mardi 11 novembre 2014

Congo (RDC), Puissance et fragilité


Pierre Cappelaere, Paris, L’Harmattan, 2011, 267 p.
 
Je reviens de Kinshasa. Pour préparer mon voyage, j’avais lu Congo, Puissance et fragilité de Pierre Cappelaere paru au début de cette année aux Éditions de l’Harmattan. 

Le moment est venu de lever l’anonymat : ce Cappelaere est en fait l’ancien ambassadeur Pierre Jacquemot qui n’est plus désormais tenu au devoir de réserve puisqu’il vient de prendre sa retraite. 

Je peux témoigner : son livre est la meilleure des introductions possibles et aussi, loin des polémiques ou des simplifications faciles, la plus subtile, la plus informée des explications du mystère. 

Car la République démocratique du Congo suscite autant de fascination (la mienne est totale ; comme le navigateur - artiste Titouan Lamazou, je suis « pris ») que d’interrogations. 

Comment un tel réservoir de richesses humaines et naturelles ne parvient-il pas à trouver la voie d’un développement véritable, profitant à l’ensemble de la population ?

Nous sommes en face d’un autre Brésil, aussi richement doté en ressources les plus diverses. Il a tout. Il a l’eau et donc l’énergie (le fleuve Zaïre, long de 4 700 kilomètres est le plus puissant d’Afrique). 

Il a les terres (quarante millions d’hectares de terres arables, sans compter des savanes à bétail, immenses). Il a les forêts. Il a toutes les matières premières imaginables : cuivre, coltan, cassitérite, diamant, or… 

Et l’essentiel peut-être, il a une population qui fait front, avec une rare vaillance et une formidable inventivité, à des conditions de vie souvent difficiles, et parfois épouvantables du fait des conflits. 

Lisez par exemple le chapitre consacré au Staff Benda Bilili. Et vous verrez comment une bande de miséreux handicapés devient un groupe de musiciens magnifiques qui se font acclamer partout dans le monde lors de tournées triomphales.

Vous l’avez compris, ce livre n’est pas un essai classique (je veux dire aussi solennel qu’ennuyeux). 

D’ouest en est, ce livre est une promenade : du port de Matadi au lac Kivu, en passant par le riche et plutôt paisible Katanga, sans oublier bien sûr Kin la belle, Kin la vertigineuse, le lecteur est transporté dans la plupart des réalités marquantes de la RDC. 

Et comme le style de cet ambassadeur est alerte, son ironie mordante et son talent d’évocation certain, comme son savoir est grand, nourri par sa longue expérience antérieure de l’Afrique, comme sa liberté de ton et d’analyse est totale, cette promenade est un régal en même temps qu’une leçon. 

On y voit la difficulté de gérer un pays si vaste avec un État si faible. On y constate, une fois de plus, l’effet ravageur de la corruption. 

On y frissonne au spectacle du martyre vécu encore aujourd’hui par certaines régions, par exemple le Nord Kivu, où plus de quarante-quatre groupes armés répertoriés (pas moins) se battent pour le contrôle des mines artisanales et le maintien des populations locales en une sorte d’esclavage, à commencer par les femmes et les enfants.

Et pourtant, en refermant ce livre (comme en revenant de là-bas), on ne peut qu’être conquis par ce géant aussi puissant que fragile. 

Et l’on se rappelle que le Brésil, lui aussi, est resté longtemps « pays d’avenir ». Un jour ou l’autre, c’est l’évidence, la RDC jouera un rôle majeur dans l’économie du monde.
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Note rédigée par : Erik Orsenna, Membre de l’Académie française


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