27 mai 2014
Véritable mer intérieure, avec une superficie de 2700 km2, le lac Kivu fascine ses riverains par sa beauté autant qu’il les terrifie par ses colères et par les menaces qu’il représente.
Voici huit jours encore, une tempête subite, soulevant des vagues hautes comme des maisons, a emporté 14 des passagers de la navette qui, plusieurs fois par jour, relie Goma et Bukavu….
Avec les plantations de café qui courent jusqu’aux rivages, les verts pâturages du Masisi qui ourlent l’horizon, le lac Kivu, né de l’éruption volcanique qui a créé le massif des Virunga, n’a de paradisiaque que son apparence.
Car, à part le « fretin », des poissons minuscules que les femmes vendent dans de hauts paniers, il n’est propice ni à la pêche ni à la baignade : les hauts fonds qui se creusent jusqu’à 470 mètres de profondeur à quelques brasses de la côte découragent les nageurs et des émanations de gaz risquent d’étourdir les imprudents.
Mais surtout, le lac Kivu représente une véritable bombe pour les deux millions de Rwandais et de Congolais qui vivent près de ses côtes.
En effet, dans le fond du lac s’est accumulée une quantité considérable de gaz méthane, provenant de la transformation du CO2 libéré par les roches volcaniques et par les bactéries issues de la végétation enfouie lors de l’éruption volcanique originelle et transformées depuis.
Selon certaines estimations, le lac recouvrirait entre 250 et 300 km 3 de CO2 et entre 55 et 60 Km3 de méthane retenus à 300 mètres de la surface.
Jusqu’à présent, ces énormes réserves de gaz n’avaient pas inquiété les riverains. Jusqu’à ce que le « retournement » du lac Nyos au Cameroun, en 1986, qui avait fait 1700 morts, n’attise les inquiétudes : il apparaît en effet que la production de méthane dans les sédiments du lac est en augmentation et que le réchauffement climatique aggrave le risque de voir le méthane remonter un jour à la surface via les cheminées volcaniques.
Or les réserves de méthane et de CO2 du lac Kivu représentent plus de 300 fois les réserves du lac Nyos…
En janvier 2002 déjà, lorsque 106 mètres cubes de lave s’étaient déversées dans le lac à la suite de l’éruption du volcan Nyiragongo qui avait partiellement détruit Goma, on avait craint que ce flux de lave brûlante soulève le méthane des profondeurs.
En réalité, plus qu’une éruption volcanique, c’est un tremblement de terre, provoquant des mouvements d’eau vers le haut, qui pourrait provoquer une libération brutale des gaz se traduisant en surface par des explosions mortelles.
Depuis une dizaine d’années, les chercheurs et les prospecteurs ont essayé de transformer la menace en bénédiction. En effet, s’il était exploité, le gaz méthane pourrait répondre aux besoins énergétiques de cette région en pleine expansion.
Depuis plusieurs années, une compagnie américaine, Contour Global, a mis en place une barge à 13 km de la berge.
Depuis cette petite tour, que l’on contemple avec envie depuis Goma, les eaux profondes sont aspirées et le méthane qui en est extrait est utilisé comme bio carburant dans une centrale électrique d’une puissance de 25 mégawatts tandis que le CO2 est réinjecté en profondeur.
S’il se poursuit avec succès, le projet Kivuwatt pourrait représenter un premier pas vers l’indépendance énergétique du Rwanda, une urgence dans un pays qui mise sur les télécommunications et les services.
A terme, l’extraction du méthane pourrait alimenter plusieurs centrales totalisant une puissance de 100 mégawatts, bien davantage que la mise en place du projet de barrage sur la rivière Ruzizi qui coule en direction du lac Tanganyika.
Chercheurs et industriels souhaiteraient que Congolais et Rwandais s’associent pour une exploitation commune du méthane, ce qui résoudrait les problèmes d’énergie aussi cruciaux au Nord et au Sud Kivu qu’au Rwanda.
Mais le contexte politique ne pousse pas encore les Congolais à s’avancer dans cette direction et depuis Goma et Bukavu on se contente encore de dénoncer l’esprit d’entreprise des voisins…
Sans oublier les Cassandre qui rappellent qu’une exploitation éventuelle ne serait pas sans risques : de mauvaises manipulations, une mauvaise mise en place des installations pourraient elles aussi provoquer la libération incontrôlée des gaz et leur explosion fatale…
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Le carnet de Colette Braeckman
Véritable mer intérieure, avec une superficie de 2700 km2, le lac Kivu fascine ses riverains par sa beauté autant qu’il les terrifie par ses colères et par les menaces qu’il représente.
