samedi 30 novembre 2013
Près d’un mois seulement après la dislocation du M23, Joseph Kabila a entamé une tournée dans l’Est du Congo. Un périple qui dissimule à peine la quête d’un troisième mandat à la tête du pays, en dépit de l’obstacle constitutionnel (articles 70 et 220 limitant la présidence à deux mandats consécutifs).
Mais c’est sur une route que le Président congolais va devoir affronter
son premier adversaire de taille.
En effet, Joseph Kabila tenait à devancer ses adversaires potentiels sur ce terrain de l’Est où l’électeur, dévasté par les affres de la guerre, est annoncé pour être sans pitié pour les candidats de la majorité présidentielle aux prochaines élections.
Le Président a ainsi choisi d’effectuer par voie terrestre, le parcours Kisangani - Goma (plus de mille kilomètres) en passant par Bunia, Beni, Butembo et Rutshuru. Mais le voyage va être cauchemardesque, le cortège présidentiel prenant la boue jusqu’aux toits des véhicules.
Le bilan « boueux » de 12 ans de règne
Ainsi le « candidat des 5 chantiers[1] », qui a toujours évité les débats avec ses adversaires politiques, a dû faire face à un adversaire inattendu : la nature. Quelques temps seulement après avoir quitté Kisangani, le cortège présidentiel s’est retrouvé empêtré dans une route atrocement boueuse et en état de délabrement avancé.
Le Président est obligé de descendre pendant que l’ensemble de sa délégation se découvre un nouveau métier : cantonniers. Tout le monde s’emploie, pour ainsi dire, à « mettre la main à la pâte ».
Eh oui. Un cauchemar routier qui rappelle de façon brutale au candidat de 2006 qu’il n’a pas dû tenir sa promesse des 5 chantiers. En effet, des routes principales, comme la Nationale 4, devaient être asphaltées, ou tout au moins régulièrement entretenues.
La promesse n’a pas été tenue et l’ancien candidat réalise à quel point cela est pénible pour un peuple d’être trompé par les promesses électorales. Le locataire du Palais de la Nation le paie en pataugeant jusqu’aux genoux, tout comme les Congolais de cette région bernés par la promesse des infrastructures routières.
Il fait face à une deuxième promesse non tenue : les emplois. On découvre avec effarement qu’il n’y avait pas de cantonniers sur cet axe routier alors que le passage du Président était annoncé. Dès lors, ce sont les « honorables » de la République qui l’accompagnent et les « prestigieux » militaires de la garde présidentielle qui vont devoir barboter dans les flaques d’eau et se vautrer dans le bourbier pour dégager, à mains nues, la bagnole du « Raïs ».
La campagne de 2016 ne peut pas mieux commencer pour les Congolais dont les cris de souffrance n’atteignent jamais le sommet de l’Etat. Là au moins, c’est la boue, juste une boue sur la route, qui plaidait magnifiquement la cause de tout un peuple, le peuple des « sans voix ».
Des circonstances atténuantes pour Kabila ?
A la décharge de Joseph Kabila, peut-on évoquer la guerre du M23 dont il répète à chaque escale qu’elle est terminée, et qu’elle a dû entraver ses actions ?
A priori, il est impossible de mener des projets de développement sous les crépitements des balles. Mais, dans le cas du « Congo de Kabila », les choses doivent être nuancées. L’excuse de la guerre, en réalité, ne tient pas longtemps, confrontée à l’analyse des faits.
En effet, c’est quoi déjà le M23 ?
Selon les experts de l’ONU[2], de nombreux chercheurs sérieux (Keith Harmon Snow[3]), et même des dirigeants rwandais (général Faustin Kayumba[4]), le M23[5] n’est rien d’autre qu’un conglomérat de soldats rwandais et ougandais que les autorités de Kinshasa intégraient, par vagues successives, dans l’armée et les institutions de la RDC, avec la complicité des Présidents Kagamé et Museveni.
Joseph Kabila a donc sa part de responsabilité dans les désastres occasionnés par les combattants du M23, et ses adversaires politiques n’hésiteront pas à insister sur des cas comme Bosco Ntaganda, intégré et réintégré plusieurs fois et qui s’est révélé être une catastrophe humanitaire à lui tout seul. Il y a bien quelqu’un qui l’a nommé général des FARDC et qui, par conséquent, a préparé le terrain à la tragédie du M23[6].
Dès lors, l’excuse de la guerre, qui aurait entravé les actions en faveur du développement sera difficile à faire avaler aux Congolais. Ils ont appris dans la souffrance à ne pas oublier les complicités et les trahisons qui ont débouché sur la crise du M23.
En tout cas, il en faudra beaucoup pour que l’« homme de Kingakati » réussisse à prolonger son bail au Palais de la Nation, déjà que ses tentatives visant à modifier la Constitution mettent les Congolais à fleur de peau.
Et si le plus simple était tout simplement qu’il renonce à rêver de 2016 et prépare sa retraite au sénat[7] ?
