dimanche 9 novembre 2014

Les Congolais seraient-ils moins courageux que les Burkinabés ?

01 Novembre 2014

Ouagadougou, 30 octobre 2014. 

Ce qui n’était au départ qu’une manifestation de l’opposition contre une énième révision constitutionnelle devant permettre au dictateur Blaise Compaoré d’assurer sa présidence à vie s’est transformé en une insurrection populaire. 

Les manifestants ont incendié l’Assemblée Nationale justement pour empêcher que les parlementaires, à la botte du despote, ne lui fassent ce cadeau. 

Le lendemain, après des atermoiements funestes, le dictateur tout puissant au pouvoir de la France-Afrique au Burkina Faso depuis le 15 octobre 1987 a pris ses jambes à son cou, en vulgaire voleur qu’il a toujours été. La suite reste à écrire même si l’on sait d’ores et déjà que la France-Afrique, officiellement déclarée morte, veuille au grain.

Aussitôt qu’une fumée noire avait envahi le ciel de Ouagadougou, il était évident que des Congolais revisiteraient le thème des peuples courageux, parmi lesquels on compterait désormais les Burkinabés, opposés aux peuples peureux ou amorphes, catégorie dans laquelle serait classée la nation congolaise. 

Tamuwite se demande pourquoi les Congolais ne peuvent se mobiliser comme viennent de le faire les Burkinabés. 

Jean-Bernard Kibwe semble lui répondre en notant que les Congolais n’ont que ce qu’ils méritent. Cyprien va plus loin en affirmant que contrairement au Burkina Faso, pays des hommes intègres, le Congo est le pays des hommes acceptant l’inacceptable, avec une population moins éduquée qu’au Burkina et ailleurs. 

On retrouve la même lecture chez Mbuta Muntu. Pour lui également, le Burkina Faso est le pays des hommes intègres et courageux tandis que les Congolais seraient des peureux d’une grande légèreté ou un peuple non éduqué, occupé par des éleveurs Tutsi venus du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda, un peuple asservi et pleurnichard, habitué à la facilité et qui compte trop sur des messies, sur Nzambe ou sur la communauté internationale. 

Pendant que Tamufu Makondele Apollinaire invite le peuple congolais à se soulever dès aujourd’hui en prenant le courage de nos frères et sœurs du Burkina Faso, Denis Sukami fait observer que le Congo n’a pas encore de patriotes capables de se sacrifier pour le pays. 

Kolomabele semble lui donner raison quand il constate que contrairement aux jeunes burkinabés, ceux du Congo sont très peu politisés, ont un sentiment religieux très élevé, s’intéressent plus à Fally Ipupa, aux conflits entre Koffi Olomide et JB Mpiana qu’aux crimes contre l’humanité commis à l’Est du pays. 

Homme aux réactions souvent froides et mesurées, Jo Bongos s’est laissé cette fois-ci emporté par la vague de l’émotion en attribuant l’insurrection de Ouagadougou à l’existence d’une culture politique, une vraie élite politique et une vraie opposition ou encore à une jeunesse qui n’a jamais été abrutie par la musique ni par des archibishops. 

Qu’il s’agisse de François Nzitanu, Jules Muyombe, Jcm Van Basoko, Puis Mackake, Daniel Makila ou encore Clovis Mbikay, l’idée du courage ou de la maturité politique des Burkinabés, opposé au manque de courage ou à l’immaturité politique des Congolais, reste omniprésente. 

« Nous avons raté pas mal d’occasions avec Tungulu, Cédric et Chebeya. Nous aurions dû être le pays déclencheur de la chute des dictateurs africains mais nous n’avons pas eu le courage », dixit Clovis Mbikay.

Que s’est-il passé à Ouagadougou ? 

Il y a ce que nous avons tous vu et entendu par la magie de la télévision et ce que nous n’avons pas vu et entendu. D’abord, nous avons tous vu une forte mobilisation de la jeunesse burkinabé contre un énième projet de révision constitutionnelle à des fins égoïstes. 

Une telle mobilisation est à verser au crédit de l’opposition du Burkina Faso et à l’éveil politique de sa jeunesse. Ensuite, nous avons vu la manifestation se transformer en insurrection populaire. A quoi peut-on attribuer une telle transformation ? 

Au fait que les Burkinabés seraient un peuple courageux ? 

