17/10/2014
Le président rwandais Paul Kagamé, le 26 septembre 2014 au siège des Nations Unies à New York. © AFP
Trois petits partis rwandais, proches du pouvoir, ont publiquement lancé le débat sur le maintien du président Paul Kagamé à la tête de l'État après 2017. Ils réclament un référendum pour modifier la Constitution et lui permettre de briguer un nouveau mandat.
Après le Burkina, la République démocratique du Congo (RDC) et le Burundi, la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels est posée au Rwanda.
Trois petits partis rwandais proches du pouvoir - le Parti démocratique idéal (PDI), le Parti pour la solidarité et le progrès (PSP) et le PS-Imberakuri - ont récemment prôné l'abolition de cette limitation dans un article du journal progouvernemental en ligne Ighie.
L'actuelle Constitution, adoptée en 2003, limite à deux le nombre de mandats présidentiels et interdit donc en l'état à Paul Kagamé, élu en 2003 et 2010, de se présenter une troisième fois.
"La limitation du nombre de mandats (...) ce n'est pas la démocratie, la démocratie c'est laisser le choix au peuple", a expliqué le président du PDI, Musa Fazil Harerimana, également ministre de l'Intérieur. Christine Mukabunani, présidente du PS-Imberakuri, appelle elle à donner "la parole à la population" sur le sujet.
Le minuscule PDI faisait partie, lors des dernières législatives en 2013, de la coalition menée par l'hégémonique Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, au pouvoir depuis la fin du génocide de 1994. Le PSP faisait partie de la même coalition en 2008.
Le PS-Imberakuri fut, lui, un virulent parti d'opposition, mais des partisans du gouvernement en ont pris le contrôle.
"Ces partis disent tout haut ce que le FPR pense tout bas. Ce sont des porte-parole du FPR. Ce sont des partis qui ont fait allégeance au FPR", estime l'opposant et ex-président du PS-Imberakuri Bernard Ntaganda, tout juste sorti de quatre ans de prison pour "divisionnisme" et "atteinte à la sûreté de l'État".
>> Lire aussi notre reportage Rwanda : génération Kagamé
Un Paul Kagamé sibyllin
Paul Kagamé, homme fort du Rwanda depuis 1994 et crédité du spectaculaire redressement de son pays, exsangue après le génocide des Tutsis, a "uni les Rwandais et développé le pays", souligne Musa Fazil Harerimana.
"Il faut continuer avec un président (...) à même de protéger" le Rwanda, affirme le ministre de l'Intérieur qui, dans le récent article d'Igihe, estime que le chef de l'État devait rester au pouvoir "pour éviter que des loups n’interfèrent dans la politique rwandaise".
Ces déclarations semblent faire référence à la récente arrestation de trois gradés et ex-gradés rwandais, membres du cénacle du pouvoir, qui a suscité toutes sortes de spéculations sur de possibles tensions à la tête du régime, avancées par certains observateurs mais que Kigali a démenties.
"Les loups" peuvent aussi désigner ceux que Kigali qualifie de "traîtres" et de "terroristes", d'anciens très proches de Kagamé ayant fait défection en Afrique du Sud, d'où ils multiplient les critiques de plus en plus sévères à son égard.
Selon un universitaire occidental, spécialiste du Rwanda, cette "accélération du calendrier politique" est imposée par "une montée des dangers" autour du régime et par la contestation "en interne et externe" du président Kagamé.
Si la question de la succession de Paul Kagamé est dans toutes les têtes, dans un pays où il incarne personnellement le pouvoir depuis 20 ans, elle est rarement abordée publiquement. Le président lui-même reste sibyllin.
En avril, il assurait dans une interview à Jeune Afrique qu'il respecterait la Constitution, tout en ajoutant : "je ne connais pas un seul pays où la Constitution soit immuable".
Schéma régional
Au Burundi et en République démocratique du Congo (RDC) voisins, les camps présidentiels font peu de mystère de leur volonté de faire sauter les verrous constitutionnels pour permettre aux présidents Pierre Nkurunziza et Joseph Kabila de se représenter en 2015 et 2016.
Dans ces deux pays, "on voit que le président et le régime ont tendance à rester silencieux aussi longtemps que possible sur leur décision finale.
Entretemps, il y a des ballons d'essai lancés par des gens de second rang (...) pour voir comment l'opinion publique nationale et internationale réagit", estime Kris Berwouts, analyste indépendant, spécialiste de l'Afrique centrale. "J'imagine que c'est ce qui se passe aussi" au Rwanda.
À Kigali, seul le petit Parti démocratique vert, tout juste enregistré et dont la voix porte peu dans un pays sans véritable opposition, se dit ouvertement contre la réforme constitutionnelle.
"La limitation du nombre de mandats permet le transfert pacifique du pouvoir et d'éviter le scénario d'un président à la vie", défend son président, Frank Habineza.
Selon les observateurs, le véritable débat se déroulera de toute façon au sein du FPR. Reste le risque de froisser un peu plus les partenaires de Kigali, notamment l'allié américain qui a déjà pris ses distances depuis deux ans.
Lors du sommet États-Unis-Afrique, en août, à Washington, le secrétaire d’État américain John Kerry avait appelé les dirigeants africains à ne pas modifier leur Constitution pour des "bénéfices personnels ou politiques".
