05/12/2013
Les femmes congolaises dans l'est de la RDC. © AFP
Dans un rapport publié mercredi à Kinshasa, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et des ONG locales partenaires dénoncent les difficultés qu'éprouvent les victimes des violences sexuelles à obtenir justice en RDC.
Si des procès ont eu lieu ces dernières années, "aucune des décisions en matière de réparation" n'a été exécutée. Un "problème de moyens", se justifie Kinshasa.
Près de deux décennies de conflits armés, des milliers de femmes violées... et aucune réparation. Il est temps de "changer la donne pour combattre l'impunité" en RDC.
Dans un communiqué rendu public le 4 décembre à Kinshasa, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et ses ONG locales affiliées s'interrogent sur l'efficacité de la "stratégie de lutte contre l'impunité des crimes internationaux en RDC, y compris les crimes sexuels, telle qu'elle est soutenue par la communauté internationale".
"Ces dix dernières années, beaucoup de procès ont été ouverts mais, au final, nous constatons une absence totale de réparation, relève Karine Bonneau, la chef du bureau Justice internationale à la FIDH, contactée dans la capitale congolaise par Jeune Afrique. Lorsque l'État est condamné à payer des dommages et intérêts aux victimes, dans les cas de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, aucun des jugements n'a été appliqué".
Lire l'intégralité du rapport de la FIDH.
Pour la FIDH, la RDC se retrouve aujourd'hui dans une "phase où les procès n'arrivent [plus] à rendre justice", explique Karine Bonneau. "Dans la plupart des cas, les personnes accusées ne sont pas arrêtées, et les mesures de réparation en faveur des victimes ne sont jamais mises en œuvre", ajoute-t-elle.
Dans la ligne de mire de l'ONG internationale : le système judiciaire congolais, dont les nombreuses défaillances empêchent les victimes d'obtenir justice.
"Difficultés d'accès aux tribunaux, trop souvent éloignés des villages, absence de sécurité, frais déraisonnables à payer pour chaque acte de procédure"... Les griefs contre la justice listés par le rapport sont nombreux.
"Manque de volonté politique"
"En RDC, les victimes des viols doivent payer pour obtenir justice", s'alarme Karine Bonneau. "La procédure est extrêmement compliquée et chère à toutes les étapes. Pour ne pas payer, elles doivent obtenir un certificat d'indigence qui coûte déjà environ 50 dollars (…). Et avant de toucher l'indemnité de réparation, elles doivent verser au tribunal 10 % du montant alloué", détaille-t-elle.
Conséquence : les jugements ne sont jamais appliqués.
Des "coûts de justice prohibitifs" sont la principale cause de l'inexécution des mesures de réparation en RDC, selon Karine Bonneau.
Dans l'emblématique affaire Songo Mboyo, par exemple – des soldats de l'armée congolaise poursuivis pour le viol de 119 femmes à Songo Mboyo, dans l'ouest du pays, en 2003 -, la justice avait décidé, en 2006, de verser 5 000 dollars à chaque survivante et 10 000 pour les victimes décédées.
Mais pour espérer obtenir ces indemnisations, elles devaient "au préalable payer 28 000 dollars au titre de droits proportionnels, ainsi que 684 dollars à titre d’ 'autres frais' et 756 au titre des frais de jugement", rappelle le rapport de la FIDH.
Des "coûts de justice prohibitifs", principale cause de l'inexécution des mesures de réparation en RDC, selon Karine Bonneau, qui pointe également "l'absence de volonté politique" pour mettre fin à cette situation.
"Faux", lui rétorque Lambert Mende. Pour le porte-parole du gouvernement congolais, il ne s'agit pas d'un "problème spécifique aux victimes des violences sexuelles" mais plutôt un "problème de moyens".
"Le ministère de la Justice ne dispose pas toujours de suffisamment d'argent pour couvrir le payement de tous les dommages et intérêts de l'ensemble des victimes de divers infractions et crimes commis en RDC".
Et d'ajouter : "Kinshasa reste favorable à la mise en place d'un fonds spécial qui pourrait l'aider à apporter des solutions à cette situation".
Pour que les procès retrouvent un sens en RDC, la FIDH plaide, de son côté, pour une "réforme qui garantira la gratuité de la procédure pénale" et la mise en place d'un "tribunal spécialisé et mixte, qui connaîtrait les crimes internationaux et aurait une composante à la fois congolaise et internationale".
