mardi 3 mars 2015

RDC : les contrats miniers toujours en eaux troubles

01 mars 2015

Un nouveau rapport du Centre Carter dénonce le manque de transparence du secteur minier. Dans les documents analysés, le nom des actionnaires, les investissements et les bénéfices de l’entreprise sont le plus souvent absents.


Site minier au Kasaï – 2005 © Ch. Rigaud – Afrikarabia

Stratégique et très lucratif, le secteur minier est régulièrement accusé d’être au coeur du système de prédation et de corruption qui prévaut en République démocratique du Congo (RDC). 

La mesure de la transparence des contrats miniers constitue donc un excellent indicateur du degré de bonne gouvernance du pays. Une récente étude, lancée à l’initiative du Centre Carter et d’ONG locales, a analysé 17 projets miniers afin de mesurer leur niveau de transparence – télécharger le rapport complet.

Soupçons de corruption

Le résultat de l’étude est en demi-teinte. Le rapport note des avancées, notamment avec la participation de la RDC à l’Initiative de Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) qui a permis « la publication de d’avantage de données sur les taxes du secteur minier ». 

En clair, on contrôle (un peu) mieux les rentrées d’argent dans les caisses de l’Etat. 

Pourtant, de nombreux contrats restent encore opaques, notamment sur « les impacts environnementaux, les projets de développement social et communautaire, et les informations de base sur la propriété des principaux projets miniers ». 

Sur ce dernier point, cela veut dire que les véritables propriétaires des projets miniers étudiés, ne sont pas toujours connus. Un manque de transparence qui alimente les soupçons de corruption.

Pas de données sur les investissements et les bénéfices

Sur les 17 projets analysés, « au moins 62 contrats, amendements et annexes n’ont pas été publiés par le Ministère des Mines, en violation avec un décret du gouvernement congolais exigeant leur publication dans les 60 jours suivant la signature ». 

Si le gouvernement congolais affirme que « tous les contrats sont publiés », le rapport précise « qu’il n’a été possible pour aucun projet couvert par l’étude d’obtenir l’exhaustivité des documents contractuels ». 

Idem concernant les résultats financiers des entreprises : « ils ne sont pas disponibles ». Impossible d’obtenir les investissements et les bénéfices de ces sociétés, éléments pourtant cruciaux « pour mettre en perspective les recettes fiscales ».

Une administration défaillante

Les manquements des services de l’Etat congolais sont également pointés par le document. Dans la plupart des cas, les chercheurs n’ont pas pu identifier les actionnaires des entreprises minières. 

En cause, les agents du Tribunal de Commerce, qui sollicitaient « soit des paiements illicites, soit des frais de photocopie excessifs avant de fournir l’accès ». 

Au Journal Officiel, on explique que « photocopier le JO est illégal. C’est préjudiciable aux droits d’auteur (sic) ». Enfin, certains agents ne pouvaient retrouver les documents « à défaut d’un système d’archivage organisé ».

Mauvaises pratiques des entreprises

A la lecture de cette étude, on remarque que les quelques progrès réalisés en matière de transparence reste cosmétiques. Après avoir été sortie de l’Initiative de Transparence dans les Industries Extractives en 2013, la RDC a finalement réintégré le processus en juillet 2014. 

Avec des améliorations notables au niveau de la perception des taxes. Mais l’ITIE apparaît clairement insuffisante pour garantir un commerce des minerais sein et équitable. 

Pour les populations locales, les mauvaises pratiques des géants miniers restent une réalité. En juin 2014, une ONG suisse, « Bred for all » dénonçait « le travail des enfants, les pratiques fiscales agressives et la pollution de l’environnement » du groupe Glencore. 

Si en 2012, Glencore déclarait avoir réglé la pollution des eaux provoquée par son usine de Luilu, « Bred for all » et d’autres ONG, ont démontré récemment que les concentrations de cuivre et de cobalt dans le cours d’eau dépassaient les limites recommandées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) : « 6 fois pour le cuivre et 53 fois pour le cobalt ! »

Bons et mauvais élèves



Tableau comparatif du « niveau de transparence » des 17 projets miniers étudiés.

Les différents projets miniers ont été analysés suivant une grille de lecture précise : identité de l’entreprise, actionnaires, production, montant investi, impôts et taxes, réalisations sociales, impacts environnementaux… 

Parmi, les projets les mieux notés : Tenke Fungurume Mining – TFM, (6,8/10) et Ashanti Gold Kilo – AGK, (6,6/10)… les derniers du classement étant Mining and Processing Congo – MPC (4,1/10) et Société Moku-Beverendi – SMB (4/10). Les deux thématiques les plus mal notées étant (sans surprise)les impacts environnementaux et sociaux des projets miniers.

Un secteur clé de l’économie

Le rapport du Centre Carter, ironiquement intitulé « qui cherche ne trouve pas », préconise un renforcement du code minier congolais « pour qu’il exige clairement la publication des contrats miniers ». 

L’ONG demande également la publication des 62 contrats de l’étude et la distribution des résumés des études d’impact environnemental sur son site web en langue française. 

Des recommandations à prendre au sérieux par les autorités congolaises, qui cherchent actuellement à développer les investissements extérieurs dans le secteur minier. 

L’émergence de la RDC repose notamment sur ce secteur clé de l’économie congolaise, qui pèse plusieurs centaines de millions de dollars.
_________________
Christophe RIGAUD 
Afrikarabia

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire