vendredi 17 octobre 2014

L'hypothèse selon laquelle la pandémie du sida viendrait de Kinshasa n'est qu'une hypothèse

le 03/10/2014

  
Le chemin de fer de Kinshasa, dans les années 1930. Shigemitsu Fukao via Wikimedia Commons. 

L'hypothèse selon laquelle la pandémie du sida viendrait de Kinshasa n'est qu'une hypothèse
Des chercheurs britanniques et belges établissent l’«arbre généalogique» du sida et relancent la polémique sur son origine.

D’où vient le virus du sida

Depuis le début de la pandémie du VIH, qui touche aujourd’hui 75 millions de personnes à travers le monde, d’innombrables hypothèses ont été émises. 

La toute dernière en date laisse entendre que le virus de l’immunodéficience humaine trouverait son origine en Afrique, en République démocratique du Congo.

C’est en tout cas l’hypothèse d’une équipe de chercheurs de l’université d’Oxford, en Grande Bretagne, et de celle de Louvain, en Belgique, publiée sur le site Science (accès payant). 

L’étude explique comment les scientifiques ont établi l’histoire de la pandémie du VIH en utilisant des documents historiques et des échantillons d’ADN datant des années 1950. Une sorte d’arbre généalogique du virus, en somme.

Que faut-il comprendre? 

Selon l’étude des scientifiques britanniques et belges, la source endémique du VIH a traversé les frontières de Kinshasa, la principale ville de ce qui n’était pas encore la République démocratique du Congo, entre 1920 et 1960.

Mais pourquoi Kinshasa? 

Quelques années auparavant, le virus aurait probablement muté du chimpanzé à l’homme au sud du Cameroun voisin, avant de débarquer dans la ville congolaise, ajoutent les chercheurs.

Or, à cette époque des années 1920, Kinshasa est déjà une véritable métropole, la ville la plus cosmopolite de la région —chaque année, par exemple, plus d’un million de personnes traversaient la ville en train, en direction d’autres des villes et pays voisins, selon les archives. 

À cette époque aussi, la ville comptait plus d’hommes que de femmes avec un nombre considérable de travailleuses du sexe.

Le Guardian, qui reprend les conclusions des travaux des chercheurs, met en évidence les conditions à la fois sociales et économiques qui auraient permis au VIH, alors circonscrit dans cette région d’Afrique, à se transformer en une pandémie. 

Ce sont, détaille le site, des facteurs liés au développement des transports et aux migrations, les pratiques alimentaires (la consommation de la viande de chimpanzé) et au boom de l’industrie du sexe.

Mais pourquoi donc c’est aux Etats-Unis —c’est-à-dire bien loin du Congo-Kinshasa— qu’a été observé le premier cas clinique de VIH en 1981? 

The Independent explique que de nombreux travailleurs haïtiens étaient présents dans le pays durant toute la période ayant précédé les indépendances africaines et bien après. En rentrant au pays, ils seraient donc rentrés avec le virus, lequel se serait ensuite largement diffusé aux Etats-Unis.

L’hypothèse des chercheurs d’Oxford et de Louvain n’est pas tout à fait nouvelle. En effet, depuis le début de la pandémie de nombreuses théories ont été développées pour expliquer l’origine du VIH. Toutes plus ou moins du même acabit.

Nature publiait déjà, en 2008, les résultats d’une étude conjointe de chercheurs américains, congolais, français et belges, qui estimaient que toute cette triste affaire avait pour point de départ le Congo, mais plutôt vers le début des années 1900.

Le site LaRecherche.fr revient aussi sur toute la polémique provoquée par le livre du journaliste Edward Hooper, The River, A journey to the Source of HIV, paru en 1999. 

Dans son livre, le journaliste expliquait alors que «l'introduction du sida dans la population humaine est due à un vaccin antipoliomyélitique oral, administré entre 1957-1960 aux populations congolaises».

Le problème c’est que, à chaque étude sur la question depuis toutes ces années, c’est toujours plus ou moins la même hypothèse ou plutôt, l’idée récurrente que le VIH viendrait d’Afrique et de nulle part ailleurs. 

Des hypothèses au demeurant jamais vraiment vérifiées, puisque les chercheurs nous laissent sous-entendre que leurs travaux sont à prendre avec un peu de recul. C’est encore le cas avec cette dernière étude. 

Dans ce cas, pourquoi s’empêcher de considérer qu’il ne s’agit que d’une hypothèse de plus.
___________
Raoul Mbog
Il s'intéresse principalement aux thématiques liées aux mutations sociales et culturelles et aux questions d'identité et de genre en Afrique.
-------------------- 
© SlateAfrique

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire