21 juillet 2014
Kinshasa,
Les apparences sont trompeuses. A première vue, le Congo connaît l’une des situations les plus favorables de son histoire : une croissance économique de 8,5%, une monnaie stable, les salaires des agents de l’Etat régulièrement payés par voie bancaire.
Dans Kinshasa traversée d’artères bien entretenues, de nouveaux supermarchés, magasins d’alimentation et même boutiques de luxe s’ouvrent chaque semaine et il n’est plus rare de rencontrer des Congolais issus de la diaspora qui ont rapatrié au pays leurs économies et leur dynamisme, estimant que la conjoncture était favorable pour entamer un retour définitif.
En outre, malgré des combats sporadiques qui mettent encore aux prises les forces gouvernementales et des groupes armés dans l’Est du pays, et malgré des massacres comme celui de Mutarule au Sud Kivu, la sécurité est peu à peu rétablie sur l’ensemble du territoire et l’autorité de l’Etat s’exerce partout.
Bref, le Congo se modernise, se stabilise, de grands projets sont mis en chantier et les souvenirs amers de la confusion et des fraudes qui avaient marqué les dernières élections de 2011 s’estompent peu à peu…
Cependant, ces indices favorables sont contredits par de nombreuses incertitudes et, sur le plan politique, la situation apparaît dangereusement bloquée : voici plus de huit mois que les Congolais attendent la promulgation d’un gouvernement dit de « cohésion nationale », qui avait été promis à l’issue des « concertations nationales », où des représentants du pouvoir, d’une partie de l’opposition et de la société civile s’étaient rencontrés du 7 septembre au 5 octobre 2013.
Depuis lors, même s’il se montre actif et sûr de lui, le Premier Ministre Matata Ponyo est, officiellement, en affaires courantes et toute son équipe est, en principe toujours, sur un siège éjectable. Ce qui signifie que depuis des mois, des décisions importantes sont bloquées, que des actes de gestion ne sont plus posés et que nul n’ose s’engager à moyen ou à long terme.
En réalité, l’ absence de décision au niveau du gouvernement est liée à une incertitude plus fondamentale encore, portant sur le calendrier électoral et plus précisément sur les prochaines élections présidentielles.
Auront-elles lieu en 2016, la majorité présidentielle osera-t-elle modifier l’article 220 de la Constitution, présenté comme « boulonné » et qui limite à deux le nombre de mandats du chef de l’ Etat sortant ?
Président de la Commission électorale indépendante (CENI) l’abbé Malu Malu a déjà présenté le calendrier des élections locales mais sans se prononcer sur la date ou les modalités des présidentielles, ce qui a déjà suscité une levée de boucliers : à l’étranger, l’Américain John Kerry, au nom du président Obama, a pressé les Congolais de ne pas modifier la Constitution existante, des messages similaires sont partis de plusieurs capitales occidentales et en gros, les bailleurs, censés financer le scrutin conditionnent leur soutien à la publication d’un calendrier électoral complet.
Sur le plan intérieur, la Conférence épiscopale des évêques du Congo (CENCO) s’est élevée contre toute modification éventuelle de la Constitution et, d’un bout à l’autre du pays, la plupart des Congolais se déclarent hostiles à un renouvellement du mandat du chef de l’Etat estimant que le prescrit de la Constitution existante doit être respecté.
Quant au président Kabila, il se tait dans toutes les langues :« le meilleur des discours, c’est le silence » nous a-t-il déclaré lors d’une récente (et infructueuse) demande d’interview, laissant planer le flou sur ses intentions…
Adoptera-t-il un scénario à la Poutine, s’effaçant au profit d’un candidat issu de la majorité présidentielle qui aurait toute sa confiance ?
Les tenants de cette hypothèse citent souvent le nom du gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, mais ce dernier demeure lui aussi silencieux à propos de ses intentions.
Dans une récente interview, (publiée sur lesoirenligne) le président de l’Assemblée Aubin Minaku vient de lancer un autre ballon d’essai : l’idée d’associer au pouvoir l’opposition, ou au moins une partie d’entre elle, celle qui, sous la houlette du président du sénat Kengo wa Dondo se présente comme « républicaine », permettrait de préparer des « élections apaisées » et, qui sait, de faire accepter un retard du scrutin présidentiel, qui, pour des raisons logistiques et financières, pourrait se trouver reporté de quelques mois, sinon plus…
Une autre idée circule dans les cercles du pouvoir : créer, dès à présent, un poste de vice président, issu de l’opposition, innovation qui serait soumise à un referendum constitutionnel qui se tiendrait en même temps que l’une des consultations électorales déjà prévues.
Là aussi, cette association de l’opposition au pouvoir permettrait de dégager un consensus et de faire passer un éventuel report, ou retard, du scrutin présidentiel…
Malgré les relatifs succès engrangés en ce moment, la perspective d’une manipulation des échéances électorales suscite un profond malaise au sein de l’opinion et beaucoup rappellent que le Congo, un pays post conflit, demeure encore fragile…
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Le carnet de Colette Braeckman
Kinshasa,
Les apparences sont trompeuses. A première vue, le Congo connaît l’une des situations les plus favorables de son histoire : une croissance économique de 8,5%, une monnaie stable, les salaires des agents de l’Etat régulièrement payés par voie bancaire.