Si oui, où était ce fameux courage quand Blaise Compaoré avait assassiné son compagnon de lutte Thomas Sankara pour prendre le pouvoir dans le cadre de la France-Afrique ? 

Où était ce fameux courage quand Blaise Compaoré avait facilement modifié la constitution une première, puis une deuxième fois juste pour s’éterniser au pouvoir ?

Non, l’insurrection burkinabé n’est nullement une preuve de courage et, par contraste, celle de manque de courage d’autres peuples africains dont les Congolais qui plient aujourd’hui sous les bottes de leurs dictateurs respectifs. 

En organisant leur manifestation, les opposants burkinabés étaient loin de s’imaginer qu’elle déboucherait sur le spectacle éminemment joyeux qu’est la chute d’un dictateur. Seule l’Histoire détient le secret de l’insurrection populaire. 

Cela signifie que même les peuples aujourd’hui perçus comme amorphes peuvent surprendre l’humanité tôt ou tard. Car, comme l’a si bien écrit Clovis Mbikay, le propre de la révolution ou de l’insurrection est qu’ebandaka lokola liseki.

Concernant la chute du dictateur Compaoré, il y a également et surtout ce que nous n’avons pas vu et entendu et que nous ne pouvions pas voir et entendre, mais qui se répète en pareilles circonstances. 

Il y a eu des appels, des pressions, des menaces et des assurances des grands de ce monde, surtout de la France-Afrique, au dictateur aux abois afin qu’il quitte instamment le pouvoir sans bain de sang. 

Il y a eu également des appels, des pressions, des menaces et des assurances des grands de ce monde, surtout de la France-Afrique, aux fidèles lieutenants du dictateur aux abois afin qu’ils lâchent leur maître qui était déjà perdu. 

Ces appels, ces pressions, ces menaces et ces assurances peuvent peser autant voire plus lourd que l’insurrection elle-même dans la fuite du despote et surtout dans la suite des évènements.

Le poids des manœuvres des grands de ce monde dans la suite des évènements explique pourquoi après la chute d’un dictateur dans le Tiers Monde, la situation de ceux qui l’auront entraînée sur le plan local, la jeunesse burkinabé dans le cas présent, reste identique voire plus désespérée qu’avant. 

Le Paysan Congolais l’a bien compris quand, apprenant que Compaoré « a été renversé par un soulèvement populaire. Et que l’armée a pris le pouvoir ». Ce compatriote nous invite à voir le problème que pose cette phrase. 

Cela signifie que tout intellectuel soucieux du devenir du Congo, en particulier, et de l’Afrique, en général, devrait s’interdire de sauter de joie comme Monsieur Tout-le-Monde face au spectacle certes joyeux auquel la jeunesse burkinabé venait de convier le village planétaire.

Clovis Mbikay soutient que « pour que l’Afrique se libère, il suffit de le vouloir. Vouloir, c’est pouvoir ». Mais vouloir quoi ? 

La chute de Joseph Kabila, Denis Sassou Nguesso, Paul Kagamé, Yoweri Museveni, Pierre Nkurunziza, etc. après celle de Compaoré ? Ne s’agit-il pas là d’un leurre ? 

Certes, il serait agréable de voir tous ces despotes qui ne sont que des pauvres types, comme l’a noté Jo Bongos, tomber les uns après les autres devant l’ouragan de l’Histoire. Mais cette joie légitime ne devrait pas occulter l’essentiel, c’est-à-dire ce que recommande l’esprit cartésien chaque fois que quelque chose ne va pas. 

Deux questions doivent s’imposer alors à l’esprit. Pourquoi ça ne va pas ? Que faire pour que ça aille bien. 

Dans le cas présent, les Congolais et les autres Africains doivent d’abord se poser la question de savoir pourquoi les présidents africains réussissent si facilement les révisions constitutionnelles à des fins égoïstes. 

Ensuite, ils doivent concevoir et mettre en place des mécanismes de gouverne qui, sur le plan interne, rendent cet appétit de domination difficile voire impossible à réaliser. 

Faute de quoi, le destin du continent noir continuera à se jouer dans un cercle vicieux : autoritarisme, soulèvement populaire, chute du despote, explosion de joie, gouvernement de transition, élections démocratiques, autoritarisme. Et la boucle est bouclée. 

Est-ce une fatalité ? Nous ne pensons pas.
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Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
© Congoindépendant

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