____________
Jeune Afrique
(Avec AFP)
Le président rwandais Paul Kagamé, le 26 septembre 2014 au siège des Nations Unies à New York. © AFP
Trois petits partis rwandais, proches du pouvoir, ont publiquement lancé le débat sur le maintien du président Paul Kagamé à la tête de l'État après 2017. Ils réclament un référendum pour modifier la Constitution et lui permettre de briguer un nouveau mandat.
Après le Burkina, la République démocratique du Congo (RDC) et le Burundi, la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels est posée au Rwanda.
Trois petits partis rwandais proches du pouvoir - le Parti démocratique idéal (PDI), le Parti pour la solidarité et le progrès (PSP) et le PS-Imberakuri - ont récemment prôné l'abolition de cette limitation dans un article du journal progouvernemental en ligne Ighie.
L'actuelle Constitution, adoptée en 2003, limite à deux le nombre de mandats présidentiels et interdit donc en l'état à Paul Kagamé, élu en 2003 et 2010, de se présenter une troisième fois.
"La limitation du nombre de mandats (...) ce n'est pas la démocratie, la démocratie c'est laisser le choix au peuple", a expliqué le président du PDI, Musa Fazil Harerimana, également ministre de l'Intérieur. Christine Mukabunani, présidente du PS-Imberakuri, appelle elle à donner "la parole à la population" sur le sujet.
Le minuscule PDI faisait partie, lors des dernières législatives en 2013, de la coalition menée par l'hégémonique Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagamé, au pouvoir depuis la fin du génocide de 1994. Le PSP faisait partie de la même coalition en 2008.
Le PS-Imberakuri fut, lui, un virulent parti d'opposition, mais des partisans du gouvernement en ont pris le contrôle.
"Ces partis disent tout haut ce que le FPR pense tout bas. Ce sont des porte-parole du FPR. Ce sont des partis qui ont fait allégeance au FPR", estime l'opposant et ex-président du PS-Imberakuri Bernard Ntaganda, tout juste sorti de quatre ans de prison pour "divisionnisme" et "atteinte à la sûreté de l'État".
>> Lire aussi notre reportage Rwanda : génération Kagamé
Un Paul Kagamé sibyllin
Paul Kagamé, homme fort du Rwanda depuis 1994 et crédité du spectaculaire redressement de son pays, exsangue après le génocide des Tutsis, a "uni les Rwandais et développé le pays", souligne Musa Fazil Harerimana.
"Il faut continuer avec un président (...) à même de protéger" le Rwanda, affirme le ministre de l'Intérieur qui, dans le récent article d'Igihe, estime que le chef de l'État devait rester au pouvoir "pour éviter que des loups n’interfèrent dans la politique rwandaise".
Ces déclarations semblent faire référence à la récente arrestation de trois gradés et ex-gradés rwandais, membres du cénacle du pouvoir, qui a suscité toutes sortes de spéculations sur de possibles tensions à la tête du régime, avancées par certains observateurs mais que Kigali a démenties.
"Les loups" peuvent aussi désigner ceux que Kigali qualifie de "traîtres" et de "terroristes", d'anciens très proches de Kagamé ayant fait défection en Afrique du Sud, d'où ils multiplient les critiques de plus en plus sévères à son égard.
Selon un universitaire occidental, spécialiste du Rwanda, cette "accélération du calendrier politique" est imposée par "une montée des dangers" autour du régime et par la contestation "en interne et externe" du président Kagamé.
Si la question de la succession de Paul Kagamé est dans toutes les têtes, dans un pays où il incarne personnellement le pouvoir depuis 20 ans, elle est rarement abordée publiquement. Le président lui-même reste sibyllin.
En avril, il assurait dans une interview à Jeune Afrique qu'il respecterait la Constitution, tout en ajoutant : "je ne connais pas un seul pays où la Constitution soit immuable".
Schéma régional
Au Burundi et en République démocratique du Congo (RDC) voisins, les camps présidentiels font peu de mystère de leur volonté de faire sauter les verrous constitutionnels pour permettre aux présidents Pierre Nkurunziza et Joseph Kabila de se représenter en 2015 et 2016.
Dans ces deux pays, "on voit que le président et le régime ont tendance à rester silencieux aussi longtemps que possible sur leur décision finale.
Entretemps, il y a des ballons d'essai lancés par des gens de second rang (...) pour voir comment l'opinion publique nationale et internationale réagit", estime Kris Berwouts, analyste indépendant, spécialiste de l'Afrique centrale. "J'imagine que c'est ce qui se passe aussi" au Rwanda.
À Kigali, seul le petit Parti démocratique vert, tout juste enregistré et dont la voix porte peu dans un pays sans véritable opposition, se dit ouvertement contre la réforme constitutionnelle.
"La limitation du nombre de mandats permet le transfert pacifique du pouvoir et d'éviter le scénario d'un président à la vie", défend son président, Frank Habineza.
Selon les observateurs, le véritable débat se déroulera de toute façon au sein du FPR. Reste le risque de froisser un peu plus les partenaires de Kigali, notamment l'allié américain qui a déjà pris ses distances depuis deux ans.
Lors du sommet États-Unis-Afrique, en août, à Washington, le secrétaire d’État américain John Kerry avait appelé les dirigeants africains à ne pas modifier leur Constitution pour des "bénéfices personnels ou politiques".
____________
Jeune Afrique
(Avec AFP)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire