samedi 27 septembre 2014

La logique de deux poids, deux mesures de la «Communauté Internationale» : l’exemple du Rwanda.

le 23 septembre 2014


Conseil de sécurité de l'ONU

L’actualité en Europe de l’Est nous rappelle que ce qu’on appelle généralement la «Communauté Internationale » (en fait les grandes puissances et leurs traditionnels alliés ainsi que les instruments de légitimation de leurs actions comme l’ONU), applique le principe de « deux poids, deux mesures » aux cas apparemment identiques. 

C’est ainsi que face aux informations faisant état de l’entrée des troupes russes en Ukraine, la même Communauté Internationale est unanime pour condamner la Russie et brandit la menace des sanctions qui viendront s’ajouter à celles déjà décrétées à cause de son soutien supposé aux rebelles russophones d’Ukraine.

Pourtant des cas d’agressions manifestes et flagrantes ont déjà eu lieu de part le monde sans que cette même Communauté Internationale ne lève le petit doigt. 

Pour mieux percevoir cette logique de la Communauté Internationale, prenons l’exemple du Rwanda en la mettant en parallèle avec des situations similaires et en notant quelle a été chaque fois la réaction de la Communauté Internationale.

Irak, Rwanda et Ouganda 

                                          ABC News   
 
Le 02 août 1990, les troupes de l’Irak envahissent le Koweït. Aussitôt la Communauté Internationale se mobilise : l’ONU autorise une intervention pour rétablir l’intégrité territoriale du Koweït en chassant le troupes de Saddam Hussein, ce qui se traduira par ce qui restera dans l’histoire comme « La Première Guerre du Golf ».

Le 01 octobre 1990, les troupes ougandaises commandées par le vice-ministre de la Défense de l’Ouganda le général Fred Rwigyema envahissent sans ultimatum le Rwanda.

 Toute la presse internationale suit leur avancée et les envahisseurs ne s’en cachent pas. Étonnamment, aucune condamnation ne viendra de la Communauté Internationale. 

Au contraire, elle tentera de relativiser cette agression en faisant remarquer que le gros des soldats engagés avaient des origines rwandaises, donc qu’il faudrait la considérer comme une « guerre civile »!

En 1996, les troupes rwandaises envahissent la RDC, détruisent tout sur leur passage, s’emparent des principales villes dont la capitale Kinshasa. 

L’officier rwandais qui commande le corps expéditionnaire, James Kabarebe, se proclame « Chef d’Etat major de l’Armée congolaise ». Aucune condamnation ne vient de la Communauté Internationale. 

Au contraire, tout au long de cette conquête, elle n’a cessé de fournir à l’envahisseur rwandais un appui logistique et en renseignements. Vous avez dit : deux poids, deux mesures ?

Liban et Rwanda

Le 06 avril 1994, un avion avec à bord les chefs d’Etat rwandais et burundais est abattu par un missile sol-air pendant son approche pour atterrir à l’aéroport de Kigali. Les deux chefs d’Etat, leurs suites ainsi que les membres de l’équipage de nationalité française périront dans l’attentat. 

La Communauté Internationale, en l’occurrence l’ONU, bloquera toute tentative de connaître les auteurs de cet attentat. Elle empêchera même le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) pourtant créé par elle officiellement pour poursuivre les auteurs des crimes commis entre le 01 janvier et le 31 décembre 1994, d’enquêter sur cet attentat. 

Le Procureur et les enquêteurs du TPIR qui tenteront d’enquêter seront blâmés et relevés de leurs fonctions par l’ONU.

Le 14 février 2005, le Premier Ministre du Liban Rafiq Hariri meurt dans un attentat suicide qui a fait exploser sa voiture. Aussitôt la Communauté Internationale est en émoi. La condamnation est unanime. Une enquête internationale est exigée. 

L’ONU met en place un Tribunal Spécial pour le Liban qui doit juger les auteurs présumés de cet attentat. Le Tribunal siège encore à La Haye aux Pays Bas. Vous avez dit : deux poids, deux mesures ?

Mali et Rwanda

 

Le 04 juillet 1994, le général Paul Kagame s’empare de la capitale du Rwanda, Kigali, et dissout toutes les institutions .Cette prise de pouvoir par la force ne fut pas condamnée par la Communauté Internationale mais au contraire le général putschiste fut félicité et encouragé à asseoir sa dictature. 

Il règne depuis 20 ans sur un peuple martyrisé dont les cris de douleurs n’arrivent point à l’oreille de la Communauté Internationale.

Le 22 mars 2012, le Capitaine Sanogo s’empare de la capitale du Mali, Bamako, dépose le gouvernement légitime et dissout toutes les autres institutions. Aussitôt la Communauté Internationale se met en émoi. La condamnation est unanime. Elle exige le retour sans délais à l’ordre constitutionnel. Mis sous pression, le capitaine Sanogo est obligé de céder le pouvoir quelques mois plus tard. Vous avez dit : deux poids, deux mesures ?

Rwanda et Zimbabwe

Depuis plusieurs années, le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, a été mis au ban de la Communauté Internationale. Lui-même et ses proches sont frappés par l’interdiction de voyager et à d’autres sanctions. 

La même Communauté Internationale avait justifié ces mesures par « l’absence de démocratie » au Zimbabwe. Mais lorsque le président Mugabe céda le gouvernement à un opposant notoire et chouchou de la Communauté internationale, rien n’y fut. 

On l’accusa alors de ne pas respecter les droits de l’homme mais sans jamais présenter de cas concrets de ces violations. On l’accusa ensuite d’organiser des élections truquées. 

Mais quand cette Communauté Internationale supervisa elle-même les élections qui virent son parti gagner haut la main, rien n’y fut : les sanctions ont été maintenues au prétexte qu’il a eu le tort de ne pas perdre.

 

Au Rwanda, le général Paul Kagame ne tolère aucune contestation. Il n’hésite pas à tuer ceux qui osent le critiquer ou ceux qui l’ont fui en allant les assassiner dans leur exil et il s’en vante. 

Les disparitions sont journellement signalées et des cadavres des personnes ligotées sont régulièrement repêchés dans des lacs et rivières du pays. 

Son régime a le triste record de détenir le plus grand nombre de prisonniers politiques de la région. Son parti FPR est un parti unique de fait car les autres partis autorisés pour la consommation externe ne sont que ses satellites et souvent créés par lui.

Les opposants en exil qui tentent de rentrer pour l’affronter politiquement de l’intérieur sont immédiatement arrêtés et condamnés à de lourdes peines dans des simulacres de procès (cas de Victoire Ingabire et de Déo Mushayidi). 

Curieusement, aucune condamnation de la Communauté Internationale ne s’est faite entendre. Seuls quelques rapports des organisations de défense des Droits de l’Homme comme Human Right Watch ou Amnesty International sortent de temps en temps en attirant l’attention sur ce cas de dictature pathologique, mais ils sont vite étouffés par les campagnes menées par les ténors de cette Communauté Internationale qui par ailleurs furent à la base de la création du «monstre politique qu’est Paul Kagame ».

Vous avez dit : deux poids, deux mesures ?
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Jane Mugeni
ECHOSDAFRIQUE

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