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Boniface MUSAVULI
[1] Les 5 chantiers : Dans une interview accordée à la presse nationale le 27 octobre (2006 ndlr), Joseph Kabila (avait) annoncé cinq chantiers prioritaires : les infrastructures (routes, rails, ponts), la création d’emplois (…), l’éducation (les écoles et les universités), l’eau et l’électricité, et enfin, la santé. Ajoutant : « Il faut évidemment insister sur la transparence dans la gestion de la cité, des affaires de l’Etat. Il faut remettre de l’ordre dans le pays ». Lors d’un autre entretien au journal belge Le Soir, en novembre, Kabila affirme : « Pour moi, le Congo, c’est la Chine de demain : d’ici 2011 (…). Le Congo va surprendre, car il se redressera beaucoup plus vite que prévu ».
Source : http://www.rfi.fr/actufr/articles/084/article_47988.asp.
Le développement promis en 2006 est toujours en attente. Si l’on en croit le dernier rapport 2013 du PNUD sur la pauvreté dans le monde, le Congo est classé tout dernier (186ème sur 186 pays). Voir rapport : http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2013_FR.pdf
[2] Pour les experts de l’ONU, le M23 est une création du Rwanda et de l’Ouganda.
[3] Pour Keith Harmon Snow, correspondant de guerre, cinéaste et professeur de journalisme américain, les combattants du M23 ne sont pas des « rebelles congolais » mais des soldats rwandais et ougandais.
[4] Pour le général rwandais en exil, Faustin Kayumba, non seulement le M23 n’existe pas (parce qu’il s’agit de soldats rwandais), mais surtout il estime que l’armée rwandaise est toujours lourdement engagée au Congo, sûrement avec la complicité des autorités de Kinshasa.
[5] Ces combattants étrangers auraient pu se tenir tranquilles et ne pas s’en prendre aux Congolais qui les avaient relativement tolérés en 1996. Mais ils se sont mis à se comporter en terrain conquis, à se mutiner et à se rebeller pour un oui ou pour un non. Au point de mettre « leur protecteur » (Kabila) en difficulté avec « son peuple ».
[6] La mutinerie du M23 a éclaté à Goma en avril 2012 lorsque les autorités congolaises envisageaient d’interpeller le général Bosco Ntaganda sur demande de la Cour Pénale Internationale. Des soldats se revendiquant de l’ethnie « tutsie », soutenus par le Rwanda et l’Ouganda, ont déserté les casernes et gagné le maquis.
[7] L’article 104 al. 6 de la Constitution de la RD Congo dispose que « Les anciens Présidents de la République élus sont de droit sénateurs à vie. »
Près d’un mois seulement après la dislocation du M23, Joseph Kabila a entamé une tournée dans l’Est du Congo. Un périple qui dissimule à peine la quête d’un troisième mandat à la tête du pays, en dépit de l’obstacle constitutionnel (articles 70 et 220 limitant la présidence à deux mandats consécutifs).
Mais c’est sur une route que le Président congolais va devoir affronter
son premier adversaire de taille.
En effet, Joseph Kabila tenait à devancer ses adversaires potentiels sur ce terrain de l’Est où l’électeur, dévasté par les affres de la guerre, est annoncé pour être sans pitié pour les candidats de la majorité présidentielle aux prochaines élections.
Le Président a ainsi choisi d’effectuer par voie terrestre, le parcours Kisangani - Goma (plus de mille kilomètres) en passant par Bunia, Beni, Butembo et Rutshuru. Mais le voyage va être cauchemardesque, le cortège présidentiel prenant la boue jusqu’aux toits des véhicules.
Le bilan « boueux » de 12 ans de règne
Ainsi le « candidat des 5 chantiers[1] », qui a toujours évité les débats avec ses adversaires politiques, a dû faire face à un adversaire inattendu : la nature. Quelques temps seulement après avoir quitté Kisangani, le cortège présidentiel s’est retrouvé empêtré dans une route atrocement boueuse et en état de délabrement avancé.
Le Président est obligé de descendre pendant que l’ensemble de sa délégation se découvre un nouveau métier : cantonniers. Tout le monde s’emploie, pour ainsi dire, à « mettre la main à la pâte ».
Eh oui. Un cauchemar routier qui rappelle de façon brutale au candidat de 2006 qu’il n’a pas dû tenir sa promesse des 5 chantiers. En effet, des routes principales, comme la Nationale 4, devaient être asphaltées, ou tout au moins régulièrement entretenues.
La promesse n’a pas été tenue et l’ancien candidat réalise à quel point cela est pénible pour un peuple d’être trompé par les promesses électorales. Le locataire du Palais de la Nation le paie en pataugeant jusqu’aux genoux, tout comme les Congolais de cette région bernés par la promesse des infrastructures routières.
Il fait face à une deuxième promesse non tenue : les emplois. On découvre avec effarement qu’il n’y avait pas de cantonniers sur cet axe routier alors que le passage du Président était annoncé. Dès lors, ce sont les « honorables » de la République qui l’accompagnent et les « prestigieux » militaires de la garde présidentielle qui vont devoir barboter dans les flaques d’eau et se vautrer dans le bourbier pour dégager, à mains nues, la bagnole du « Raïs ».
