dimanche 5 avril 2015

RDC : Nettoyer les écuries d’Augias

04/04/2015 

 

Mobutu et Tshisekedi

Le débat sur la gouvernance, un débat qui n’a jamais existé sur la scène politique congolaise et même dans les milieux intellectuels depuis le lancement officiel du processus de démocratisation par Mobutu Sese Seko le 24 avril 1990, ce débat, disions-nous, est de loin plus important que tous les discours de nos opposants politiques réunis, qu’ils soient armés ou non-armés. 


Il existe au sein de l’intelligentsia congolais des idées sur la gouvernance qui sont visiblement bonnes à jeter à la poubelle puisque clairement invalidées par notre propre vécu socio-politique mais auxquelles s’attachent mêmes les intellectuels formés dans les meilleures universités du monde. 

Alors, espérer redresser un jour notre pauvre pays aux richesses immenses dans un tel contexte ? Autant nettoyer les écuries d’Augias.

En vivant et en voyant l’homme congolais prendre la parole au sujet de son tragique destin, il faut que le cœur se brise ou se bronze. 


Le Congo a de gros soucis à se faire quand ses élites s’imaginent que nous avons une bonne constitution tout simplement parce que celle-ci traite entre autres de tel ou tel autre droit du peuple ou encore de telle ou telle autre sanction en cas de haute trahison de la part du président de la république. 

Qu’est-ce qu’une bonne constitution ? 

Quand on ne s’est jamais posé une telle question, il convient de se la poser. Et quand on se pose cette bonne question et qu’on ne parvient pas à se faire une idée exacte à partir de sa propre réflexion basée sur la simple observation de la vie socio-politique, il n’y a pas lieu de s’affoler. Car point n’est besoin d’être professeur des universités en droit constitutionnel pour trouver la bonne réponse.

En effet, l’humanité vit à l’heure de l’Internet. Mille et une informations sont gratuitement disponibles sur la toile et cela sur toutes les questions possibles et imaginables. 


On peut ainsi apprendre qu’il existe des conditions nécessaires pour garantir l’effectivité de la primauté de la constitution. On peut également apprendre qu’une bonne constitution, c’est tout simplement la constitution qui remplit son rôle et rien d’autre. 

La nôtre est ouvertement violée par le président de la république et cela en toute impunité. Elle ne remplit donc pas son rôle. 

Dès lors, il s’agit d’une mauvaise constitution. C’est aussi simple que cela. Mais l’homme congolais est d’une si grande paresse intellectuelle qu’il préfère croire à ses élucubrations et les partager sans vergogne plutôt que de chercher à savoir ce que dit la science ou les experts en la matière.

Le Congo a de gros soucis à se faire quand ses élites s’imaginent que la misère de l’homme congolais est si évidente qu’elle n’a nullement besoin de faire l’objet d’un projet politique quand on veut arracher le pouvoir au dictateur du moment. 


C’est pourtant au nom de cette même misère multiforme que des compatriotes avaient pris les armes contre le dictateur à la toque de léopard. 

Aujourd’hui, le résultat est plus que consternant. Du haut de l’expérience accumulée par le Congo depuis son indépendance, on ne peut pas ne pas comprendre que le renversement d’un dictateur ne débouche pas forcément sur l’émergence de l’Etat de droit. 

On ne peut pas ne pas comprendre que courir des risques en prenant les armes contre un dictateur ne signifie pas forcément se soucier du devenir du pays. 

Pourtant, des Congolais s’imaginent encore et toujours que le salut du pays se trouve dans le départ du dictateur alors même qu’il est plus qu’évident, et c’est bien l’expérience du Congo qui le démontre, que ce salut réside dans l’éradication du système de gouverne resté le même depuis le coup d’Etat de Mobutu. 

Errare humanum est, perseverare diabolicum. When will we ever learn ?

Le Congo a de gros soucis à se faire quand ses élites s’imaginent que ceux qui luttent sur le terrain sont plus responsables et respectables que ceux qui taquinent leurs claviers afin de réfléchir sur notre destin tragique parce que sur le terrain, on prend des risques au quotidien. 


Joseph Kabila était sur le terrain. Il avait pris des risques plus considérables que ceux de ses opposants en combattant la dictature de Mobutu l’arme à la main. 

Comme nombre de ses compagnons d’armes, il pouvait laisser sa peau à tout moment dans ce combat. A-t-on oublié de sitôt le Commandant des Forces de l’AFDL Kisasi Ngandu ? 

A-t-il eu le temps de goûter au festin du pouvoir AFDL ? 

Devrait-on conclure pour autant que dans la recherche des voies et moyens pour sortir un jour notre pays de la misère, Joseph Kabila mérite plus de considération et de respect que ceux qui réfléchissent parce qu’il aura pris des risques énormes pour son intégrité physique ?

Aucune exposition aux foudres de la dictature n’a plus de valeur que la réflexion sur les voies et moyens susceptibles d’amorcer l’émergence de l’Etat de droit chez un peuple longtemps martyrisé et clochardisé. 


Quand on lutte contre la dictature autrement que par la réflexion, ce qui n’est pas mauvais en soi, mais qu’on ne sait même pas ce que signifie une bonne constitution ou encore qu’on s’imagine que la souffrance du peuple n’a pas besoin de projet politique, on ne peut que vendre des illusions à son peuple. 

Et des illusions, le Congo et le reste de l’Afrique en ont à revendre.

Le Congo a de gros soucis à se faire. Voilà donc un pays dont les élites crient haut et fort leur désir de démocratie. Pourtant, il n’y a pas de démocratie sans liberté d’expression et sans débat autour des questions importantes engageant la nation. 


Que l’échange d’idées s’appelle discussion, débat, controverse ou polémique, cela fait partie de l’essence même de la démocratie. 

Même la polémique, tant chargée de connotation péjorative, est avant tout un débat « qui traduit de façon violente ou passionnée, et le plus souvent par écrit, des opinions contraires sur toutes espèces de sujets (politique, scientifique, littéraire, religieux, etc.) ». Elle contribue également à faire avancer la société. 

Mais quand on débat et que débattre est perçu comme synonyme de s’enorgueillir, comme s’imaginent nombre d’intervenants dans ce forum et qui pousse certains à promettre des bosses aux « orgueilleux », il y a lieu de se demander ce que l’on veut quand on dit militer en faveur de la démocratie au Congo.

Le débat sur la gouvernance, un débat qui n’a jamais existé sur la scène politique congolaise et même dans les milieux intellectuels depuis le lancement officiel du processus de démocratisation par Mobutu Sese Seko le 24 avril 1990, ce débat, disions-nous, est de loin plus important que tous les discours de nos opposants politiques réunis, qu’ils soient armés ou non-armés. 


Il existe au sein de l’intelligentsia congolais des idées sur la gouvernance qui sont visiblement bonnes à jeter à la poubelle puisque clairement invalidées par notre propre vécu socio-politique mais auxquelles s’attachent mêmes les intellectuels formés dans les meilleures universités du monde. 

Alors, espérer redresser un jour notre pauvre pays aux richesses immenses dans un tel contexte ? Autant nettoyer les écuries d’Augias.
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[Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo

© KongoTimes

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