samedi 20 septembre 2014

Obama, Ebola et les non-dits

vendredi 19 septembre 2014

L’épidémie d’Ebola qui sévit dans les pays ouest-africains, depuis février dernier, livrera peut-être un jour ses inavouables secrets. Pour l’instant, elle donne déjà lieu aux initiatives qui, en dehors du contexte de crise, auraient mérité qu’on s’y arrête quelques instants. 

Ainsi le président Barack Obama a-t-il décidé d’envoyer 3000 soldats américains « pour combattre le virus d’Ebola ». 

Dans le flot des informations alarmistes qui nous inondent, cette information-là passe comme une lettre à la poste. Et pourtant… 


On parle bien d’une épidémie, d’un côté et des militaires de l’autre. 

Quelqu’un s’est-il simplement posé la question : quel rapport ? 

Face à une épidémie on s’attend à ce que soient mobilisés des fonds, des traitements, des médecins, des volontaires,… Non, on enverra des militaires ! 

C’est assez épais, mais ça passe. Et lorsqu’on sent poindre des questionnements, on prend les devants. Les unités de l’armée américaine auront pour mission de construire des centres de traitement et des hôpitaux. 

Il serait plus cohérent d’envoyer des maçons et des ingénieurs en bâtiment. L’initiative est si grotesque que des voix, certes minoritaires, commencent à percer le mur des « grands médias ».

Le militant congolais Kambale Musavuli n’y est pas allé par quatre chemins. Après avoir rappelé qu’Ebola ne signifie pas nécessairement « condamnation à mort »[1] pour le patient et que 99% des survivants du virus, depuis des années, l’ont été sans aucune aide américaine, le militant assure que l’épidémie d’Ebola devient un prétexte au déploiement en grande pompe des militaires américains sur le Continent noir[2]

C’est une vieille obsession de l’Oncle Sam qui tient à implanter des bases militaires sur un continent considéré comme le moteur de la croissance mondiale dans les décennies à venir. 

Pour les grandes puissances et les « requins » du capitalisme prédateur, l’Afrique est un énorme steak dont il faut s’octroyer la part du lion dès que l’occasion se présente.

L’enjeu du déploiement militaire américain est de « sécuriser » les ressources minières et pétrolières du continent au profit des intérêts américains. 

C’est l’enjeu qui avait prévalu à la création d’Africom[3], une structure militaire et diplomatique préconisée par un think tank israélo-américain, l’Institute for Advanced Strategic and Political Studies (IASPS) pour coordonner les activités militaires et sécuritaires des États-Unis sur le continent africain[4]

Annoncé par l'administration Bush en février 2007, Africom a commencé à fonctionner le 1er octobre 2008 sous le commandement du général afro-américain William E. Ward[5]

Officiellement, Africom a pour mission d’assurer la sécurité en Afrique face aux menaces comme le terrorisme islamiste. En réalité, il s’agit d’un dispositif destiné à « sécuriser » l’accaparement des ressources du continent au profit de l’Amérique et de ses alliés.

Pour la petite histoire, le département américain de la défense avait voulu installer le centre de commandement d’Africom dans un pays africain, mais aucun pays du continent n’avait accepté de l’accueillir. 

Ainsi ce centre de commandement a-t-il été installé à Stuttgart, en Allemagne. 

Provisoirement. Le militant Kambale croit savoir que l’arrivée des 3000 soldats américains sur le continent, sans mandat de l’ONU, est le premier pas vers une implantation unilatérale et pérenne d’Africom sur le continent. Evidemment. 

On se demande bien quel dirigeant africain, dans l’avenir, osera exiger le départ de ces « gros bras » du capitalisme états-unien sans risquer de s’attirer de gros ennuis pour lui-même et pour son pays. Les « boys » viennent pour rester !

Bien sûr, il n’y aurait pas de quoi se triturer les méninges sur l’arrivée massive des troupes américaines en Afrique si les « Yankees » avaient la réputation de laisser de bons souvenirs dans les endroits du monde où ils posent leurs valises. 

Le cas de la République du Soudan du Sud, pratiquement créée par les Américains en juillet 2011, doit faire réfléchir sur le péril qui se profile dans le ciel des pays africains où vont s’implanter les Américains. 

La jeune république soudanaise n’avait mis que deux petites années avant de sombrer dans le chaos. En y ajoutant l’Afghanistan, l’Irak et la Libye, où l’Amérique était supposée apporter « le bien », on s’inquiète légitimement pour ces pays africains, au-delà de la tragédie d’Ebola.

Malheureusement, dans le contexte actuel de crise sanitaire majeur, ces pays ne sont absolument pas en situation de dire « non » à quoi que ce soit. Mais lorsque tout ceci sera fini, ils se réveilleront devant un fait accompli. Une encombrante présence militaire qu’il s’agira, dès lors, de subir.

Pour le meilleur et pour le pire.
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Boniface MUSAVULI

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[1] “Liberia : The boy who tricked Ebola”, msf.org, 16 September 2014. Cf. http://www.msf.org/article/liberia-... ; Grégoire Remund, “How I survived Ebola”, interview of Doctor Senga Omeonga recovered from the Ebola virus, observers.france24.com, September 1st, 2014, Cf. http://observers.france24.com/conte....

[2] http://www.youtube.com/watch?v=vP-T....

[3] Africom : Commandement des États-Unis pour l'Afrique (en anglais United States Africa Command ou AFRICOM).

[4] « AfriCom : Contrôle de l’Afrique », Cf. http://www.voltairenet.org/mot2299.....

[5] William E. Ward était précédemment le coordinateur de la sécurité entre Israël et l’Autorité palestinienne.

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