_____________
Trésor Kibangula
Jeune Afrique
Les femmes congolaises dans l'est de la RDC. © AFP
Dans un rapport publié mercredi à Kinshasa, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et des ONG locales partenaires dénoncent les difficultés qu'éprouvent les victimes des violences sexuelles à obtenir justice en RDC.
Si des procès ont eu lieu ces dernières années, "aucune des décisions en matière de réparation" n'a été exécutée. Un "problème de moyens", se justifie Kinshasa.
Près de deux décennies de conflits armés, des milliers de femmes violées... et aucune réparation. Il est temps de "changer la donne pour combattre l'impunité" en RDC.
Dans un communiqué rendu public le 4 décembre à Kinshasa, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et ses ONG locales affiliées s'interrogent sur l'efficacité de la "stratégie de lutte contre l'impunité des crimes internationaux en RDC, y compris les crimes sexuels, telle qu'elle est soutenue par la communauté internationale".
"Ces dix dernières années, beaucoup de procès ont été ouverts mais, au final, nous constatons une absence totale de réparation, relève Karine Bonneau, la chef du bureau Justice internationale à la FIDH, contactée dans la capitale congolaise par Jeune Afrique. Lorsque l'État est condamné à payer des dommages et intérêts aux victimes, dans les cas de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, aucun des jugements n'a été appliqué".
Lire l'intégralité du rapport de la FIDH.
Pour la FIDH, la RDC se retrouve aujourd'hui dans une "phase où les procès n'arrivent [plus] à rendre justice", explique Karine Bonneau. "Dans la plupart des cas, les personnes accusées ne sont pas arrêtées, et les mesures de réparation en faveur des victimes ne sont jamais mises en œuvre", ajoute-t-elle.
Dans la ligne de mire de l'ONG internationale : le système judiciaire congolais, dont les nombreuses défaillances empêchent les victimes d'obtenir justice.
"Difficultés d'accès aux tribunaux, trop souvent éloignés des villages, absence de sécurité, frais déraisonnables à payer pour chaque acte de procédure"... Les griefs contre la justice listés par le rapport sont nombreux.
"Manque de volonté politique"
"En RDC, les victimes des viols doivent payer pour obtenir justice", s'alarme Karine Bonneau. "La procédure est extrêmement compliquée et chère à toutes les étapes. Pour ne pas payer, elles doivent obtenir un certificat d'indigence qui coûte déjà environ 50 dollars (…). Et avant de toucher l'indemnité de réparation, elles doivent verser au tribunal 10 % du montant alloué", détaille-t-elle.
Conséquence : les jugements ne sont jamais appliqués.
Des "coûts de justice prohibitifs" sont la principale cause de l'inexécution des mesures de réparation en RDC, selon Karine Bonneau.
Dans l'emblématique affaire Songo Mboyo, par exemple – des soldats de l'armée congolaise poursuivis pour le viol de 119 femmes à Songo Mboyo, dans l'ouest du pays, en 2003 -, la justice avait décidé, en 2006, de verser 5 000 dollars à chaque survivante et 10 000 pour les victimes décédées.
Mais pour espérer obtenir ces indemnisations, elles devaient "au préalable payer 28 000 dollars au titre de droits proportionnels, ainsi que 684 dollars à titre d’ 'autres frais' et 756 au titre des frais de jugement", rappelle le rapport de la FIDH.
Des "coûts de justice prohibitifs", principale cause de l'inexécution des mesures de réparation en RDC, selon Karine Bonneau, qui pointe également "l'absence de volonté politique" pour mettre fin à cette situation.
"Faux", lui rétorque Lambert Mende. Pour le porte-parole du gouvernement congolais, il ne s'agit pas d'un "problème spécifique aux victimes des violences sexuelles" mais plutôt un "problème de moyens".
"Le ministère de la Justice ne dispose pas toujours de suffisamment d'argent pour couvrir le payement de tous les dommages et intérêts de l'ensemble des victimes de divers infractions et crimes commis en RDC".
Et d'ajouter : "Kinshasa reste favorable à la mise en place d'un fonds spécial qui pourrait l'aider à apporter des solutions à cette situation".
Pour que les procès retrouvent un sens en RDC, la FIDH plaide, de son côté, pour une "réforme qui garantira la gratuité de la procédure pénale" et la mise en place d'un "tribunal spécialisé et mixte, qui connaîtrait les crimes internationaux et aurait une composante à la fois congolaise et internationale".
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Trésor Kibangula
Jeune Afrique
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