Voici huit jours encore, une tempête subite, soulevant des vagues hautes comme des maisons, a emporté 14 des passagers de la navette qui, plusieurs fois par jour, relie Goma et Bukavu….
Avec les plantations de café qui courent jusqu’aux rivages, les verts pâturages du Masisi qui ourlent l’horizon, le lac Kivu, né de l’éruption volcanique qui a créé le massif des Virunga, n’a de paradisiaque que son apparence.
Car, à part le « fretin », des poissons minuscules que les femmes vendent dans de hauts paniers, il n’est propice ni à la pêche ni à la baignade : les hauts fonds qui se creusent jusqu’à 470 mètres de profondeur à quelques brasses de la côte découragent les nageurs et des émanations de gaz risquent d’étourdir les imprudents.
Mais surtout, le lac Kivu représente une véritable bombe pour les deux millions de Rwandais et de Congolais qui vivent près de ses côtes.
En effet, dans le fond du lac s’est accumulée une quantité considérable de gaz méthane, provenant de la transformation du CO2 libéré par les roches volcaniques et par les bactéries issues de la végétation enfouie lors de l’éruption volcanique originelle et transformées depuis.
Selon certaines estimations, le lac recouvrirait entre 250 et 300 km 3 de CO2 et entre 55 et 60 Km3 de méthane retenus à 300 mètres de la surface.
Jusqu’à présent, ces énormes réserves de gaz n’avaient pas inquiété les riverains. Jusqu’à ce que le « retournement » du lac Nyos au Cameroun, en 1986, qui avait fait 1700 morts, n’attise les inquiétudes : il apparaît en effet que la production de méthane dans les sédiments du lac est en augmentation et que le réchauffement climatique aggrave le risque de voir le méthane remonter un jour à la surface via les cheminées volcaniques.
Or les réserves de méthane et de CO2 du lac Kivu représentent plus de 300 fois les réserves du lac Nyos…
En janvier 2002 déjà, lorsque 106 mètres cubes de lave s’étaient déversées dans le lac à la suite de l’éruption du volcan Nyiragongo qui avait partiellement détruit Goma, on avait craint que ce flux de lave brûlante soulève le méthane des profondeurs.
En réalité, plus qu’une éruption volcanique, c’est un tremblement de terre, provoquant des mouvements d’eau vers le haut, qui pourrait provoquer une libération brutale des gaz se traduisant en surface par des explosions mortelles.
Depuis une dizaine d’années, les chercheurs et les prospecteurs ont essayé de transformer la menace en bénédiction. En effet, s’il était exploité, le gaz méthane pourrait répondre aux besoins énergétiques de cette région en pleine expansion.
Depuis plusieurs années, une compagnie américaine, Contour Global, a mis en place une barge à 13 km de la berge.
Depuis cette petite tour, que l’on contemple avec envie depuis Goma, les eaux profondes sont aspirées et le méthane qui en est extrait est utilisé comme bio carburant dans une centrale électrique d’une puissance de 25 mégawatts tandis que le CO2 est réinjecté en profondeur.
S’il se poursuit avec succès, le projet Kivuwatt pourrait représenter un premier pas vers l’indépendance énergétique du Rwanda, une urgence dans un pays qui mise sur les télécommunications et les services.
A terme, l’extraction du méthane pourrait alimenter plusieurs centrales totalisant une puissance de 100 mégawatts, bien davantage que la mise en place du projet de barrage sur la rivière Ruzizi qui coule en direction du lac Tanganyika.
Chercheurs et industriels souhaiteraient que Congolais et Rwandais s’associent pour une exploitation commune du méthane, ce qui résoudrait les problèmes d’énergie aussi cruciaux au Nord et au Sud Kivu qu’au Rwanda.
Mais le contexte politique ne pousse pas encore les Congolais à s’avancer dans cette direction et depuis Goma et Bukavu on se contente encore de dénoncer l’esprit d’entreprise des voisins…
Sans oublier les Cassandre qui rappellent qu’une exploitation éventuelle ne serait pas sans risques : de mauvaises manipulations, une mauvaise mise en place des installations pourraient elles aussi provoquer la libération incontrôlée des gaz et leur explosion fatale…
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Le carnet de Colette Braeckman
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