délirant.« Le chaos périphérique apparaît à la fois comme le résultat concret d’interventions militaires et financières (produit de la reproduction décadente des sociétés) et comme le fondement de féroces pillages. 

Le géant impérial cherche à profiter du chaos pour finir par introduire ce chaos dans ses propres rangs ; la destruction souhaitée du monde extérieur n’est pas autre chose que l’autodestruction du capitalisme comme système mondial, sa perte rapide de rationalité. 

Le fantasme autour de la maîtrise impérialiste du chaos dans le monde extérieur représente une profonde crise de perception, la croyance que les désirs du puissant deviennent facilement des réalités. 

L’imaginaire et le réel se confondent en formant un énorme bourbier psychologique. »[17] Paul Kagame et ses parrains sont au fond de ce bourbier psychologique et y ont, malheureusement, entraîné plusieurs compatriotes de la région des Grands Lacs africains. Ils sont en train d’expérimenter l’impuissance de la puissance[18].

Chez ses parrains, la perte rapide de rationalité et la confusion entretenue entre l’imaginaire et le réel ont contribué à l’érosion de la confiance populaire dans la démocratie du marché, à l’explosion des inégalités des chances, au triomphe de la cupidité et à la perte de la boussole éthique.

Les prophéties d’Aimé Césaire seraient-elles en train de s’accomplir ? « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement, écrivait-il, est une civilisation décadente. 


Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »[19] Ruser avec ses principes pendant plus de cinq décennies est décivilisateur.

La région des Grands Lacs africain a eu le malheur d’être allé au contact de l’Occident par le biais de ses Etats profonds décivilisés. Elle a présentement besoin de s’engager dans un processus de ré-civilisation internationaliste, salutaire et pour elle et pour les pays représentés chez elle par les alliés du 1% des prédateurs transnationaux. 


Elle a besoin, à partir de ses minorités organisées en conscience, d’opérer des choix politiques nationaux, internationaux, géostratégiques et géoéconomiques sages et intelligents.

L’équation n’est pas facile. Cela pour plusieurs raisons. 


Le parcours historique du 1% des prédateurs transnationaux révèle qu’en Occident, il a pris les masses populaires en otage en organisant un cirque politique[20] mené en Europe par la Commission Européenne , la Banque Centrale Européenne et le Fonds monétaire international. 

Ce 1% des minorités dominantes organisées en conscience a créé des lieux l’aidant à sa reproduction et à l’imposition des mesures d’austérité à ses masses populaires. 

Aux USA, il a fait exploser les inégalités et triompher la cupidité comme en témoigne la vente de certaines villes, le logement des citoyens américains dans les égouts, la dette publique abyssale et le refus de la solidarité avec les malades et les personnes âgées.

Connaître cette histoire et la lire de manière concomitante avec celle de la région des Grands Lacs africains-ce qui n’est pas un exercice aisé- permet de poser certaines questions de bon sens comme celles-ci : « Comment des minorités organisées en conscience ayant pris leurs propres peuples en otage peuvent-elles travailler à l’émancipation politique des nègres « qui n’ont inventé ni la poudre ni la boussole » ?


 La réponse est claire : elles ne peuvent pas. Et les peuples qui l’ont compris ne comptent pas sur elles pour mettre sur pied une matrice organisationnelle de leur économie politique sur des bases (de coopération, de solidarité et de respect de souveraineté, du droit international, etc.) différentes de celles du monde dit libre.

Néanmoins, il faut reconnaître, à l’actif de ces minorités de 1% leur capacité organisationnelle en conscience : elles travaillent sur le court, moyen et long terme ; elles archivent les dossiers importants et mettent à leurs dispositions les moyens qu’il faut pour véhiculer leur idéologie capitaliste dans les écoles, les églises, les universités et les médias. 


Elles achètent les experts et les médias. Quand les étasuniennes affirment par exemple que le Congo (RD) est pour elles « un intérêt permanent », elles le prouvent en votant des lois sur le Congo au Congrès, en orchestrant une guerre permanente de basse intensité contre ce pays et en contrôlant la force internationale onusienne le mettant sous tutelle, en luttant pour ravir à ce pays « ses parties utiles » c’est-à-dire les plus riches en ressources naturelles[21], etc.

Le triomphe de la cupidité et des inégalités partout où elles opèrent trahit le manque des repères éthiques à leur organisation en conscience. Mais il n’y a pas que cela. 


Souvent, mues par une mégalomanie insensée, elles se trompent sur « la nature de leurs vassaux ». « Les « vassaux », écrit Peter Dale Scott, ne sont pas de simples pièces d’un jeu d’échecs pouvant être facilement manipulées par un seul et unique joueur. 

