samedi 3 janvier 2015

Alexander De Croo appelle Kinshasa à rouvrir l'hôpital du Dr Mukwege

le vendredi 2 janvier 2015

Le ministre de la Coopération au développement, Alexander De Croo, a appelé vendredi le gouvernement congolais à renoncer à réclamer la taxe mensuelle de plus de 40 000 euros (50 000 dollars) dont doit s'acquitter l'hôpital de Panzi, géré à Bukavu (est de la République démocratique du Congo) par le célèbre gynécologue Denis Mukwege, prix Sakharov du Parlement européen.


Le Dr Denis Mukwege, gynécologue congolais, connu pour son oeuvre en faveur des femmes violées, le 26 novembre 2014 alors qu'il reçoit le prix Sakarov du Parlement européen à Strasbourg - Frederick Florin

Cet hôpital, qui soigne des femmes victimes de viols, a vu ses comptes saisis, ce qui a empêche le paiement des salaires de ses quelque 500 employés en décembre. Les autorités congolaises ont invoqué une nouvelle réglementation sur le revenu professionnel entrée en vigueur fin octobre en invoquant un effet rétroactif.

Cet hôpital et les équipes de soins de l'hôpital de Panzi bénéficient depuis des années du soutien de la Coopération belge au développement. Son directeur, le Dr Mukwege, est lauréat de nombreux prix (dont celui des Droits de l'Homme de la Fondation Chirac et le prix de la Fondation Roi Baudouin en 2011).

Selon M. De Croo, cette "taxe menace les soins apportés aux victimes de viol" par l'hôpital de Panzi, alors qu'aucun autre hôpital public ne serait soumis à cette taxation.

"Avec la nouvelle taxation de plus de 40 000 euros par mois, les soins et le travail du Dr. Mukwege à l'hôpital de Panzi sont menacés. Les comptes de l'hôpital ont été saisis et la direction ne peut plus payer les salaires des 500 membres du personnel soignant que compte l'hôpital", a affirmé le ministre de la Coopération dans un communiqué.

M. De Croo (Open Vld) s'est aussi dit "inquiet" pour la survie de l'hôpital Panzi et a donc appelé le gouvernement congolais "à abandonner cette taxe".

Plus de 30 000 femmes soignées en 15 ans

Le Dr. Mukwege a fondé l'hôpital de Panzi en 1998 pendant la guerre civile pour soigner les victimes de viol. Ces quinze dernières années, plus de 30 000 femmes y ont été soignées après avoir subi viols et brutalités. 


Si la guerre est officiellement finie aujourd'hui, l'est de la RDC continue à être le théâtre de conflits armés où les viols sont utilisés comme "arme de guerre", selon l'expression du gynécologue congolais.

Le médecin directeur de l'hôpital a quant à lui dénoncé mercredi la saisie de ses comptes par le "pouvoir", un procédé qu'il juge "discriminatoire".

"Les comptes bancaires de l'hôpital de Panzi viennent d'être saisis par le pouvoir congolais. Cela veut dire qu'on ne peut plus y opérer des retraits", indique un communiqué de l'établissement.

Le blocage des comptes bancaires "a un impact majeur sur le fonctionnement de l'hôpital et la prise en charge des malades", souligne le texte, ajoutant que "les 500 agents employés par l'hôpital n'ont pas reçu leur salaire" du mois de décembre à cause de cette décision.

Ils ont manifesté mercredi devant la direction provinciale de la Direction générale des Impôts (DGI) à Bukavu pour protester contre une mesure "discriminatoire" frappant selon eux cet établissement emblématique.

"L'hôpital de Panzi est (...) un hôpital de l'Etat. Et aucun hôpital public ne paie jusqu'à aujourd'hui les impôts en RDC. Le fait de saisir les comptes de l'hôpital est illégal pouvant nous amener à parler d'un acharnement", a averti l'avocat conseil de l'hôpital, Me Patient Bashombe, cité par le communiqué.

En recevant fin novembre à Strasbourg le prix Sakharov pour son combat en faveur des femmes victimes de viols, M. Mukwege avait appelé ses compatriotes à "soigner" la RDC, engluée dans la violence. 


Il avait à la même occasion dénoncé "l'insécurité et la mauvaise gouvernance" qui sont, selon lui, à la base de "l'extrême pauvreté" qui gangrène cette partie de la RDC pourtant riche en minerais.

Pour des ONG du Kivu, "il y a une urgence à agir, dans l'intérêt des malades"

Des ONG du Sud-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo, ont demandé vendredi aux autorités congolaises de débloquer les comptes de l'hôpital de Panzi afin que les soins reprennent normalement dans cet établissement célèbre pour son aide aux femmes violées.

"Nous demandons aux autorités de trouver une mesure transitoire pour permettre à l'hôpital de fonctionner", a déclaré vendredi à l'AFP Descartes Malasi, président de la Société civile locale et qui s'exprimait au nom de plusieurs association, syndicats, organisations du Sud-Kivu.

"Il faut privilégier la santé de la population. Les impôts pourront être payés même avec un retard d'un mois", a plaidé M. Malasi.

"Il y a une urgence à agir, dans l'intérêt des malades", a souligné de son côté dans un communiqué le Dr Denis Mukwege, médecin directeur de l'hôpital. La veille, le Dr Mukwege avait déjà qualifié d'"harcèlement" fiscal et d'"injustice" la saisie des comptes de son hôpital par les autorités.

Mercredi à Bukavu, capitale de la province du Sud-Kivu, le personnel de l'hôpital de Panzi, qui n'a pas reçu son salaire de décembre, avait manifesté devant les installations de la Direction générale des impôts (DGI) pour protester contre la saisie des comptes de leur établissement le 31 octobre.

L'hôpital devait passer en justice le 18 novembre, mais cette audience est restée pendante depuis lors suite à une grève des magistrats.

Pour l'établissement, la décision de la DGI est une violation de "droit à la santé pour les malades, dont le droit à la vie est mis en péril à défaut d'approvisionnement en médicaments et autres fournitures nécessaires pour prodiguer des soins".

Implanté à Bukavu, l'hôpital de Panzi compte quelque 500 employés et est spécialisé dans la prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles.



avec agences 

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