lundi 21 juillet 2014

Chaises musicales en Afrique centrale: qui bougera le premier?

20 juillet 2014

Confrontés aux mêmes échéances, ils se surveillent du coin de l’œil et ne pipent mot sur leurs intentions réelles… 

Les trois chefs d’Etat des pays de l’Afrique des Grands Lacs, République démocratique du Congo, Rwanda et Burundi, bien installés au pouvoir, se trouvent tous dans une période étrange : leur mandat se termine, la Constitution de leur pays leur interdit de se représenter et…le silence absolu règne autant sur leurs intentions réelles que sur l’identité de leurs éventuels successeurs. 

                                            photos jeune afrique

Cette ambiguïté fait monter la tension politique, autorise toutes les spéculations et porte en germe un fort potentiel de violence. En outre, au Congo et au Burundi, les pressions internationales se multiplient, car ces deux pays sont considérés comme relativement fragiles.

C’est au Burundi que les inquiétudes sont les plus vives, depuis qu’un rapport de la Binub, la mission de l’ONU au Burundi, a révélé que le parti au pouvoir, le FDD CNDD (Comité national pour la défense de la démocratie) qui organise depuis longtemps ses jeunes militants en groupes de sportifs, était passé à la vitesse supérieure : les Imbonerakure apparaissent désormais comme une sorte de milice paramilitaire, ils font régner la peur dans les campagnes et surtout, des armes et des uniformes leur auraient été distribués ! 

Malgré les démentis officiels, il se confirme que les durs du parti, d’anciens rebelles issus de la lutte armée, n’entendent pas laisser le président Nkurunziza abandonner le pouvoir sans essayer d’imposer un troisième mandat. 

Ils assurent que le premier a été exercé avant la conclusion des accords de paix d’Arusha et que le mandat actuel est donc le premier obtenu dans le cadre de la nouvelle Constitution, ce qui signifie que le chef de l’Etat pourrait se présenter pour un autre terme…

Une telle interprétation est vivement contestée par l’opposition et le Parlement l’a mise en échec. C’est pourquoi d’aucuns redoutent que les tenants de la majorité présidentielle recourent à la violence et à l’intimidation, afin de persuader les électeurs de ne pas s’aventurer à « mal » voter.

A Bujumbura, le climat politique se durcit : l’un des plus respectés des défenseurs des droits de l’homme, André Mbonimpa, a été arrêté, des journalistes sont réprimés et l’inquiétude gagne du terrain. Mais aujourd’hui, la crainte d’affrontements interethniques, entre Hutus et Tutsis, a cédé la place à des rivalités entre partis hutus. 

En effet, les accords de paix ont désamorcé les tensions ethniques en réservant des places garanties au groupe minoritaire des Tutsis : les Hutus gouvernent certes, mais les Tutsis sont représentés à tous les échelons politiques et militaires et se voient garantir une certaine sécurité. 

Par contre, d’autres formations, majoritairement composées de Hutus (le Frodebu, Front pour la démocratie au Burundi) et le FNL (Front national de libération) estiment que la formation du président Nkurunziza se comporte de plus en plus comme un parti unique, raflant la plupart des postes et des avantages du pouvoir.

Si l’opposition est vive dans la capitale, les paysans, quant à eux, soutiennent encore le parti au pouvoir, car, fait sans précédent dans l’histoire du pays, le président multiplie les séjours à l’intérieur du pays et a pris des mesures sociales spectaculaires, dont la gratuité de l’accès aux soins pour les femmes enceintes et l’ouverture de l’accès à l’enseignement primaire.

Si au Burundi les tensions préélectorales s’affichent ouvertement, au Rwanda par contre, où le deuxième et, en principe, dernier mandat du président Kagame se termine en 2017, le sujet n’est pas à l’ordre du jour. 

Officiellement tout au moins, car en réalité il ne laisse personne indifférent. Voici un an encore, les milieux officiels assuraient que le Rwanda, élève modèle, respecterait le prescrit de la Constitution et que le président céderait la place à un successeur discrètement préparé depuis longtemps, ces assurances se sont faites moins fortes. 

Le chef de l’Etat, refusant de se prononcer sur la question, a assuré que « si le peuple le lui demandait » il pourrait demeurer aux commandes et il n’a pas exclu la possibilité d’une révision de la Constitution.

Il est vrai qu’une certaine nervosité règne en ce moment au Rwanda : le meilleur contrôle de la frontière avec le Kivu a fortement réduit le flux de minerais et surtout, Kigali s’inquiète de mouvements militaires qui en principe devraient plutôt rassurer. 

