lundi 2 juin 2014

Joseph Kabila s’est mis à dos la communauté internationale

le lundi 2 juin 2014 


 

Joseph Kabila a longtemps caché son jeu. Il a fini par abattre ses cartes devant les ambassadeurs accrédités à Kinshasa qu’il a réunis au Palais de la nation, le 31 mai dernier.

Ses propos aux diplomates, en présence de Martin Kobler, le représentant spécial du secrétaire gé- néral des Nations-Unies en RDC, transpirent d’un bout à l’autre la volonté d’un homme pas du tout disposé à passer la main en 2016. 


Un homme plutôt prêt à tout pour se maintenir au pouvoir qu’importe qu’il faille affronter la communauté internationale. 

Quand le commu- niqué officiel signé Lambert Mende fait état de la «mise en priorité du recensement et de l’identification... de la population congolaise qui conditionnent... de bonnes élections», c’est bien clair que le président fin mandat en 2016 ne pense pas se soumettre au délai-butoir du 19 décembre. 

Légitime que Kabila revendique un recensement mais à quand son organisation pour pré- venir que cette opération ne vienne entraver le processus électoral? 

Aujourd’hui qu’il en parle en public, presque tous comprennent que c’est bien lui qui a mis la même conditionnalité dans la bou- che de l’abbé Apollinaire Ma- lumalu Muholongu lors de la publication du calendrier électoral des élections urbaines, municipales et locales. 

Encore que la loi ne parle nulle part d’un quelconque recensement mais plutôt des «données démographiques actualisées». Soit. Joseph Kabila a bénéficié lui-même de deux mandats sans qu’il ne se préoccupe le moins du monde d’organiser un récencement. 

Comme si dans la précédente loi, il n’était pas fait mention de l’exigence de mêmes «données démographiques actualisées». 

D’où vient ce soudain souci de chercher à bien faire comme si après lui, il n’y aura personne pour poursuivre l’oeuvre de l’Etat entamé de- puis l’indépendance en 1960. 

Les diplomates en étaient à s’interroger mais plus encore sur le ton que le locataire du Palais de la nation a emprunté pour s’adresser à son auditoire.

Il leur a fait prati- quement des remontrances, accusant Kobler sans le citer nommément d’ingérence dans les affaires intérieures de la RD-Congo en raison de son initiave pour une table- ronde entre la majorité et l’opposition sur le calendrier électoral. 


«...Le Président de la République a rappelé que le Comité international d’accompangnement de la transition... a cessé d’exister depuis 2006 et que la RDC, pays souverain qui n’est pas en crise institutionnelle ne peut accepter la réédition, même sous une autre forme, du défunt CIAT qui ne fut pas une expérience très heureuse», note le compte-rendu de Mende assimilé à Tarek Aziz, l’homme le plus médiatique en fin de règne de Saddam Hussein. 

Ces déclarations sont faites soixante douze heures avant l’arrivée de Russ Feingold à Kinshasa muni d’un agenda pour rencontrer les ténors de l’opposition, notamment Vital Kamerhe, Samy Badibanga, Martin Fayulu et autres. 

Peut-être aussi Bruno Mavungu, le secrétaire général de l’UDPS en compagnie de son secrétaire national chargé des relations extérieures, Félix Tshisekedi.

C’est donc clair que c’est à l’envoyé spécial du Président Barack Obama que Joseph Kabila s’est adressé. Comme celui-ci n’a pas sa langue dans poche, son séjour promet une escalade entre Kinshasa et Washington. 


Déjà que Kobler avait fait savoir à un bonze de la majorité mécontent que la commu- nauté internationale est libre de rencontrer qui elle veut et quand elle veut. 

Voilà la confrontation longtemps différée entre une communauté internationale -Américains en tête- intraitable sur le respect de la Consti- tution en 2016 et un Kabila entrain de jouer au malin sur ses réelles intentions qui se dessine. 

A partir de maintenant, la tension ira crescendo avec un Kabila déterminé désormais à demeurer par défi. A l’image de la Côte d’Ivoire où Laurent Gbagbo avait pris soins de commencer par s’aliéner les chefs de mission diplomatique occidentaux, notamment l’am- bassadeur de France. 

Il a fini à la Cour pénale internationale, un sort beaucoup plus triste que celui d’un autre partisan d’un pouvoir éter- nel, Abdoulaye Wade à qui le peuple sénégalais a donné une gifle mémorable. 

Kabila qui fait des leçons à la communauté internationale se prend le pied dans le tapis lorsqu’il parle de sa propre gouvernance. Dans son discours, tout est entrain de se faire et rien n’est accompli.

Il dit des Concertations nationales qu’elles ont abouti à une série de résolutions «en cours ou en voie d’application», notamment la loi d’amnistie. 


Ce qu’il ne dit pas, c’est que les Congolais attendent depuis huit mois la matérialisation de sa promesse sur la mise en place d’un gouvernement de cohé- sion nationale. 

Il ne dit pas non plus combien de temps il lui faudra pour la mise en oeuvre de l’ensemble de 699 recommandations pondues au Palais du peuple. 

Kabila a mis directement en cause les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Belgique sur le phénomène «combattant». 

Libre à lui de se plaindre des agressions physiques attribuées aux «combattants» mais que ceux-ci décident de manifester contre le régime à Bruxelles ou à Paris, un gouvernement démocratique n’y peut rien, sauf à encadrer les manifestants.

Une plainte en signe d’aveu d’échec là où des apprentis sorciers ont longtemps sai- gné le régime sous prétexte de financer une autre dias- pora, celle-là pro-Kabila. 


Qui ne se souvient pas de la fameuse marche organisée à l’initiative de Badivé et Rita Bola diffusée en boucle dans les médias pro-régime. 

Avec la dernière sortie de Joseph Kabila qui avait déjà, lors d’une autre sortie à Kinga- kati, regretté de n’avoir pas saisi la victoire des FARDC sur le M-23 pour faire partir la MONUSCO, plus rien ne sera comme avant dans les relations avec la communauté internationale. 

La ligne rouge a été franchie et le ton donné en préfiguration du très fatidique 2016.

(Lire le Communiqué officiel publié à l’issue du face-à-face Joseph Kabila et les diplomates)
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m. kepa

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