le 26 mars 2014
A la veille de la formation d’un gouvernement de cohésion nationale en République démocratique du Congo (RDC), il s’observe que depuis l’élection présidentielle et les législatives du 28 novembre 2011, un climat de méfiance persiste entre le gouvernement et la diaspora congolaise.
Ils se regardent en chiens de faïence, alors que tous sont sensés se battre pour le bien d’un même pays et le bonheur d’une même population.
Quelques pistes de solutions existent pour décrisper la situation, qui ne sert en rien le pays, et rétablir un climat de confiance et de compréhension mutuelle. A la condition que, de part et d’autre, on réalise qu’il est nécessaire et productif de travailler en synergie pour rechercher et consolider la paix, la démocratie et l’Etat de droit, qui sont fondamentales pour aspirer à un développement.
Malgré l’absence de données chiffrées et fiables mises à jour, on estime la population de la RDC à plus ou moins 70 millions de Congolais, dont plus ou moins 10% vivent à l’étranger.
Les Congolais de la diaspora sont disséminés à travers les cinq continents, dont le noyau dur se trouverait en Europe, principalement en Belgique, en France et en Grande Bretagne; et en Amérique du Nord, principalement aux Etats-Unis et au Canada, où l’on trouve une forte concentration.
La communauté congolaise compte parmi les plus importantes communautés de la diaspora africaine qui ont quitté leurs pays respectifs soit pour des raisons d’études, des raisons économiques, des situations de guerres civiles ou conflits armés; soit pour fuir les violations de droits humains, de liberté d’expression et de mauvaise gouvernance de leurs gouvernements.
En effet, depuis l’arrivée au pouvoir, par les armes, de l’Alliance de forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), les différents gouvernements qui se sont succéder ont de la peine à communiquer franchement avec la diaspora.
Les autorités politiques en déplacement à l’étranger, notamment dans certains pays où vit une forte concentration de Congolais, ne prennent pas le temps de rencontrer leurs compatriotes et de les entretenir sur la situation réelle du pays.
Et pourtant, la diaspora congolaise contribue beaucoup plus à l’économie du pays que l’aide publique au développement.
Selon les données de la Banque mondiale, la contribution financière de la diaspora congolaise, au travers des transferts de fonds à leurs proches restés au pays, est estimé à une dizaine de milliards de dollars US par année, soit plus que le budget annuel de l’Etat congolais.
Aujourd’hui, une grande proportion des ménages congolais dépend de cette manne financière transférée par la diaspora pour subvenir aux besoins d’éducation, de santé, de logement, d’alimentation et même d’investissement dans le secteur informel de l’économie, tel que celui de transport en commun dans les grandes villes.
Les effets positifs engendrés par ces transferts de fonds sont tels qu’ils assurent la survie de nombreuses familles, qui autrement seraient dans un dénuement total.
Le soutien de la diaspora aux proches parents, au prix de toute sorte de sacrifice, contribue énormément à la paix sociale et de manière indirecte à éviter au gouvernement d’être confronté à une crise sociale, du genre de celles qu’ont vécu certains pays d’Afrique.
Prendre en compte les revendications de la diaspora
Peu importe ce que l’on peut dire sur la légalité ou la légitimité des gouvernants actuels, en tant que politologue, la realpolitik, telle vue par Nicolas Machiavel, nous oblige à reconnaitre qu’il y a un gouvernement qui engage l’Etat congolais.
Qu’on le veuille ou non, c’est avec lui qu’il faut négocier. De ce fait, ce gouvernement doit prendre l’initiative en premier pour dialoguer avec sa diaspora afin de décrisper la tension sociale et politique qui perdure et ne serve ni ses propres intérêts ni ceux de la diaspora congolaise qui est en froid avec lui.
Les Congolais de l’étranger ont des revendications politiques et sociales légitimes que le gouvernement n’arrive pas à apporter des réponses satisfaisantes.
Cela étant, les Congolais de l’étranger ne doivent pas se limiter à constater l’inaction du gouvernement, à pointer le doigt accusateur sur les gouvernants comme étant seuls responsables de la situation désastreuse du pays, ni même à s’en plaindre. Ils doivent ouvrir le dialogue avec celui-ci.
