samedi 30 mai 2015

CPI : Kilolo, Babala, Mangenda, et Arido restent en liberté provisoire

30 Mai 2015


Aimé Kilolo-Musamba, avocat principal de Jean-Pierre Bemba Gombo

La Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé, vendredi 29 mai, le maintien en liberté provisoire d’Aimé Kilolo-Musamba, Fidèle Babala Wandu, Jean-Jacques Mangenda Kabongo et Narcisse Arido rejetant ainsi l’appel introduit par le bureau de la procureure en vue de la réincarcération des intéressés dans l’affaire dite « Bemba II ». 


Le dossier est renvoyé devant la Chambre de première instance. La Chambre d’appel a par ailleurs « tancé » le juge unique de la Chambre préliminaire. Il est reproché à ce magistrat de n’avoir pas « suffisamment motivé » son ordonnance accordant la « liberté provisoire » aux quatre précités ainsi qu’au sénateur Jean-Pierre Bemba Gombo.

"Le bureau du procureur n’a pas été suivi. Les juges de la Cour pénale internationale ont dit le droit et le bon droit. Tant mieux pour la CPI. Cette juridiction internationale joue sa crédibilité auprès de l’opinion africaine". 


L’homme qui parle s’appelle Guylain Mafuta Laman. Avocat au barreau de Bruxelles, Mafuta est le conseil de son confrère Aimé Kilolo-Musamba dans la fameuse affaire dite "Bemba II" dans laquelle le bureau de la procureure accuse la défense d’avoir "soudoyé" des témoins et produit de "faux documents". Ce que celle-ci dément énergiquement.

Vendredi 29 mai 2015, les deux juristes se sont rendus au siège de la CPI à La Haye. Ils ont pu suivre, à partir de la salle, la lecture de la décision citée précédemment par la juge Silvia Fernández de Gurmendi.

On retiendra pour l’essentiel, que "la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a annulé et renvoyé devant la Chambre de première instance VII la décision du 21 octobre 2014 par laquelle la Chambre préliminaire II avait ordonné la mise en liberté provisoire" d’Aimé Kilolo-Musamba, Fidèle Babala Wandu, Jean-Jacques Mangenda Kabongo et Narcisse Arido. "Cependant, a souligné la juge Fernadez de Gurmendi, la Chambre d’appel a constaté qu’en tenant compte du temps écoulé depuis leur mise en liberté, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que les suspects soient arrêtés de nouveau".

Dès le lendemain de leur "libération provisoire", en novembre et décembre 2014, le bureau du procureur avait introduit un appel en vue d’obtenir la réincarcération des "suspects" invoquant un "risque de fuite". "La Cour a dit non", fait remarquer Me Mafuta. 


Selon lui, les juges ont estimé que "la réincarcération serait contraire à l’idée même d’une bonne administration de la justice". Et d’ajouter : "Les juges ont vu juste. La preuve est là : Me Kilolo se trouvait bel et bien à La Haye au moment de la lecture de cette décision de la Chambre d’appel".

Dans une interview accordée à Congo Indépendant en novembre 2014, l’avocat gantois Jean Flamme n’est pas allé par le dos de la cuillère en dénonçant les "écoutes illégales" des conversations téléphoniques entre Bemba et ses avocats. Les enregistrements étaient pratiqués par le Greffe. 


"En procédant de la sorte, on a fait parvenir au procureur la ’pensée intime’ de la défense", pestait-il. "Il est clair qu’un avocat placé dans une telle situation ne peut jouer efficacement son rôle, ajoutait le juriste. Ses thèses et stratégies sont connues à l’avance par l’accusation. 

Dans cette hypothèse, il n’y a plus aucune confidentialité. C’est très grave pour l’avenir de la Cour".

Pour Me Flamme, la procureure Fatou Bensouda redoutait en réalité de perdre l’affaire principale dite "Bemba I". C’est ainsi qu’elle a «criminalisé» et décapité la défense de Jean-Pierre Bemba en obtenant l’arrestation des précités en novembre et décembre 2013. 


