dimanche 4 mai 2014

Et si les Barbares n’étaient pas ceux que l’on croit

 vendredi 2 mai 2014

L'idée de cet article m'est venue en écoutant une émission sur Alexandre le Grand... vu de Perse.

En Occident, Alexandre le Grand est considéré comme le conquérant civilisateur par excellence. En Iran, il n'en est rien. 


Au contraire, vu d'Iran, Alexandre est celui qui a détruit l'état iranien, qui a ruiné la civilisation perse pour la remplacer par des royaumes qui s’avéreront éphémères. 

Bref, vu d'Iran, Alexandre n'est pas un bâtisseur, il est un envahisseur, il est un destructeur, il est un barbare.

Bien sûr, l'idée qu'on se fait du Barbare est du Civilisé est relative. Elle dépend de votre culture, de votre histoire.Vu de Russie, Napoléon n'est pas un civilisateur !

Je pense cependant que l'on peut dépasser cette subjectivité et retenir des éléments objectifs, indépendants de l'observateur. 


Parce que l'Histoire, comme l'actualité qu'elle éclaire n'est pas que de la littérature. On peut aussi lui appliquer une démarche, une logique scientifique

C'est ce que je propose de faire dans cet article : redéfinir le Barbare au regard de l'Histoire, appliquer cette définition à l'actualité et en tirer pour nous, les conséquences, en particulier sur

 le choix de nos dirigeants.

 

Qui sont les Barbares.

Pour nous-mêmes, Européens, fils de Rome, le Barbare est celui qui détruit l'Empire constitué, l'Empire régulé par des lois.

Pour nous, le Barbare, c'est celui qui vit dans un pays aux frontières imprécises, qui un jour passera le Rhin ou le Danube, pour détruire notre bel état, cette jolie construction fondée sur des lois, aux limites nettes, à la civilisation brillante, riche au niveau matériel et artistique.

Le Barbare, c'est Odoacre, le Germain qui dépose le dernier Romain d'Occident.

Le Barbare, c'est Attila qui ravage le même empire peu avant sa destruction !

Nous pouvons donc tenter de définir le Barbare comme celui qui détruit un Empire stable et pérenne pour le remplacer par... le chaos.

En précisant et en élargissant la définition, le Barbare est celui qui essaye avec ou sans succès de détruire un un état bien constitué, déclinant ou non, pour le plonger dans le Chaos.

Cette définition s'applique très bien aux Barbares qui secouèrent l'Empire Romain d'Occident du 2em au 5em siècle, jusqu'à l'abattre ; mais elle s'applique aussi aux Barbares qui mirent à mal l'Empire Perse du 7em siècle ( lire l'excellent ouvrage de Tom Holland "In the shadow of the sword" à ce sujet ) ainsi qu'aux Mandchous et aux Mongols, entre autres, qui détruisirent la Chine.

En revanche elle ne s'applique pas aux habitants d'un pays qui, lors d'une guerre classique se contentent de vaincre un autre pays, sans remettre en cause son mode de fonctionnement.

Avec cette définition, les Français et les Anglais qui s'affrontent lors de la Guerre de Cent Ans ne sont pas Barbares ni les uns, ni les autres.

Et aujourd'hui.

La question qu'il faut se poser par rapport à la situation actuelle est simple : qui aujourd'hui détruit des états ; qui les remplace par le chaos ?

Poser la question, c'est y répondre !

Depuis 1990, pour rester dans l'actualité contemporaine, qui a détruit des états qui a installé le chaos ?

La Russie émergée des ruines de l'URSS n'a détruit aucun état.

L'Iran des ayatollahs n'a détruit aucun état.

La Chine n'a détruit aucun état, pas plus que l'Inde.

Ces pays ne sont pas irréprochables. On peut contester les méthodes des Russes en Tchétchénie ; l'absence de démocratie en Iran ou le comportement des Chinois au Tibet ; mais force est de reconnaître qu'aucun de ces pays, de ces états-empire n'a détruit de pays voisins pour les abandonner au chaos.

Qu'en est-il des États-Unis [et de leurs supplétifs] ?