Il apparaît en effet que les ex rebelles hutus, rassemblés au sein des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), qui se trouvent au Congo depuis 1994, sont en train de déposer les armes, de se regrouper dans des centres de transit avant, en principe, d’être envoyés dans d’autres provinces congolaises, loin de la frontière. 

Quelque 1700 hommes sont déjà arrivés à Kisangani, où ils sont hébergés dans un camp militaire bien gardé, au vif déplaisir des populations locales qui ne cachent pas leur inquiétude. 

Mais Kigali redoute un « coup tordu » et se méfie de la Monusco (Mission des Nations unies au Congo) et surtout de la Brigade d’intervention africaine composée de 3000 hommes venus du Malawi, d’Afrique du Sud et de Tanzanie. 

Les relations sont en effet très mauvaises entre Paul Kagame et son homologue tanzanien Jakaya Kikwete qui conseille un « dialogue interrwandais » par lequel le Front patriotique rwandais, au pouvoir depuis vingt ans, discuterait avec ceux qu’il considère toujours comme des « génocidaires ». 

En outre, malgré l’opacité du système, le FPR redoute l’influence des opposants exilés en Afrique du Sud, le général Kayumba, ancien chef d’état major et ¨Patrick Karegeya, ancien chef des renseignements, assassiné dans un hôtel de Pretoria le 31décembre dernier. 

Leur parti, le RNC, (Congrès national rwandais) garde des contacts à l’intérieur du Rwanda ainsi qu’avec les groupes armés demeurant au Congo. Face à ces incertitudes, nombre de Rwandais estiment peu probable que le président Kagame lâche les rènes et, malgré le remarquable développement du pays, la crainte de développements violents n’a pas disparu…

Discrétion et répression au Burundi, silence inquiet au Rwanda… Tout autre est le climat à Kinshasa, où le calendrier électoral est le principal sujet de conversation.

Président de la Commission électorale indépendante, l’abbé Appolinaire Malu Malu a déjà rendu public le calendrier des scrutins à venir, les élections locales, provinciales, sénatoriales. 

Ces élections sont importantes car elles vont conforter la base de la » pyramide démocratique » et permettre l’émergence d’une nouvelle classe politique. Elles seront coûteuses également et vont requérir un matériel sophistiqué (il est même question de retransmettre les résultats par satellite vers un serveur central, afin de dissiper tout soupçon de fraude). 

Mais les bailleurs de fonds potentiels n’ont pas encore annoncé de soutien financier, alors que le coût global de l’exercice est estimé à 750 millions de dollars. 

En réalité, l’opinion tant intérieure qu’extérieure, n’a les yeux fixés que sur une seule échéance : le président Kabila se représentera-t-il ou non pour un troisième mandat ? 

Pour cela, il faudrait que l’Assemblée nationale fasse sauter l’article 220 de la Constitution, qui prévoit l’exercice de deux mandats au maximum. 

Déjà les « envoyés spéciaux » de la communauté internationale, représentant les pays membres du Conseil de sécurité, se sont prononcés contre une éventuelle modification de la Constitution et les bailleurs éventuels ont assuré qu’ils ne libérerait les fonds qu’au vu du calendrier global des élections et d’une politique « consensuelle ». 

Autrement dit, ils récusent d’avance une manœuvre que beaucoup soupçonnent : sans que la Constitution soit modifiée, l’élection présidentielle, venant après toutes les autres, serait retardée. 

Le mandat actuel du président Kabila serait ainsi prolongé pour une certaine durée, pour des raisons de budget et l’organisation. Cette seule perspective met l’opposition en émoi tandis que les pressions internationales suscitent un agacement visible à Kinshasa : « comme partout dans le monde, c’est la commission électorale indépendante, et elle seule, qui fixera le calendrier des élections » assène l’abbé Malu Malu tandis que le Premier Ministre Matata Ponyo, qui doit budgétiser le coût du prochain scrutin, assure que « les élections, c’est avant tout l’affaire des Congolais et d’eux seuls… »

Cette incertitude sur l’échéance électorale s’ajoute à un autre suspense : en principe le gouvernement dirigé par Matata Ponyo est démissionnaire et en affaires courantes et une autre équipe devrait prendre la relève, dans laquelle se retrouveraient des membres de l’opposition. 

Mais surtout le nouveau gouvernement, censé être « consensuel » serait chargé de préparer les élections. Autrement dit, si manœuvre il y a, l’opposition ou une partie d’entre elle, devrait y être associée, ce qui suppose de nombreuses tractations préliminaires et explique le « silence radio » absolu qui plane dans les milieux officiels de Kinshasa… 
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Le carnet de Colette Braeckman 

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