Ce sont des êtres humains dotés de raison ; et il est probable, pour ne pas dire certain, qu’un excès de pouvoir ressenti comme injuste provoquera non seulement du ressentiment, mais également une résistance efficace. Ce phénomène est particulièrement visible en Asie, notamment à travers l’évolution de l’anti-américanisme en Iran. »[22] 

Les dernières révélations de l’ex-membre de la NSA , Edward Snowden, sur les écoutes téléphoniques ont témoigné davantage du manque de loyauté et de sincérité des minorités dominantes US à l’endroit de leurs alliés. 

La méfiance a grandi dans les rangs de ceux qui ne jurent que par le respect de leur souveraineté. Le Brésil et certains pays latino-américains ont demandé aux USA de pouvoir s’expliquer sur cet acte inamical.

Mais il arrive aussi que ça soit les « vassaux » qui se trompent sur « la nature des vipères »[23] : elles n’ont pas d’amis. Quand elles les instrumentalisent, elles savent qu’elles peuvent s’en débarrasser à tout moment comme traitres de leurs propres peuples et en créer d’autres avec l’appui de ces mêmes peuples tombés dans l’amnésie et le larbinisme. 


Habituées à travailler sur les archives et le temps, ces minorités organisées en conscience savent que les peuples abrutis par « leur rhétorique à fortes doses démagogiques », par l’école acculturée et les spiritualités imbécilisantes, oublient vite et sont souvent prêts à les admirer quand elles assassinent ou disqualifient leurs nègres de service devenus « infidèles » ou simplement « créatures de l’histoire ». Mobutu, Ben Ali, Moubarak en sont des exemples éloquents.

Travailler sur le temps, mobiliser les moyens et les intelligences nécessaires, créer une synergie entre les minorités organisées en conscience spirituellement, culturellement, politiquement, et éthiquement et les masses populaires ; avoir « des intérêts permanents archivés » et s’y pencher en créant des liens d’étude intergénérationnels ininterrompus ; tout cela peut aider les dignes filles et fils de la RDC à sauver leur terre-mère.
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Mbelu Babanya Kabudi


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[1] H. CALVO OSPINA, Danielle Mitterrand : ‘’La démocratie n’existe ni aux USA, ni en France’’. Extrait d’un entretien avec Danielle Mitterrand, Présidente de ‘’France Libertés’’, dans Le Grand Soir Info du 22 novembre 2011.

[2] Attentive à la question de l’enchaînement de la pensée par les élites dominantes du Nord, Susan George a publié en 2012 un livre intitulé « Le rapport Lugano II. ‘’Cette fois, en finir avec la démocratie’’ ». Ce livre aide à comprendre comment la mentalité élitiste néolibérale s’impose à travers l’histoire contemporaine sur les valeurs humanistes héritées des Lumières dans les cœurs et les esprits en promouvant la guerre de tous contre tous et « le triomphe de la cupidité ». Pour Susan George, l’avenir des valeurs humanistes est lié au changement des paradigmes au travers des luttes citoyennes afin que la narration humaniste du monde l’emporte sur la théologie universelle capitaliste comme dirait Riccardo Petrella.

[3] J. R. PAUWELS, Le mythe de la bonne guerre. Les Etats-Unis et la deuxième guerre mondiale, tr. de l’anglais par Jean-François Crombois, Paris, Aden, 2005, p. 326.

[4] Le lien ci-après est un bon résumé du livre de J.R. Pauwels. Il est explicite sur la question : http://www.dailymotion.com/video/x10hfx_le-mythe-de-la-bonne-guerre_school#.UZYHtaKZW1l

[5] J. BEINSTEIN, L’illusion de la maîtrise impériale du chaos. La mutation du système d’interventions militaires des Etats-Unis, (1ère partie), dans Le Grand Soir info, du 1er juin 1013.

[6] Ibidem.

[7] Ibidem. Nous partageons à moitié cette hypothèse parce que la présence de l’Africom en Afrique semble indiquer que l’installation d’occupations militaires pourrait être durable.

[8] Ibidem. L’auteur souligne.

[9] P. DALE SCOTT, La machine de guerre américaine. La politique profonde, la CIA , la drogue, l’Afghanistan,… tr. de l’américain par Maxime Chaix & Anthony Spaggiari, Paris, Demi-Lune, 2012, p. 64.

[10] Lire N. KLEIN, La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, tr. de l’anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné, Actes Sud, 2008.

[11] P. PEAN, Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994, Paris, Milles et une nuits, 2005.

[12] Ibidem, p.23.

[13] T. RUDASINGWA, The tragedy on Goma. Shame on UN and Rwandan’ Western allies, dans http://pambazuka.org/en/category/features/85523

[14] F. FANON, Œuvres, Paris, La Découverte , p. 875.

[15] B. LUGAN, Les guerres d’Afrique. Des origines à nos jours, Paris, Rocher, 2013, p. 334.

[16] J. KANKWENDA MBAYA et F. MUKOKA NSENDA,

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