dimanche 9 novembre 2014

Nous sommes tous des Burkinabés !


Des manifestants à Ouagadougou

«Ce qu’on n’a pu faire en dix ou quinze ans, on ne pourra le faire en trente ans». Cette phrase a été prononcée mercredi 5 novembre par Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale du Sénégal. 

Ancien médiateur notamment dans la crise congolaise, l’homme analysait, sur les ondes de RFI, la situation au Burkina Faso avec en toile de fond la volonté à peine dissimulée de certains chefs d’Etat du continent noir à s’accrocher au pouvoir. Et ce, en dépit du fait que la loi fondamentale le leur interdit.

Au Burkina, l’article 37 de la Constitution stipule notamment que le président de la République est élu pour un mandat de cinq ans «renouvelable une fois».

Cinq jours après la chute très peu glorieuse de l’ex-président Blaise Compaoré, force est de constater que le cas burkinabé est loin d’être particulier. Que voit-on ?

Le dernier mandat de «Blaise» devait expirer en décembre 2015. L’homme avait devant lui pas moins de quatorze mois pour continuer à jouir des avantages et privilèges attachés à la fonction présidentielle. 

L’appétit venant en mangeant, Compaoré et les siens voulaient continuer «à bouffer» dans leur ilot de prospérité. 

A force de savourer les mets succulents et à sabler le champagne, les membres de l’oligarchie étaient devenus sourds et aveugles. Au point de ne pas percevoir ni d’entendre la colère qui grondait dans l’"océan de misère" qui les entourait.

Sous prétexte de «préparer sa succession» - comme si le Burkina était une République monarchique -, Compaoré qui a déjà accompli vingt-sept ans à la tête de l’Etat a voulu s’accrocher au pouvoir. Il lui fallait un cinquième mandat. Il découvre à ses dépens que c’est un mandat de trop.

Après avoir consulté quelques « situationnistes » et autres opportunistes de son entourage, Blaise opta pour l’organisation d’un référendum. 

Sentant le risque qu’une telle consultation ne se termine par un rejet du système qu’il incarnait, il décide de recourir au vote à l’Assemblée nationale. 

Celle-ci compte 127 élus. «La majorité présidentielle» ne regroupe-t-elle pas 81 députés ?

A l’instar de ses pairs africains, Blaise avait prévu d’«acheter» le vote de quinze députés. Histoire d’obtenir les quinze voix qui lui manquaient pour mettre en oeuvre la modification de l’article 37 de la Constitution à la majorité de trois quart des parlementaires. 

Le vote devait, à ses yeux, passer comme une lettre à la poste le jeudi 30 octobre 2014. La suite est connue.

Chassé du pouvoir, Compaoré est en exil en Côte d’Ivoire. Des voix s’élèvent déjà pour exiger des poursuites judiciaires à son encontre. Une chose paraît sûre : l’exil du chef d’Etat évincé ne sera ni doré ni paisible.

"La sagesse donne au sage plus de force que dix chefs de guerre réunis dans une ville", disait l’Ecclésiaste. S’il avait un brin de sagesse et surtout de la capacité d’écoute des messages univoques provenant de la rue ouagalaise, Compaoré aurait pu quitter son fauteuil avec les honneurs du «devoir accompli». 

Il aurait pu procéder à une passation de pouvoir «de manière civilisée» (dixit Lambert Mende Omalanga, citant Joseph Kabila) avec son successeur. Et pourquoi pas continuer à vivre dans le pays qui l’a vu naître?

En retirant, sous la pression populaire, son projet de loi portant modification de l’article 37 de la Constitution et en clamant tardivement sa volonté de ne pas se représenter en 2015, Compaoré a démontré que la sagesse fait défaut aux potentats africains. 

Des potentats malades du pouvoir, obnubilés par une prétendue invincibilité qui dissimule en réalité des fragilités insoupçonnées.

A la veille du sommet USA-Afrique, en août dernier, Blaise confiait qu’il n’entendait en aucun cas recevoir de leçons de Barack Obama en matière de démocratie. Ajoutant que ce qui l’intéressait le plus «c’est ce que pensent les Burkinabés».

En fait de Burkinabés, Compaoré pensait à quelques parlementaires corrompus, regroupés dans ce qu’on appelle, plus à tort qu’à raison, la «majorité présidentielle». Une majorité factice à laquelle le peuple souverain du Faso ne se reconnaissait plus. 

Ceci est tout aussi vrai à Brazzaville et à Kinshasa. Sans omettre Kigali et Bujumbura. Pour ne citer que ces capitales.

Les Africains subsahariens peuvent désormais crier à haute et intelligible voix ces cinq mots : "Nous sommes tous des Burkinabés". C’est un engagement qui implique de "dégager" d’autres «Blaise» qui se terrent notamment dans les villes précitées.

L’heure du choix a sonné pour les uns et les autres. Ils doivent, sans délai, choisir entre le respect de la Constitution et les honneurs ou le viol de celle-ci et l’opprobre... 
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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