Le refus de dialoguer peut être considéré comme une acceptation tacite de la situation, et donc une reconnaissance de la responsabilité partagée de la détérioration de la situation, par l’action de l’un et l’inaction de l’autre.
Sur le plan politique, il y a un certain nombre des questions qui fâchent, notamment celles de droit de vote et de la double nationalité.
Il n’est un secret pour personne que plusieurs personnalités politiques congolaises ont la double nationalité, mais n’osent pas en parler, au risque de réveiller les soupçons.
Cette question avait été soulevée, en son temps, par un député de la première législature postélectorale de 2006 et un moratoire avait été accordé aux personnes concernées.
Les Congolais de l’étranger trouvent « injuste » qu’ils soient exclus du processus électoral, sous un prétexte qui ne tient pas la route, alors que les droits de vote et d’éligibilité sont garantis à tout Congolais par la Constitution.
Il serait donc nécessaire, non seulement de permettre aux Congolais de l’étranger de voter, mais aussi de créer des circonscriptions électorales dans la diaspora pour permettre à ceux qui sont intéressés à se faire élire entant que représentants des Congolais de l’étranger, comme ça se fait en France, par exemple.
Pour ceux des Congolais qui ont délibérément acquis une autre nationalité, mais gardent encore des liens d’attaches solides avec leur pays d’origine, ils trouvent également « injuste » qu’ils perdent ipso facto leur nationalité d’origine.
La double nationalité est un avantage qui permet au citoyen de conserver les droits politiques à la fois dans son pays d’origine et dans celui d’accueil.
Sur le plan social, les Congolais vivant à l’étranger ont le privilège de côtoyer des collègues venant d’autres pays et savoir ce que font leurs pays respectifs pour aider à canaliser l’apport financier et intellectuel favorable au développement local.
En effet, nombreux pays africains ont compris et reconnaissent l’apport de leurs diasporas et s’appuient sur eux comme des partenaires privilégiés pour notamment faire du lobbying dans leurs pays d’accueil afin d’attirer des investisseurs privés qui sont créateurs des emplois rémunérateurs.
Les Congolais de l’étranger ont suffisamment d’expertise, de compétences et d’expériences enrichissantes dans différents domaines qu’ils aimeraient partager avec leur pays d’origine pour l’aider à se redresser et renforcer ses capacités institutionnelles.
Malheureusement, aucune politique publique n’est mise en place, notamment pour faciliter des investissements, tant financiers qu’intellectuels, de la diaspora et leur assurer la sécurité physique, financière et judiciaire.Aucune politique publique pour mobiliser les compétences de la diaspora et faciliter le transfert des connaissances acquises au bénéfice du développement local.
Les Congolais de la diaspora sont traités comme des étrangers dans leur pays d’origine et souvent confrontés aux tracasseries administratives qui le découragent.
Reconnaitre la contribution de la diaspora à sa juste valeur
Les Congolais de l’étranger, de par leur nombre estimé à plus ou moins 7 millions, constituent un poids démographique et un soutien économique important.
Si l’on pouvait imaginer fictivement leur regroupement dans un territoire donné, ils seraient démographiquement parmi les cinq provinces les plus peuplées de la RD Congo; la première province qui aurait un taux de chômage le plus bas, un niveau de vie le plus élevé, un niveau d’éducation supérieur à la moyenne du pays, une population jeune et en bonne santé physique.
Globalement, elle serait la première province qui contribuerait énormément à l’économie, tant formelle qu’informelle, à soulager un tant soit peu la misère que connaît l’immense majorité de la population dans un pays qui est considéré comme un scandale géologique.
Ceci dit, pour pallier au désamour qui persiste entre le gouvernement congolais et sa diaspora, le premier doit, d’une part, reconnaitre sincèrement l’apport de la diaspora au maintien de la paix sociale, prendre en compte ses revendications et y apporter un début de solution.
Le second doit, d’autre part, reconnaitre que l’indignation seule ne suffit pas pour changer la situation au pays - telle qu’on aimerait bien qu’elle soit -, comprendre que la realpolitik nous oblige à reconnaitre le gouvernement qui engage l’Etat congolais - qu’on accepte ou non -, et à dialoguer avec lui dans un climat de confiance et de compréhension mutuelle pour trouver des solutions aux diverses préoccupations.
