mercredi 19 février 2014

Tribunal mixte pour la RDC : Kigali et Kampala exclus

le mercredi 19 février 2014



Les six millions de morts enregistrés dans l’Est de la RDC ne seront jamais oubliés, ni impunis. C’est la position que défendent actuellement les Etats-Unis qui, comme en Sierra Leone, proposent la création d’un tribunal mixte, composé de juges congolais et étrangers.

D’ores et déjà, Washington soutient que, pour leur implication avérée dans le drame congolais, des pays tels que le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi ne devraient pas faire partie de ce tribunal spécial, voulu mixte mais aussi une extension de la Cour pénale internationale de La Haye.

L’idée d’un Tribunal pénal international pour les graves crimes commis en RDC fait désormais dans les instances internationales. Aux Etats-Unis, la création d’un tel tribunal est désormais une affaire d’Etat qui implique des dignitaires américains, de la trempe de l’ambassadeur américain Stephen Rapp en charge de la politique des Etats-Unis contre les crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Si les autres, notamment diverses personnalités et ONG internationales, s’attardent sur la création d’un Tribunal pénal internationale pour la RDC, s’inspirant des exemples du Rwanda et de la Sierra Leone, de passage à Goma dans la province du Nord-Kivu, l’ambassadeur Stephen Rapp a proposé par contre un tribunal « mixte et spécialisé » destiné à juger les auteurs des crimes graves commis particulièrement dans l’Est.

Autrefois procureur du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Stephen Rapp trouve qu’un Tribunal pénal international pour la RDC aurait une compétence limitée en rapport avec tous les crimes commis sur le sol congolais. 

D’où, sa proposition d’un tribunal à même d’étendre sa compétence bien au-delà des frontières de la RDC. Ce qui ouvre la possibilité de poursuivre des acteurs étrangers impliqués dans la crise congolaise. Il s’est référé à l’expérience sierra-léonaise.

« J’étais autrefois le Procureur du tribunal spécial pour la Sierra Leone. C’était une cour mixte. Je suis Américain et mon adjoint était de la Sierra Leone. Il y avait des juges internationaux et nationaux. Nous avons obtenu un acte d’accusation contre le président du pays voisin, Charles Taylor. Il était en fuite et établi en exil au Nigeria », a expliqué Stephen Rapp vendredi 7 février 2014, à l’occasion d’une tournée de travail dans la région des Grands Lacs.

Et de préciser que le Nigeria avait accepté de coopérer et « nous avons obtenu l’arrestation et le transfert de Charles Taylor en Sierra Leone». 

A son avis, après la guerre contre le M23 et les autres groupes armés qui ont commis des crimes dans l’Est de la RDC, la création d’une cour de justice spéciale est nécessaire pour assurer une justice indépendante et appuyer les efforts d’extradition des criminels réfugiés dans les pays voisins.

KIGALI ET KAMPALA EXCLUS DE LA COMPOSITION DU TRIBUNAL MIXTE

Si Stephen Rapp s’est dit favorable à un tribunal international qui devait s’occuper de toutes les atrocités perpétrées pendant plus d’une décennie en RDC, particulièrement dans sa partie Est, il soutient cependant l’idée d’un tribunal qui aurait également des compétences territoriales dans l’ensemble de la région des Grands Lacs.

C’est une façon, selon lui, de mentionner non seulement le caractère régional de tous les crimes commis en RDC mais aussi l’implication des dirigeants régionaux dans la crise congolaise. 

Ainsi, des pays tels que le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi n’auraient pas droit d’envoyer des juges à ce tribunal spécial. « Si ce tribunal est créé, le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi ne devraient pas en faire partie », a insisté le diplomate américain. 

Sans doute, pour leur éviter d’être à la fois juge et partie, leur implication étant avérée dans le drame récurrent de l’Est congolais.

Par conséquent, a-t-il estimé, il faut chercher les moyens pour mettre sur pied un système judiciaire efficace qui permette d’obtenir l’extradition et le jugement des présumés criminels. 

D’aucuns sont favorables à la mise en place d’un tribunal international, indépendant, devant se pencher en profondeur sur tout ce qui se passe en RDC, depuis la guerre de libération de 1996, menée par les troupes de l’AFDL jusqu’à la récente rébellion de M23.

Des études et bien des rapports des Nations unies ont démontré le lien évident entre tous ces mouvements armés et des pays voisins de la RDC, notamment la Rwanda et l’Ouganda. 

L’heure est venue aujourd’hui de rétablir toutes ces vérités, tues pour maintes raisons. C’est aussi une façon d’honorer plus de six millions de Congolais tombés du fait de ces guerres récurrentes qui ont fait ravage dans l’Est.

Que les Etats-Unis se soient ressaisis in fine ne peut que susciter espoir pour toutes les victimes et le retour d’une paix durable en RDC et dans les Grands Lacs. 

Leur initiative est saluée de deux mains par tous. La communauté internationale devra s’approprier la concrétisation de cette initiative. Cela au nom de la justice dont se défend depuis toujours l’Onu.

LA LONGUE MARCHE

Pour rappel, la nécessité de la création d’un Tribunal pénal international pour la RDC (TPI RDC) avait été soutenue le 21 octobre 2013 par la Nouvelle société civile congolaise (NSCC) après avoir lancé une pétition demandant son instauration. 

Deux mois auparavant, 52 personnalités féminines de la politique française avaient signé le 12 août une pétition « sur les viols comme arme de guerre » et réclamé « l’instauration d’un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo ».

La pétition avait été adressée au secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, aux présidents français François Hollande et américain Barack Obama ainsi qu’à la présidente de la commission de l’Union africaine Nkosazana Dlamini-Zuma.

Ce TPI, qui devrait succéder au Tribunal pénal international pour le Rwanda, lequel doit fermer ses portes fin 2014, devait se charger de « poursuivre tous les crimes répertoriés dans le rapport Mapping des Nations unies » et de « juger ceux qui ont bafoué les droits humains dans l’Est de la République démocratique du Congo et notamment ceux qui ont fait du viol une arme de guerre ».

Les ex-ministres françaises Rama Yade et Roselyne Bachelot, la philosophe Françoise Héritier, l’avocate Gisèle Halimi, l’ancienne otage des FARC en Colombie Ingrid Betancourt et Me Michèle E. M’Packo, avocate au barreau de Douala et présidente d’une association pour les femmes violées au Cameroun, figuraient parmi les signataires de cette pétition initiée par l’avocat congolais Me Hamuly Réty. Celle-ci était présentée comme une « solution incontournable pour la paix et la justice dans la région des Grands Lacs ».

Le nombre de victimes violées dans l’Est de la RDC n’ayant cessé de croître depuis 1996, « l’objectif est de susciter un élan de sensibilisation et une envie de faire réagir, car ces crimes de geurre en temps de conflits durent depuis 10 ans sans que personne n’ait réellement agi », avait alors soutenu Me Michèle E. M’Packo, relevant que « dans ce tribunal, il s’agit de faire punir tous ceux qui ont commis des tortures en les reconnaissant comme crimes contre l’humanité – ces mêmes crimes dont certains ont été reconnus dans le TPI de Yougoslavie ».
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Le Potentiel

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