vendredi 20 septembre 2013

Révélations - Comment la rébellion a été montée contre Gbagbo

20/09/2013

Secrets de Polichinelle: Compaoré avait offert son territoire comme base-arrière



Quelques semaines avant son assassinat, fin avril 2011, par ses compagnons de la rébellion, le sergent chef-major Ibrahim Coulibaly dit IB avait reçu à son QG d’Abobo, d’où il dirigeait les opérations du commando invisible contre l’armée républicaine, les populations acquises à sa cause. Il leur a fait des révélations sur les origines de la rébellion contre le pouvoir du président Laurent Gbagbo. 


Extraits de son discours.
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«J’avais 31 ans quand on renversait le pouvoir de Bédié. Personne ne nous a envoyé. Ils étaient sept jeunes que je dirigeais. Ce n’est pas parce que nous avions des muscles plus que ceux qui entouraient Bédié, mais c’est parce que Dieu voulait que Bédié tombe parce qu’il avait voulu diviser le pays. Personne n’est étranger à cette histoire. Mais nous n’avons pas fait du mal à Bédié, nous lui avons permis de partir. Je pouvais m’assoir sur le trône parce qu’il y a des pays où des gens ont pris le pays à 26 ans. Yaya Jameh en Gambie avait 26 ans.

Mais nous avons trouvé mieux d’aller chercher un de nos anciens qui avait subi des humiliations, à savoir le général Guéi pour le faire assoir dans le fauteuil présidentiel. Et voilà ce que nous lui avons dit : « Mon général, le président Bédié a créé un fossé entre les Ivoiriens, il a crée la xénophobie, l’ivoirité. Cela ne peut pas permettre à notre pays d’avancer. Nous avons besoin d’un pays uni, fort. Nous vous avons sollicité pour ramener la paix entre tous les Ivoiriens, ramenez la cohésion. Mettez dans la tête des Ivoiriens que les étrangers sont chez eux ici en Côte d’Ivoire, et que chacun doit vivre dans la paix. Lancez les chantiers de la réconciliation et du développement. Faites en sorte qu’en 6 ou 8 mois, nous puissions finir une très bonne transition et organiser des élections transparentes. Il ne doit pas y avoir d’exclusion en matière de candidature à l’élection présidentielle. Que tous ceux qui veulent être candidat s’inscrivent et participent à la compétition. C’est aux Ivoiriens de choisir leur président. Si les Ivoiriens veulent choisir un Vietnamien, cela les engage.»

Et le général Guéi était d’accord avec nous. Mais malheureusement, chemin faisant, il s’est entouré de ceux que nous avons chassés le 24 décembre 1999, qui lui ont dit que son tour de gouverner la Côte d’Ivoire est enfin arrivé et que le pouvoir ne se donnait pas. Je n’ai pas voulu être ministre, j’étais son chef de sécurité. En ma qualité de chef de la sécurité, j’avais les yeux partout et la main sur tout ce qui était autour de lui. Donc je voyais tous les ballets diplomatiques qui se faisaient autour du général Guéi, à vouloir l’obliger à rester au pouvoir.

Quand j’ai eu à échanger à plusieurs reprises, je lui ai dit que la parole est sacrée et qu’il fallait qu’il respecte sa parole. Quand on dit qu’on est là pour une transition de 8 mois, pour balayer la maison, on ne peut pas, chemin faisant, changer d’attitude. Je lui ai ouvertement dit que je ne suis pas d’accord. C’est à partir de cet instant qu’il a commencé à avoir des brouilles entre le général et moi. Il était inquiet parce qu’on lui a rapporté que je voulais le balayer pour mettre Alassane Ouattara au pouvoir. On le poussait même à vouloir m’éliminer.

Un matin, le général me fait appel et me dit : « IB, il faut que tu aille prospecter deux ambassades. L’ambassade de Chine et l’ambassade du Canada. » Je lui ai répondu séance tenante : « Mon général cela peut attendre. Parce que dans quelques mois nous allons finir la transition ». Il n’a pas voulu entendre raison et m’a obligé à partir. L’ambassadeur Georges Ouégnin qui était témoin de nos échanges est venu me voir à mon bureau quelques heures plus tard pour me raisonner, dans l’optique de faire la volonté du général. Il m’a dit : «Je t’enverrai un cadeau tout à l’heure, ce cadeau est très significatif.» L’après-midi, son chauffeur vient me voir avec un cadeau emballé. Je déballe le cadeau et je vois trois singes en statuette.

