mercredi 10 décembre 2014

RDC: Un gouvernement pour quelles réformes avec quels moyens?


Une vue d’une des rares réunions du Conseil des ministres présidées par "Joseph Kabila"

"Pour un mauvais gouvernement, le moment le plus dangereux est celui où il commence à se reformer", disait un éminent homme politique français.

Quinze mois après son allocution - devant les deux Chambres du Parlement réunies en Congrès - annonçant la nécessité de "consolider la cohésion nationale" et de mettre en place "bientôt" un gouvernement d’ouverture -, "Joseph Kabila" a (enfin) publié la composition de l’équipe "Matata II". C’était dans la nuit du dimanche 7 à lundi 8 décembre 2014. Ouf!

Il importe de rappeler qu’en septembre 2013, le numéro un Congolais, réputé calculateur voire fourbe, recherchait le moyen de desserrer l’étau découlant des attaques des rebelles pro-rwandais du "M23". D’où l’organisation des "concertations nationales". 

"En procédant le 07 septembre 2013 à l’ouverture des travaux des Concertations nationales, j’assignais aux Délégués la mission de dégager les voies et moyens susceptibles de consolider la cohésion interne, en vue d’assurer la victoire de notre pays sur le double front de la défense de la souveraineté nationale et du développement économique et social", déclarait-il dans son discours du 23 octobre 2013. 

La principale motivation était claire : appeler à "l’unité nationale" pour sauver le régime en place du naufrage.

Le bien-être de la population

Des observateurs avaient cru, sans doute à tort, que l’homme qui "dirige" le Congo-Kinshasa, sans panache, depuis bientôt treize ans, avait pris conscience de ses errements. 

Et que l’heure était venue de revenir aux fondamentaux en mettant le pouvoir au service effectif d’une idée. Une idée qui ne peut être que le bien-être de la population par l’amélioration de la qualité de vie des gens. D’aucuns y voyait, l’amorce d’une "auto-révolution culturelle". Double erreur.

Le 5 novembre 2013, les forces rebelles du "M23" étaient "défaites" par la coalition Monusco-FARDC. Sans omettre les pressions diplomatiques. 

Dès ce moment, le "raïs" est redevenu ce qu’il a toujours été. C’est-à-dire un homme rusé. Un homme peu respectueux de la parole donnée. Un tricheur. 

Désormais, il ne dissimulait qu’à peine sa "tiédeur" à former l’exécutif dit de "cohésion nationale". Avec pour mission de conduire les réformes contenues dans les 100 recommandations sélectionnées, sur 700, lui transmises, en novembre 2013, par le présidium des Concertations nationales. "Joseph Kabila" a peur d’appliquer les résolutions de ces assises.

Des signaux négatifs

Le gouvernement dit de "cohésion nationale" est finalement là! Ceux qui escomptaient un changement de mœurs politiques devraient déchanter. Et pour cause, les signaux négatifs ne se comptent pas.

En partant du principe selon lequel un remaniement ministériel traduit généralement la volonté du pouvoir politique de fixer un nouveau cap, de donner une nouvelle orientation à son action par la détermination des priorités nouvelles, l’équipe Matata II appelle ces quelques observations :

Primo : la suppression du ministère des Affaires sociales, actions humanitaires et solidarité nationale ne peut qu’inquiéter. Ce geste tend à confirmer que le bien-être de la population se trouve aux antipodes des priorités d’une oligarchie soucieuse avant tout de sa pérennité;

Secundo : la désignation du secrétaire général du parti présidentiel, Evariste Boshab, à la tête d’un ministère régalien en l’occurrence celui de l’Intérieur - le département chargé de superviser les élections générales - est sans conteste un très mauvais signal en direction d’un peuple demandeur d’une alternance démocratique. 

"Nous devons conserver le pouvoir", martelait Boshab lors du mini-congrès de cette formation politique organisé en avril dernier à Mbandaka. La présence d’un Alexis Thambwe Mwamba au ministère de la Justice n’est nullement plus rassurante.

Tertio : la présence des chefs de certains partis de la mouvance kabiliste dans l’équipe Matata II montre bien que ces politiciens ne sont nullement montés en première ligne pour changer la société congolaise. Ils sont là pour "se refaire une santé financière" en prévision des prochaines consultations politiques;

Quarto : comme dans les précédents gouvernements dirigés respectivement par Antoine Gizenga et Adolphe Muzito, la Province du Katanga s’est arrogé la part du lion avec une dizaine de portefeuilles "sécuritaires" et les plus "juteux". L’ex-Shaba est suivi par le Maniema. 

Le souci de "représentativité nationale" exprimé par les législateurs de 2005 n’est nullement rencontré (article 90-3).

La "cohésion nationale" ne se limite guère à la proximité géographique ou au fait de vivre dans le même espace terrestre. Peut-on franchement parler de cohésion en l’absence d’un "vivre ensemble" fondé sur la justice sociale, la solidarité économique, l’égalité devant la loi et surtout le sentiment d’appartenance à un groupe?

"Gouvernement parallèle"

Il faut être un parfait naïf pour espérer du gouvernement Matata II des réformes volontaristes de nature à transformer la société congolaise par le triomphe de la bonne gouvernance - impliquant la primauté du droit -, du progrès économique et social, du respect de la vie et de la dignité de la personne humaine. 

La raison est simple : Matata n’a ni la volonté ni les moyens. L’homme ne détient, en réalité, qu’une fausse apparence du pouvoir. Autrement dit, au Congo démocratique, l’accession au poste de ministre est et reste une "faveur" du chef de l’Etat. Aussi, pas de vague!

Ancien président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, avait dénoncé, en 2008, l’existence d’un "gouvernement parallèle", une sorte de gouvernement de l’ombre, qui exercerait l’effectivité du pouvoir d’Etat. 

Dans une interview avec Congo Indépendant, l’ancien vice-Premier ministre François-Joseph Mobutu Nzanga abondait dans le même sens en parlant d’un "gouvernement perpendiculaire". En clair, depuis le 26 janvier 2001 à ce jour, les "excellences" ne font que de la figuration. Elles paradent. Le véritable pouvoir se trouve "ailleurs"...

A Matata et son équipe de démontrer que l’auteur de ces lignes est dans l’erreur. Rendez-vous est pris dans 100 jours. 
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Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant

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