lundi 2 juin 2014

L’assassinat de Lumumba et le ‘larbinisme suicidaire’ pour le Congo

le mercredi 28 mai 2014



De notre humble point de vue, lutter contre la peur et le syndrome du larbin provoqués par l’usage irrationnel de la force au Congo de Lumumba peut participer, dans une large mesure, d’une thérapie collective dont ce pays a besoin pour être refondé sur de nouvelles bases. Ses lieux de refondation peuvent être l’école, l’université et les églises. 


Mais une école, une université et des églises refondées sur des croyances et des valeurs humanistes partagées localement et universellement. La famille peut y être ajoutée. 

La famille, l’école, l’université et les églises peuvent être repensées en tant que structures sociales prenant une part active à la re-création d’un autre Congo dans une lutte permanente d’émancipation politique contre les forces du statu quo ; sur le temps.

L’assassinat de Lumumba le 17 janvier 1961 peut être considéré un ‘’événement profond’’[1] engageant plusieurs services secrets des pays occidentaux et leurs complices congolais. 


L’étudier en profondeur demeure, à nos yeux, un ouvrage à remettre régulièrement sur le métier. Pourquoi ? Un ‘’ événement profond’’ est toujours porteur d’un message de déstabilisation et de soumission des politiciens et des peuples qu’il implique. 

A notre avis, plusieurs filles et fils du Congo de Lumumba n’en ont pas encore tiré toutes les conséquences, eu égard à la peur et au syndrome du larbin qu’il a engendrés (dans les cœurs et dans les esprits).

Le syndrome du larbin est ce culte conscient (et/ou inconscient ?) que certains individus vouent à leurs bourreaux ou à ceux de leurs peuples au point d’en devenir des ‘esclaves heureux’. 


Il peut résulter d’un viol de l’imaginaire lié aux facteurs éducatifs ou médiatiques conduisant au décervelage ou à la lobotomisation. Il peut induire un complexe d’infériorité poussant les larbins à ne se voir que comme leurs bourreaux les voient tout en prenant la défense de ces derniers. Insistons. 

L’école, l’université et les églises jouent un rôle important dans la naissance et la maturation de ce phénomène. 

Lieux de fabrications de la pensée et des croyances, l’école, l’université et les églises peuvent enchaîner la pensée[2], la rendre esclave de certains dogmes et de certaines croyances dominantes[3].

Ceux et celles d’entre nous qui ont entendu parler des ‘’Chicago boys’’ connaissent (ou devraient connaître) le rôle jouer par le professeur Milton Freedman dans ‘’la montée d’un capitalisme du désastre’’[4] dans plusieurs pays latino-américains et dans les crimes qui lui sont liés.

Etudier l’assassinat de Lumumba dans sa dimension d’’’événement profond’’ et lutter contre le syndrome du larbin peut participer de la thérapie collective dont le Congo a besoin pour repartir sur de nouvelles bases. 


Celles-ci devraient avoir comme fondations solides la famille, une école, une université et des églises refondées sur des valeurs humanisantes (ou humanistes). 

Cette refondation peut faire appel à plusieurs approches de ces lieux de la fabrication de la pensée, des dogmes et des croyances. A notre humble avis, l’approche théorico-académique ne devrait pas être négligée.

Cette refondation ne devrait pas faire l’économie de la re-visitation et de la réécriture de l’histoire congolaise en prenant appui, de temps en temps, sur celles des pays impliqués dans l’assassinat de Lumumba.

Un exercice difficile ! Coûteux en argent, en énergie et en temps. Se documenter, s’asseoir, lire, relire et essayer de comprendre…Un exercice difficile. 


D’où l’importance de créer des collectifs de la pensée congolaise (interconnectés) tournés vers la refondation du Congo de demain. Le coup de pouce donné par les médias alternatifs congolais dans ce sens est déjà louable. 

Mais il faudrait aux minorités congolaises organisées en conscience un effort supplémentaire pour aller plus loin.

Dans une approche refondatrice du Congo du point de vue de la réécriture de l’histoire, les critiques de la pensée occidentale dominante et les promoteurs des valeurs humanistes nous sont souvent sympathiques. 


Pour certains d’entre eux, les fonctions occupées dans leurs pays respectifs, leurs engagements politiques et citoyens, la documentation à laquelle ils recourent et les propositions qu’ils font pour un monde solidaire ont souvent retenu notre attention de ‘’relayeur’’.

Pour revenir au cas de l’assassinat de Lumumba par ‘’le camp capitaliste’’, certaines remises en question des croyances et des dogmes que ce camp a propagés peuvent participer, de l’une ou de l’autre façon, de la thérapie collective congolaise. 


En plus des auteurs cités dans ce texte, il y a Paul Graig Roberts. Qui est-il ? 

Quel est son parcours US ? 

Paul Graig Roberts connaît les USA de l’intérieur. Il a occupé la Chaire d’économique politique William E. Simon. Pendant une douzaine d’années, il a travaillé au Centre d’études stratégiques et internationales. Il fut secrétaire Adjoint au Trésor et rédacteur adjoint de Wall Street Journal.