Une semaine après, je constate que les Wattao, Zaga-zaga, Shérif Ousmane et bien d’autres que vous connaissez ont été arrêtés, c’est-à-dire tous les membres de la brigade spéciale qui assurait sa sécurité. Ils ont été mis à la poudrière d’Akouédo. Surpris des évènements qui s’enchainaient contre nous, j’ai joint le général au téléphone pour en savoir davantage sur ce qui se passait. Il me répond ceci : «IB, vous voulez me tuer. J’ai eu la certitude du complot que vous manigancez.» Le lendemain de leur arrestation, j’apprends que Guéi a donné des instructions pour que mon adjoint, la Grenade, soit tué. Donc il a commencé à les liquider un à un en prison. C’est ainsi que j’ai joint le général en lui déclarant : «qu’à partir de cet instant, moi je te déclare la guerre. Je ne suis plus votre attaché militaire au Canada, considérez-moi désormais comme votre adversaire.»

Les germes d’une rébellion où comment est apparu Soro au grand jour !


Je suis rentré en France d’où j’ai rallié le Burkina Faso. C’est à partir du Burkina que j’ai commencé à appeler mes amis. Et nous avons mis un système en place, de telle sorte que quand il y a eu un cafouillage pendant les élections de 2000, nos amis sont allés attaquer la poudrière d’Akouédo pour libérer nos amis qui y étaient en prison. Nous avons usé de subterfuge pour les faire rentrer à Ouagadougou. Pendant ce temps, Guillaume Soro était encore à Abidjan. Il était candidat aux élections législatives à Port-Bouët avec Henriette Diabaté. Blaise Compaoré m’a permis de récupérer tous mes éléments qui étaient dans des situations clandestines à Abidjan. On a pu faire sortir Tuo Fozié, Adam’s, Wattao, Zaga-zaga et plein d’autres.

C’est dans ce schéma d’infiltration que Guillaume Soro me joint pour me dire de faire quelque chose pour lui. Je lui réponds que, comme présentement je suis entouré de militaires et que les journalistes ne cessent de m’appeler pour avoir des interviews, des déclarations, viens t’occuper d’entretenir les journalistes. C’est ainsi que j’ai fait venir Guillaume Soro à mes côtés à Ouagadougou pour être mon porte-parole. C’est à partir de cet instant que nous avons monté le 19 septembre. J’ai préparé mes hommes sur près de 6 mois. J’ai fait deux mois et demi à Ouagadougou, mais pour la préparation, nous nous sommes retirés dans la forêt sur près de 6 mois.

Avant de faire partir mes hommes sur le terrain, un ami m’a aidé financièrement et l’Etat burkinabé nous a aidés. Il nous a donné des villas. Après la formation, un ami libanais m’a envoyé 60 millions Fcfa. J’ai demandé à notre intendant, Dja Gao (actuel commandant du commando d’Abobo) de faire des enveloppes de 300.000 Fcfa chacune pour tous les éléments qui devaient rentrer en Côte d’Ivoire. Et je les ai divisé en trois grands groupes parce qu’il devait avoir trois attaques simultanées : Abidjan, Bouaké et Korhogo.

A Abidjan, c’était Kobo qui était le chef de groupe, à Bouaké c’était Zaga-zaga et à Korhogo il y avait Messemba. Jusqu’en 2003, avant que je ne parte en France où j’ai été arrêté, tout le monde avait une bonne image de la rébellion. Nous avons coupé le pays en deux, les négociations ont été entamées, à savoir Lomé, Marcoussis.