La campagne de 2016 ne peut pas mieux commencer pour les Congolais dont les cris de souffrance n’atteignent jamais le sommet de l’Etat. Là au moins, c’est la boue, juste une boue sur la route, qui plaidait magnifiquement la cause de tout un peuple, le peuple des « sans voix ».
Des circonstances atténuantes pour Kabila ?
A la décharge de Joseph Kabila, peut-on évoquer la guerre du M23 dont il répète à chaque escale qu’elle est terminée, et qu’elle a dû entraver ses actions ?
A priori, il est impossible de mener des projets de développement sous les crépitements des balles. Mais, dans le cas du « Congo de Kabila », les choses doivent être nuancées. L’excuse de la guerre, en réalité, ne tient pas longtemps, confrontée à l’analyse des faits.
En effet, c’est quoi déjà le M23 ?
Selon les experts de l’ONU[2], de nombreux chercheurs sérieux (Keith Harmon Snow[3]), et même des dirigeants rwandais (général Faustin Kayumba[4]), le M23[5] n’est rien d’autre qu’un conglomérat de soldats rwandais et ougandais que les autorités de Kinshasa intégraient, par vagues successives, dans l’armée et les institutions de la RDC, avec la complicité des Présidents Kagamé et Museveni.
Joseph Kabila a donc sa part de responsabilité dans les désastres occasionnés par les combattants du M23, et ses adversaires politiques n’hésiteront pas à insister sur des cas comme Bosco Ntaganda, intégré et réintégré plusieurs fois et qui s’est révélé être une catastrophe humanitaire à lui tout seul. Il y a bien quelqu’un qui l’a nommé général des FARDC et qui, par conséquent, a préparé le terrain à la tragédie du M23[6].
Dès lors, l’excuse de la guerre, qui aurait entravé les actions en faveur du développement sera difficile à faire avaler aux Congolais. Ils ont appris dans la souffrance à ne pas oublier les complicités et les trahisons qui ont débouché sur la crise du M23.
En tout cas, il en faudra beaucoup pour que l’« homme de Kingakati » réussisse à prolonger son bail au Palais de la Nation, déjà que ses tentatives visant à modifier la Constitution mettent les Congolais à fleur de peau.
Et si le plus simple était tout simplement qu’il renonce à rêver de 2016 et prépare sa retraite au sénat[7] ?
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Boniface MUSAVULI
[1] Les 5 chantiers : Dans une interview accordée à la presse nationale le 27 octobre (2006 ndlr), Joseph Kabila (avait) annoncé cinq chantiers prioritaires : les infrastructures (routes, rails, ponts), la création d’emplois (…), l’éducation (les écoles et les universités), l’eau et l’électricité, et enfin, la santé. Ajoutant : « Il faut évidemment insister sur la transparence dans la gestion de la cité, des affaires de l’Etat. Il faut remettre de l’ordre dans le pays ». Lors d’un autre entretien au journal belge Le Soir, en novembre, Kabila affirme : « Pour moi, le Congo, c’est la Chine de demain : d’ici 2011 (…). Le Congo va surprendre, car il se redressera beaucoup plus vite que prévu ».
Source : http://www.rfi.fr/actufr/articles/084/article_47988.asp.
Le développement promis en 2006 est toujours en attente. Si l’on en croit le dernier rapport 2013 du PNUD sur la pauvreté dans le monde, le Congo est classé tout dernier (186ème sur 186 pays). Voir rapport : http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2013_FR.pdf
[2] Pour les experts de l’ONU, le M23 est une création du Rwanda et de l’Ouganda.
[3] Pour Keith Harmon Snow, correspondant de guerre, cinéaste et professeur de journalisme américain, les combattants du M23 ne sont pas des « rebelles congolais » mais des soldats rwandais et ougandais.
[4] Pour le général rwandais en exil, Faustin Kayumba, non seulement le M23 n’existe pas (parce qu’il s’agit de soldats rwandais), mais surtout il estime que l’armée rwandaise est toujours lourdement engagée au Congo, sûrement avec la complicité des autorités de Kinshasa.
[5] Ces combattants étrangers auraient pu se tenir tranquilles et ne pas s’en prendre aux Congolais qui les avaient relativement tolérés en 1996. Mais ils se sont mis à se comporter en terrain conquis, à se mutiner et à se rebeller pour un oui ou pour un non. Au point de mettre « leur protecteur » (Kabila) en difficulté avec « son peuple ».
[6] La mutinerie du M23 a éclaté à Goma en avril 2012 lorsque les autorités congolaises envisageaient d’interpeller le général Bosco Ntaganda sur demande de la Cour Pénale Internationale. Des soldats se revendiquant de l’ethnie « tutsie », soutenus par le Rwanda et l’Ouganda, ont déserté les casernes et gagné le maquis.
[7] L’article 104 al. 6 de la Constitution de la RD Congo dispose que « Les anciens Présidents de la République élus sont de droit sénateurs à vie. »
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