Dans un récent article intitulé ‘’Why War Is Inevitable’’[5] du 26 mai 2014, Paul Graig Roberts montre, avec preuves à l’appui, qu’aucune guerre menée par les USA ne l’a été pour une Amérique libre. 


Toutes les guerres made in USA ont contribué à la restriction des libertés civiles des Américains, à l’extermination des tranches faibles des populations des pays attaqués (femmes, vieillards et enfants) et participé de l’enrichissement des banquiers, de la montée en puissance de Washington et de l’accumulation des profits des entreprises américaines et surtout de celle de l’armement. 

Cette vérité difficile à supporter est souvent prise en otage par des discours de bonnes intentions créant une fausse réalité[6]. En d’autres termes, les discours officiels contribuent à décervelage des populations dont les libertés sont enchaînées. 

Et partant du Président Lincoln jusqu’à Obama, Paul Graig Roberts étaye cette vérité à partir des faits. Et à son avis, le soutien US à l’Ukraine pourrait aboutir inévitablement à une guerre contre la Russie. (Paul Graig Roberts serait-il un anti-américain primaire ? Nous ne croyons pas.)

Lire l’assassinat de Lumumba en prenant appui sur de l’histoire immédiate US aide à comprendre que notre héros national a été tué pour que les élites dominantes anglo-saxonnes et leurs alliés fassent main basse sur les ressources du sol et du sous-sol congolais. 


Le motif officiel utilisé pour cet assassinat fut son appartenance au camp communiste alors qu’il n’en était pas question.

Aujourd’hui encore, défendre les idées de Lumumba sur la gestion souveraine et maîtrisée des terres africaines et de leurs réserves minérales, lutter contre les politiques d’assujettissement et d’abâtardissement, lutter contre l’hégémonie impérialiste et néolibérale peut coûter cher aux ‘’marxistes-léninistes’’ congolais ou aux ‘’membres supposés du PTB d’origine congolaise’’. 


Comme si l’histoire passée ne passait pas ! D’où la peur, les complicités internes et le syndrome du larbin chez certains compatriotes. 

Cependant, il est possible de les vaincre en évitant les erreurs du passé et en apprenant des autres sans penser à reproduire leur modèle. Oui. Apprendre des autres est possible. Surtout des peuples du Sud dont l’histoire est proche de la nôtre.

Un exemple. Lula, l’ex-président brésilien, fort de son passé de syndicaliste, a réussi à ne pas baisser son pantalon devant les Présidents occidentaux au cours de son mandat et a créé une dauphine qui a su résister à Obama dans l’affaire NSA. 


Dilma Rousseff a appris de Lula à ne pas céder aux chantages de ‘’faiseurs des rois’’. Dans une adresse aux Présidents africains en 2011, Lula, se référant à ce qui se passait en Libye et en Côte d’Ivoire, avait attiré leur attention sur les interférences dangereuses de la France et des USA. 

Il les avait accusés d’être avides et assoiffés de pouvoir, de trahir leurs propres peuples et d’être à la solde d’un Occident saccageant le continent noir et décimant sa souveraineté. Il leur avait adressé ‘’une parole vraie’’ tout en leur demandant d’éviter de baisser leur pantalon devant ‘’les maîtres du monde’’ dont plusieurs d’entre eux étaient des ‘’créatures’’. 

Un dialogue entre les peuples du Sud et une relecture partagée de notre commune histoire peut faciliter un apprentissage porteur d’un autre avenir pour le Congo, l’Afrique et le monde. Cet apprentissage devrait se faire en famille, à l’école, à l’université et dans les églises (surtout dans les communautés de base œcuméniques et à taille humaine) repensées comme structures sociales de reformatage humaniste du citoyen et de la citoyenne. 

D’autres lieux peuvent être inventés pour atteindre le même objectif ; et surtout la création d’un imaginaire alternatif.
___________________
Mbelu Babanya Kabudi

Congoone

[1] Sur cette notion, le livre de Peter Dale Scott intitulé La machine de guerre américaine. La politique profonde, la CIA, la drogue, l’Afghanistan,…Paris, Demi-Lune, 2012, reste une référence incontournable.

[2]Lire attentivement S. GEORGE, La pensée enchaînée. Comment les droites laïque et religieuse se sont emparées de l’Amérique, Paris, Fayard, 2007.

[3] Lire S. GEORGE, Cette fois-ci, en finir avec la démocratie. Le rapport Lugano II, Paris, Seuil, 2011.

[4] Lire N. KLEIN, La stratégie du choc. La montée du capitalisme du désastre, Actes Sud, 2008.

[5] http://www.informationclearinghouse.info/article38612.htm

[6] Voici comment il rend les choses en anglais : ‘’The speeches are well-intentioned, but the speeches create a false reality that supports ever more wars. None of America ’s wars had anything to do with keeping America free. To the contrary, the wars swept away our civil liberties, making us unfree.’’ Ce texte fait penser au titre du très instructif livre de N. CHOMSKY, La doctrine de bonnes intentions.

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