vendredi 6 mars 2015

Des leçons de la transformation du Congo-Kinshasa en ‘’camp de concentration nazi’’. Essai sur ‘’la débrouillardise politique’’

dimanche 25 janvier 2015


« Une idée devient une force lorsqu’elle s’empare des masses. » K. Marx

Interrompre les (auto)routes de communication et de télécommunication, placer les masses populaires aux mains nues face aux escadrons de la mort armés et accompagnés de chars, cela nous semble être un crime abominable ! 

Chercher à justifier ce crime au nom de l’inachèvement d’un mandat politique frauduleux du ‘’chef de la kabilie’’, nous semble être synonyme de donner une fausse réponse à une question illégitime.

L’appel à protester contre l’adoption en catimini par 337 députés compradores de ‘’la kabilie’’ une loi scélérate sur les élections-pièges-à-con à venir la nuit du jour anniversaire de l’assassinat de Patrice Emery Lumumba a servi de prétexte aux masses populaires congolaises afin qu’elles livrent plusieurs messages sur la place publique. 

Elles ont occupé la rue ; elles l’ont confisquée et ont juré de faire face à la police politique de ‘’la kabilie’’ ; mains nues ou avec les moyens du bord. 

‘’La kabilie’’ a sorti ses chars et ses armes pour tuer. Elle a jugé bon de couper ces masses populaires du monde en interrompant les (auto)routes de la communication et de la télécommunication en négligeant l’ingéniosité des minorités organisées et agissantes. 

Elle tenait à faire de Kinshasa un espace semblable à ‘’un camp de concentration nazi’’

Placées face à leurs agresseurs, les masses populaires congolaises ont su se défendre pour la énième fois. Ce faisant, elles ont prouvé, à la face du monde, qu’elles ont ‘’du pouvoir’’ ; elles ont le pouvoir de dégommer ‘’un conglomérat d’aventuriers’’ hissé aux postes de commande du pays de Lumumba par une guerre de basse intensité et de prédation menée par les ‘’nouveaux maîtres’’ du monde. 

Le pas effectué par les masses populaires congolaises à partir du lundi 19 janvier 2015 mérite que nous puissions nous y arrêter.

Invitées dans la rue par un groupe d’hommes politiques, elles se sont retrouvées sans ‘’guide’’ digne de ce nom. Elles se sont débrouillées seules. Elles ont eu recours à ‘’la débrouillardise politique’’ pour se tirer d’affaire tant bien que mal ; plutôt bien que mal. 

A part les débordements compréhensibles en ce moment de ‘’débrouillardise politique’’, les masses populaires congolaises ont renoué avec les luttes ayant précédé la Conférence Nationale Souveraine. 

Ce premier pas donne un coup fatal aux stéréotypes du Congolais et de la Congolaise apathiques, fanatiques de la bière et du ndombolo. Il y a là une grande leçon pour les créateurs de ces stéréotypes démobilisateurs !

Abandonnées par une bonne partie de ceux qui les avaient invitées dans la rue et par ‘’la communauté occidentale’’ (pendant longtemps), les masses populaires congolaises ont ressuscité des synergies congolaises à travers le monde avec les moyens du bord. 

Elles ont réussi à créer de la convergence dans l’approche de la question congolaise essentielle : l’union de dignes filles et fils du pays pour faire face à leur ennemi commun dans une très grande division du travail. 

Il y a là une autre grande leçon : les masses populaires congolaises organisées peuvent se passer de ‘’la communauté occidentale’’ tout en comptant sur des alliances porteuses de luttes d’émancipation politique à travers le monde.

Kinshasa, Goma, Bukavu, Lukala et d’autres coins du Congo-Kinshasa où les frères et les sœurs de Kimpa Vita et de Lumumba se sont mis debout et ont insinué qu’il est possible qu’un peuple organisé, fondé sur la connaissance et une conscience libératrice, est plus fort que certaines armes de destruction massive. Même au prix du sacrifice suprême !

Il est un peu regrettable que plusieurs politicards fassent semblant de ne pas avoir écouté les revendications de cette portion du peuple congolais debout ! 

Habitués aux conciliabules, ‘’amis des ambassadeurs’’, ils parlent, eux, d’un peuple ‘’assoiffé de démocratie’’ à l’occidentale. C’est-à-dire de ‘’la démocratie bourgeoise’’ ou de celle du marché autorégulé ayant le néolibéralisme comme matrice organisationnelle. 

A les entendre parler, l’impression est qu’ils tiennent à récupérer la lutte d’émancipation politique et de souveraineté du peuple congolais pour la troquer contre les postes politiques leur procurant des costumes, des cravates et beaucoup d’ autres biens de consommation que le marché autorégulé transnational pourrait leur procurer. 

Plusieurs ne semblent pas avoir compris qu’ils ont intérêts à aller vers ce peuple debout pour construire avec lui un projet de société participatif privilégiant une reddition des comptes permanents des gouvernants aux gouvernés.

En interrompant les autoroutes de communication et des télécommunications, ‘’la kabilie’’ a indiqué ses limites. Elle a avoué qu’elle peut être battue à plate couture par les masses populaires congolaises si elles sont bien reliées les unes aux autres. 

Surtout, si elles sont bien formées et bien informées (sur leur véritable ennemi); et qu’elles relayent convenablement l’information au moment opportun.

Ce qui est dit de ‘’la kabilie’’ vaut aussi pour tous les usagers de la force brute. 

S’ils s’arrangent pour confisquer les médias dominant et les instrumentaliser dans le travail de décervelage, c’est parce qu’ils connaissent la force de la bonne formation et de la bonne information dans la déconstruction du recours à la force brute.

Les masses populaires congolaises devraient rester sur leurs gardes. 

En résistant mains nues contre les proxys du ‘’nouveau désordre mondial’’, elles ont blessé l’amour-propre ‘’des démocrates bourgeois’’ de ‘’la communauté occidentale’’. Ils risquent de se venger comme en 1996-1997. Leur intervention tardive pour demander à ‘’la kabilie’’ de retirer ses chars et ses escadrons de la mort de la cité est un signe qui ne ment pas.

Il y a là comme un appel à une grande ingéniosité des minorités organisées et agissantes pour la conduite de la suite des évènements. Il est difficile que ‘’les pitbulls’’ enlèvent les crocs plantés dans leurs proies…

A ce point nommé, il est sage de réécouter Frantz Fanon quand il écrit : « Notre tort à nous, Africains, est d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. 

Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité (…). L’hésitation dans le meurtre n’a jamais caractérisé l’impérialisme. [1]»

La joie exprimée par une bonne partie de ces masses populaires après le vote de la loi scélérate à un Sénat ‘’périmé’’ risque d’être de courte durée. Le Congo-Kinshasa est au cœur des intérêts colossaux…
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Mbelu Babanya Kabudi

[1]F. FANON, Œuvres, Paris, La Découverte, 2011, p. 877.

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