Jusqu'en 2003, année de la deuxième guerre d'Iraq, les États-Unis ne détruiront aucun état. Georges Bush père, eut la sagesse, lors de la première d'Iraq de ne pas détruire l'état irakien d'alors.

Cependant, depuis 1975, année de la chute de Saïgon, l'inquiétude pouvait cependant apparaître.

Les États-Unis avaient montré au Viet-Nam que malgré une supériorité technique écrasante, ils pouvaient perdre une guerre faute d'installer un pouvoir crédible.

Cette incapacité des États-Unis à installer sur des terrains hostiles des pouvoir stables capables de se rallier à eux était le 1er indicateur susceptible de transformer l'Amérique d'une puissance conquérante, stabilisatrice et civilisatrice, ce qu'elle avait été en Europe et en Asie lors du deuxième conflit mondial, en puissance incontrôlée et destructrice.

Il marque un changement notable, un affaiblissement des USA, puisque ce qu'ils ne surent pas faire au Viet-Nam en perdant cette guerre, ils l'avaient réussi précédemment, au moins partiellement en Corée. Et la Corée du Sud adhère toujours aujourd'hui au modèle occidental.

Il est possible que Georges Bush père ait fait cette analyse et que ce soit la raison pour laquelle il ne détruisit par l'Iraq en 1991.

En 1999, les États-Unis triomphent dans la guerre du Kosovo. Leur victoire militaire quoique peu glorieuse vu la faiblesse de l'ennemi présent en face d'eux, fut incontestable.

Cependant, elle révéla deux faiblesses des États-Unis qui allait se révéler gravissimes par la suite.

Première faiblesse : il n'y eut pas d'engagement terrestre. La guerre fut gagnée uniquement par la destruction et le chantage à plus de destructions. 


Cela laissait mal présager des engagements futurs, ceux où il faudrait tenir dans la durée, des États-Unis et de leurs satellites de l'OTAN. Les faits avenir allaient confirmer ces écueils.

Deuxième faiblesse : comme en 1918, le vainqueur se révéla incapable de négocier en faisant une place au vaincu. 


La Serbie ne fut pas respectée, pas plus que la Russie et le Kosovo est devenu depuis, un point de fixation du Monde Orthodoxe contre le Monde Occidentale.

Cela signifie que l'issue de cette guerre ne fut nullement une avancée de la Civilisation Occidentale - contrairement à ce qui se produisit en Corée où l'Occident récupéra à son avantage, durablement la Corée du Sud, merci au Général Mac Arthur - . 


Aucun nouveau territoire, à l'issue de cette guerre n'intégra la système occidental, certainement pas le Kosovo déchiré entre mafia et islamistes. 

Au contraire, pour un gain minime, voire anecdotique la guerre a provoqué un rejet violent de l'Occident de la part des Orthodoxes !

Comme l'Allemagne de 1871 courait à sa perte en annexant l'Alsace Lorraine, annexion sans intérêt vital pour le Reich mais qui allait nourrir un ressentiment anti-allemand en France qui participerait à provoquer la première et par contrecoup la seconde guerre mondiale, l'arrachement du Kosovo au monde Orthodoxe provoque un accès de fixation. 


Vladimir Poutine l'a bien compris qui n'oublie jamais de rappeler ce précédent pour rassembler ses partisans à chaque fois qu'il déplace ces pions.

En 2000, donc, à l'issue de la guerre du Kosovo, on peut constater côté américain, les faiblesses suivantes :

incapacité d'inclure dans sa sphère d'influence des nouveaux territoires durablement en faisant adhérer les populations à leur projet de société (Viet-Nam, Kosovo, j'aurais pu aussi citer la Somalie. - 1993 -)

incapacité d'avancer face aux autres ensembles civilisationnels en encadrant politiquement ses conquêtes pour les faire accepter par autrui et devenir un pôle d'attraction, comme Rome aux moments où l'Empire s'étendait.

Les années suivantes allaient tristement confirmer et amplifier ces incapacités.

En 2001 en Afghanistan, en 2003 en Iraq, en 2011 en Libye, l'Occident mené par les États-Unis va déclencher trois guerres qui vont se solder par la destruction de trois états qui vont plonger définitivement dans le chaos.