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Isidore Kwandja Ngembo, Politologue
Le Potentiel
A la veille de la formation d’un gouvernement de cohésion nationale en République démocratique du Congo (RDC), il s’observe que depuis l’élection présidentielle et les législatives du 28 novembre 2011, un climat de méfiance persiste entre le gouvernement et la diaspora congolaise.
Ils se regardent en chiens de faïence, alors que tous sont sensés se battre pour le bien d’un même pays et le bonheur d’une même population.
Quelques pistes de solutions existent pour décrisper la situation, qui ne sert en rien le pays, et rétablir un climat de confiance et de compréhension mutuelle. A la condition que, de part et d’autre, on réalise qu’il est nécessaire et productif de travailler en synergie pour rechercher et consolider la paix, la démocratie et l’Etat de droit, qui sont fondamentales pour aspirer à un développement.
Malgré l’absence de données chiffrées et fiables mises à jour, on estime la population de la RDC à plus ou moins 70 millions de Congolais, dont plus ou moins 10% vivent à l’étranger.
Les Congolais de la diaspora sont disséminés à travers les cinq continents, dont le noyau dur se trouverait en Europe, principalement en Belgique, en France et en Grande Bretagne; et en Amérique du Nord, principalement aux Etats-Unis et au Canada, où l’on trouve une forte concentration.
La communauté congolaise compte parmi les plus importantes communautés de la diaspora africaine qui ont quitté leurs pays respectifs soit pour des raisons d’études, des raisons économiques, des situations de guerres civiles ou conflits armés; soit pour fuir les violations de droits humains, de liberté d’expression et de mauvaise gouvernance de leurs gouvernements.
En effet, depuis l’arrivée au pouvoir, par les armes, de l’Alliance de forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), les différents gouvernements qui se sont succéder ont de la peine à communiquer franchement avec la diaspora.
Les autorités politiques en déplacement à l’étranger, notamment dans certains pays où vit une forte concentration de Congolais, ne prennent pas le temps de rencontrer leurs compatriotes et de les entretenir sur la situation réelle du pays.
Et pourtant, la diaspora congolaise contribue beaucoup plus à l’économie du pays que l’aide publique au développement.
Selon les données de la Banque mondiale, la contribution financière de la diaspora congolaise, au travers des transferts de fonds à leurs proches restés au pays, est estimé à une dizaine de milliards de dollars US par année, soit plus que le budget annuel de l’Etat congolais.
Aujourd’hui, une grande proportion des ménages congolais dépend de cette manne financière transférée par la diaspora pour subvenir aux besoins d’éducation, de santé, de logement, d’alimentation et même d’investissement dans le secteur informel de l’économie, tel que celui de transport en commun dans les grandes villes.
Les effets positifs engendrés par ces transferts de fonds sont tels qu’ils assurent la survie de nombreuses familles, qui autrement seraient dans un dénuement total.
Le soutien de la diaspora aux proches parents, au prix de toute sorte de sacrifice, contribue énormément à la paix sociale et de manière indirecte à éviter au gouvernement d’être confronté à une crise sociale, du genre de celles qu’ont vécu certains pays d’Afrique.
Prendre en compte les revendications de la diaspora
Peu importe ce que l’on peut dire sur la légalité ou la légitimité des gouvernants actuels, en tant que politologue, la realpolitik, telle vue par Nicolas Machiavel, nous oblige à reconnaitre qu’il y a un gouvernement qui engage l’Etat congolais.
Qu’on le veuille ou non, c’est avec lui qu’il faut négocier. De ce fait, ce gouvernement doit prendre l’initiative en premier pour dialoguer avec sa diaspora afin de décrisper la tension sociale et politique qui perdure et ne serve ni ses propres intérêts ni ceux de la diaspora congolaise qui est en froid avec lui.
Les Congolais de l’étranger ont des revendications politiques et sociales légitimes que le gouvernement n’arrive pas à apporter des réponses satisfaisantes.
Cela étant, les Congolais de l’étranger ne doivent pas se limiter à constater l’inaction du gouvernement, à pointer le doigt accusateur sur les gouvernants comme étant seuls responsables de la situation désastreuse du pays, ni même à s’en plaindre. Ils doivent ouvrir le dialogue avec celui-ci.