Dans Kinshasa traversée d’artères bien entretenues, de nouveaux supermarchés, magasins d’alimentation et même boutiques de luxe s’ouvrent chaque semaine et il n’est plus rare de rencontrer des Congolais issus de la diaspora qui ont rapatrié au pays leurs économies et leur dynamisme, estimant que la conjoncture était favorable pour entamer un retour définitif.
En outre, malgré des combats sporadiques qui mettent encore aux prises les forces gouvernementales et des groupes armés dans l’Est du pays, et malgré des massacres comme celui de Mutarule au Sud Kivu, la sécurité est peu à peu rétablie sur l’ensemble du territoire et l’autorité de l’Etat s’exerce partout.
Bref, le Congo se modernise, se stabilise, de grands projets sont mis en chantier et les souvenirs amers de la confusion et des fraudes qui avaient marqué les dernières élections de 2011 s’estompent peu à peu…
Cependant, ces indices favorables sont contredits par de nombreuses incertitudes et, sur le plan politique, la situation apparaît dangereusement bloquée : voici plus de huit mois que les Congolais attendent la promulgation d’un gouvernement dit de « cohésion nationale », qui avait été promis à l’issue des « concertations nationales », où des représentants du pouvoir, d’une partie de l’opposition et de la société civile s’étaient rencontrés du 7 septembre au 5 octobre 2013.
Depuis lors, même s’il se montre actif et sûr de lui, le Premier Ministre Matata Ponyo est, officiellement, en affaires courantes et toute son équipe est, en principe toujours, sur un siège éjectable. Ce qui signifie que depuis des mois, des décisions importantes sont bloquées, que des actes de gestion ne sont plus posés et que nul n’ose s’engager à moyen ou à long terme.
En réalité, l’ absence de décision au niveau du gouvernement est liée à une incertitude plus fondamentale encore, portant sur le calendrier électoral et plus précisément sur les prochaines élections présidentielles.
Auront-elles lieu en 2016, la majorité présidentielle osera-t-elle modifier l’article 220 de la Constitution, présenté comme « boulonné » et qui limite à deux le nombre de mandats du chef de l’ Etat sortant ?
Président de la Commission électorale indépendante (CENI) l’abbé Malu Malu a déjà présenté le calendrier des élections locales mais sans se prononcer sur la date ou les modalités des présidentielles, ce qui a déjà suscité une levée de boucliers : à l’étranger, l’Américain John Kerry, au nom du président Obama, a pressé les Congolais de ne pas modifier la Constitution existante, des messages similaires sont partis de plusieurs capitales occidentales et en gros, les bailleurs, censés financer le scrutin conditionnent leur soutien à la publication d’un calendrier électoral complet.
Sur le plan intérieur, la Conférence épiscopale des évêques du Congo (CENCO) s’est élevée contre toute modification éventuelle de la Constitution et, d’un bout à l’autre du pays, la plupart des Congolais se déclarent hostiles à un renouvellement du mandat du chef de l’Etat estimant que le prescrit de la Constitution existante doit être respecté.
Quant au président Kabila, il se tait dans toutes les langues :« le meilleur des discours, c’est le silence » nous a-t-il déclaré lors d’une récente (et infructueuse) demande d’interview, laissant planer le flou sur ses intentions…
Adoptera-t-il un scénario à la Poutine, s’effaçant au profit d’un candidat issu de la majorité présidentielle qui aurait toute sa confiance ?
Les tenants de cette hypothèse citent souvent le nom du gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, mais ce dernier demeure lui aussi silencieux à propos de ses intentions.
Dans une récente interview, (publiée sur lesoirenligne) le président de l’Assemblée Aubin Minaku vient de lancer un autre ballon d’essai : l’idée d’associer au pouvoir l’opposition, ou au moins une partie d’entre elle, celle qui, sous la houlette du président du sénat Kengo wa Dondo se présente comme « républicaine », permettrait de préparer des « élections apaisées » et, qui sait, de faire accepter un retard du scrutin présidentiel, qui, pour des raisons logistiques et financières, pourrait se trouver reporté de quelques mois, sinon plus…
Une autre idée circule dans les cercles du pouvoir : créer, dès à présent, un poste de vice président, issu de l’opposition, innovation qui serait soumise à un referendum constitutionnel qui se tiendrait en même temps que l’une des consultations électorales déjà prévues.
Là aussi, cette association de l’opposition au pouvoir permettrait de dégager un consensus et de faire passer un éventuel report, ou retard, du scrutin présidentiel…
Malgré les relatifs succès engrangés en ce moment, la perspective d’une manipulation des échéances électorales suscite un profond malaise au sein de l’opinion et beaucoup rappellent que le Congo, un pays post conflit, demeure encore fragile…
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Le carnet de Colette Braeckman
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