Ajoutez à cela, le précédent heureusement avorté de la Syrie que Washington et Paris voulaient écraser sans aucun plan crédible de prise de contrôle du territoire syrien – notez que le CNS (Conseil National Syrien) reconnu par la France et les USA étaient alors dirigé par M. Georges Sabra... un communiste ! 


Je vous laisse imaginer la légitimité d'un communiste au milieux d'un conflit opposant les minorités chiites et chrétienne aux intégristes sunnites ! Nous étions en plein délire. -

Ajouter à cela, le jeu bizarre de l'Occident qui, depuis l'effondrement de l'URSS jusqu'à aujourd'hui n'a de cesse de gêner ou d'enfermer la Russie sans plus obtenir de gains territoriaux autres que ceux qu'il obtint juste après l'effondrement de l'URSS et vous trouvez une Amérique qui avec ses alliés, répond bien, à la définition que nous avons donné des Barbares :
le Barbare est celui qui essaye avec ou sans succès de détruire un un état bien constitué, déclinant ou non, pour le plonger dans le Chaos.

Dans les états détruits d'Afghanistan, d'Iraq ou de Libye, il n'y a pas de construction de la part des États-Unis et de leurs alliés - je les oublie souvent, tant leur rôle est mineur, excusez-moi - , juste de la destruction, de la prédation. 


Dans la politique russe des États-Unis et de leurs alliés, il en va de même. Il n'y a pas de projet occidental autre que de mettre la Russie et les Russes à genoux.

Pourquoi les Russes ?

Aujourd'hui, à l'abri du parapluie militaire de l'OTAN, 14% de la population de Lettonie, principalement russophone est privé de la nationalité lettone et ces 290.000 personnes sont des citoyens de second-ordre.

A cela, ni Washington ni Bruxelles ne trouvent rien à redire. Comme en Ukraine on est dans la destruction.

Humilier les Russes, pourquoi faire ? 


Retirer à presque 300.000 habitants de l'Union Européenne un droit élémentaire de la déclaration des Droits de l'Homme, précisémment celui de l'article 15, « Tout individu a droit à une nationalité », vouloir réitérer cette ineptie dans le cœur historique de la Russie, en Ukraine en applaudissant un gouvernement qui interdit la langue russe, bref vouloir humilier et ré-humilier Russes et Russophones, en violation complète des principes des droits des peuples qu'on prétend défendre à quoi cela sert-il ? 

Quel est le projet derrière ? Qu'est-ce que cela apporte à la Civilisation Européenne ? Désigner un bouc émissaire ? Un bouc émissaire qui dispose de 45.000 armes nucléaires ?

On est plus dans la Barbarie, on est dans la Crétinerie !

En conclusion

La Civilisation, l'Empire est un ensemble d'hommes et de femmes qui ont des valeurs qu'ils défendent ou qu'ils propagent.

Mais un ensemble comme les Etats-Unis et leurs alliés inféodés qui est incapable de faire avancer ses propres valeurs, de les défendre sur son sol même (nous n'en avons pas parlé mais cela mériterait un article complet en soi, je pense aux « Français » de nos banlieues partis faire le Djihad en Syrie), qui ne peut que détruire, sans construire, humilier sans faire adhérer, casser sans jamais négocier ni stabiliser n'est pas un empire, c'est un royaume ou un conglomérat de royaumes barbares et dans ce sens, les USA d'aujourd'hui avec leurs excroissances militaires et économiques à savoir l'OTAN et l'UE, sont dans ce schéma.

Les USA et les gouvernements qui leur sont soumis ont été, jusqu'aux années 70/90 un ensemble civilisationnel capable de rayonner et d'attirer à eux. Aujourd'hui, ils sont destructeurs.

Ils sont devenu les Barbares.

Rien n'oblige la France à prolonger ce schéma. Elle peut renouer avec la Civilisation, arrêter de détruire pour détruire, comme elle a encore voulu le faire en Syrie, et repenser ses alliances.

Cela dépend de nous, car au final, c'est nous qui choisissons nos dirigeants.
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Le Kergoat

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