Le refus de dialoguer peut être considéré comme une acceptation tacite de la situation, et donc une reconnaissance de la responsabilité partagée de la détérioration de la situation, par l’action de l’un et l’inaction de l’autre.
Sur le plan politique, il y a un certain nombre des questions qui fâchent, notamment celles de droit de vote et de la double nationalité.
Il n’est un secret pour personne que plusieurs personnalités politiques congolaises ont la double nationalité, mais n’osent pas en parler, au risque de réveiller les soupçons.
Cette question avait été soulevée, en son temps, par un député de la première législature postélectorale de 2006 et un moratoire avait été accordé aux personnes concernées.
Les Congolais de l’étranger trouvent « injuste » qu’ils soient exclus du processus électoral, sous un prétexte qui ne tient pas la route, alors que les droits de vote et d’éligibilité sont garantis à tout Congolais par la Constitution.
Il serait donc nécessaire, non seulement de permettre aux Congolais de l’étranger de voter, mais aussi de créer des circonscriptions électorales dans la diaspora pour permettre à ceux qui sont intéressés à se faire élire entant que représentants des Congolais de l’étranger, comme ça se fait en France, par exemple.
Pour ceux des Congolais qui ont délibérément acquis une autre nationalité, mais gardent encore des liens d’attaches solides avec leur pays d’origine, ils trouvent également « injuste » qu’ils perdent ipso facto leur nationalité d’origine.
La double nationalité est un avantage qui permet au citoyen de conserver les droits politiques à la fois dans son pays d’origine et dans celui d’accueil.
Sur le plan social, les Congolais vivant à l’étranger ont le privilège de côtoyer des collègues venant d’autres pays et savoir ce que font leurs pays respectifs pour aider à canaliser l’apport financier et intellectuel favorable au développement local.
En effet, nombreux pays africains ont compris et reconnaissent l’apport de leurs diasporas et s’appuient sur eux comme des partenaires privilégiés pour notamment faire du lobbying dans leurs pays d’accueil afin d’attirer des investisseurs privés qui sont créateurs des emplois rémunérateurs.
Les Congolais de l’étranger ont suffisamment d’expertise, de compétences et d’expériences enrichissantes dans différents domaines qu’ils aimeraient partager avec leur pays d’origine pour l’aider à se redresser et renforcer ses capacités institutionnelles.
Malheureusement, aucune politique publique n’est mise en place, notamment pour faciliter des investissements, tant financiers qu’intellectuels, de la diaspora et leur assurer la sécurité physique, financière et judiciaire.Aucune politique publique pour mobiliser les compétences de la diaspora et faciliter le transfert des connaissances acquises au bénéfice du développement local.
Les Congolais de la diaspora sont traités comme des étrangers dans leur pays d’origine et souvent confrontés aux tracasseries administratives qui le découragent.
Reconnaitre la contribution de la diaspora à sa juste valeur
Les Congolais de l’étranger, de par leur nombre estimé à plus ou moins 7 millions, constituent un poids démographique et un soutien économique important.
Si l’on pouvait imaginer fictivement leur regroupement dans un territoire donné, ils seraient démographiquement parmi les cinq provinces les plus peuplées de la RD Congo; la première province qui aurait un taux de chômage le plus bas, un niveau de vie le plus élevé, un niveau d’éducation supérieur à la moyenne du pays, une population jeune et en bonne santé physique.
Globalement, elle serait la première province qui contribuerait énormément à l’économie, tant formelle qu’informelle, à soulager un tant soit peu la misère que connaît l’immense majorité de la population dans un pays qui est considéré comme un scandale géologique.
Ceci dit, pour pallier au désamour qui persiste entre le gouvernement congolais et sa diaspora, le premier doit, d’une part, reconnaitre sincèrement l’apport de la diaspora au maintien de la paix sociale, prendre en compte ses revendications et y apporter un début de solution.
Le second doit, d’autre part, reconnaitre que l’indignation seule ne suffit pas pour changer la situation au pays - telle qu’on aimerait bien qu’elle soit -, comprendre que la realpolitik nous oblige à reconnaitre le gouvernement qui engage l’Etat congolais - qu’on accepte ou non -, et à dialoguer avec lui dans un climat de confiance et de compréhension mutuelle pour trouver des solutions aux diverses préoccupations.
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Isidore Kwandja Ngembo, Politologue
Le Potentiel
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