Pourquoi je n’étais pas sur le front aux premières heures


J’ai été reçu dans un pays par un chef d’Etat qui m’a donné le statut de réfugié politique. J’étais le seul à avoir ce statut et tous les autres étaient sous ma coupole. Quand j’ai coupé le pays en deux, je voulais rentrer mais le grand frère Blaise m’a dit : « non tu ne peux pas rentrer parce que si tu rentre, c’est la pure démonstration que votre base-arrière était le Burkina Faso et que c’est mon pays qui vous a équipé. Moi Blaise, cela me met dans une situation très difficile. Laisse les jeunes progresser, quand nous aurons toute la situation en main, tu pourras sortir la tête. » Quelqu’un qui m’a hébergé et qui me soutient dans une action, ce n’est pas opportun d’enfreindre ses conseils. Le minimum c’est le respect et dans la logique, l’attaché militaire à l’ambassade de France venait me rendre visite chaque deux semaines pour se rassurer que j’étais sur le territoire Burkinabé. Mon nom étant régulièrement cité dans les médias, chaque fois qu’il venait me voir, je lui disais : « moi je suis là. » C’était justifié et cela a permis au Burkina Faso d’avoir l’image sauve dans le montage de la rébellion contre la Côte d’Ivoire.

Cela a aussi permis d’éviter que les accords de défense qui existaient entre la France et la Côte d’Ivoire soient activés. Dans les normes, ces accords devaient être actionnés. Mais comme c’étaient des Ivoiriens qui attaquaient un système dans leur propre pays, ces accords sont restés muets.

C’est ainsi que nous avons résisté jusqu’aux négociations de Marcoussis. Après la signature de l’accord, Seydou Diarra a approché Guillaume Soro, que j’ai commis comme chef de délégation, pour la composition du gouvernement. A son tour, il demande que le Premier ministre se réfère à moi pour pourvoir aux neuf postes ministériels qui nous ont été attribués. J’avais donc le devoir de nommer mes ministres. C’est ainsi que j’ai nommé Soro ministre de la Communication et tous ceux qui m’avaient apporté de l’aide lorsque j’en avais besoin tel que Gueu Michel devenu ministre des Sports, Roger Banchi…»
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*Retranscrits par Saint-Claver Oula


Koné Zakaria : «C’est Ouattara qui nous a financé»


Ex-commandant de la zone de Vavoua durant les premières heures de la rébellion, Koné Zakaria, après le clash intervenu entre les camarades du mouvement insurrectionnel (IB-Soro), qui a fait de nombreux morts dans les différents camps, a tenu à faire une mise au point à un meeting.

L’actuel commandant du Bataillon Sol-Air, ex-commandant de la police militaire, a révélé que cette rébellion dont voulait s’approprier Ibrahim Coulibaly, est en réalité l’arme d’Alassane Ouattara contre le président Laurent Gbagbo.

Dans un discours tenu en langue malinké, Koné Zakaria a révélé que «c’est bel et bien Alassane Dramane Ouattara qui a financé la rébellion et c'est pour lui que nous avons pris les armes. Si nous avons pris les armes, ce n’est pas pour IB, ce n’est pas pour qu’il devienne président, mais c’est bel et bien pour Alassane Ouattara. C’est lui qui nous faisait parvenir de l’argent quand nous étions en exil. Il nous faisait parvenir 20 millions de FCFA chaque mois.»

Aujourd’hui, la preuve est là, implacable. Toutes les militaires et civils de la rébellion occupent une place de choix au sommet de l’Etat avec Alassane Ouattara. Certains ont été promu ministres dans son gouvernement tandis que d’autres sont au commande de l’armée ivoirienne, à commencé par l’ex-chef d’état major de la rébellion du 19 septembre 2002, Soumaïla Bakayoko. Du coup, Alassane Ouattara qui avait promis, durant la campagne présidentielle de 2010, avec la main sur le coeur, diligenter une enquête pour faire la lumière sur la rébellion a renoncé à ce projet.

Démontrant ainsi que Koné Zakaria était dans le vrai quand il disait que la rébellion a été commanditée depuis le Burkina Faso, avec l’aide de Blaise Compaoré, pour le porter au pouvoir. Et que les négociations, les élections et autres ballets diplomatiques n’étaient en réalité que des stratagèmes pour atteindre cet objectif. IB n’était qu’un instrument qui ignorait cet aspect que ses compagnons avait su.

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Le Nouveau Courrier

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