Et pourtant, ajoutait l’avocat belge, "les avocats accomplissaient leur travail qui consiste à mener une défense complète". "L’accusation n’a pas trouvé mieux que d’accuser la défense de faire ce qu’elle-même faisait. La procureure subornait les témoins avec des montants plus importants estimés à 30.000 € par individu. Alors que la défense se limitait à rembourser aux témoins les frais engagés par eux".

Après onze mois passés en "détention préventive" dans une cellule de la CPI, Fidèle Babala Wandu a obtenu la "libération provisoire" à la fin de l’année 2014. 


Dans un entretien avec Congo Indépendant, en janvier dernier, il a eu ces mots : "Lors de la première audience, j’ai pris connaissance des faits qui m’étaient reprochés. J’ai pu lire : «subornation des témoins» ; «corruption» ; «production de faux documents» et «production de faux témoignages ». (...). Je n’ai cessé de me demander ce que je faisais à la Cour pénale internationale à La Haye. J’ai été privé de liberté pendant onze mois. Je n’ai toujours pas compris pourquoi". "A ce jour, la Procureure n’a pas été en mesure d’apporter les éléments matériels certifiant la ’subornation des témoins’. Elle a soutenu, sans preuve, que nous avons corrompu ces personnes notamment avec l’argent envoyé à Jean-Pierre Bemba alors que la traçabilité de ces envois de fonds a été aisée à faire au niveau du Greffe", soulignait-il.

Interviewée par l’hebdomadaire parisien "Jeune Afrique" en janvier dernier, la procureure Fatou Bensouda a déclaré, sans rire, que «dans le cas Bemba, nous avons été en mesure de démontrer que c’est la défense qui a présenté ou fabriqué de fausses preuves et que des témoins ont fait l’objet de tentatives de corruption". 


"Le mois dernier, a-t-elle ajouté, des mandats d’arrêt ont été lancés contre les suspects. Tout ceci montre qui a vraiment eu recours à de la subornation de témoin dans ce dossier ".

Il semble bien que la procureure près la CPI avait précipité l’arrestation des membres de l’équipe de défense de Bemba Gombo après avoir appris grâce aux écoutes téléphoniques illégales que Me Kilolo s’apprêtait à dénoncer le fait que des témoins à charge ont été soudoyés par le bureau de la procureure.

Notons qu’en ce mois de mai 2015 qui vient de prendre fin, Jean-Pierre Bemba Gombo vient de totaliser sept années de "détention préventive". C’est pire que la justice ougandaise à l’époque d’Amin Dada. 


L’ex-procureur Luis Moreno-Ocampo avait précipité l’arrestation du leader du MLC sous prétexte qu’il se préparait à trouver refuge dans un pays non-signataire des Statuts de Rome. L’épouse et les enfants Bemba sont toujours domiciliés à Bruxelles...
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Baudouin Amba Wetshi

Ci-après, le texte intégral de la décision de la Chambre d’appel de la CPI du 29 mai 2015 :

Communiqué de presse : 29/05/2015

La Chambre d’appel de la CPI rend ses arrêts sur les appels concernant la mise en liberté provisoire de M. Jean-Pierre Bemba Gombo, M. Aimé Kilolo Musamba, M. Fidèle Babala Wandu, M. Jean Jacques Mangenda Kabongo et M. Narcisse Arido
ICC-CPI-20150529- PR1113

Situation : République centrafricaine
Affaire : Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo, Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, Fidèle Babala Wandu et Narcisse Arido

Aujourd’hui, le 29 mai 2015, la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a annulé et renvoyé devant la Chambre de première instance VII la décision du 21 octobre 2014 par laquelle la Chambre préliminaire II avait ordonné la mise en liberté provisoire de quatre suspects dans l’affaire Bemba et al. 


Cependant, la Chambre d’appel a constaté qu’en tenant compte du temps écoulé depuis leur mise en liberté, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que les suspects soient arrêtés de nouveau.

Dans un jugement distinct également rendu aujourd’hui, la Chambre d’appel a annulé et renvoyé devant la Chambre de première instance VII la décision de la Chambre préliminaire II du 23 janvier 2015 ordonnant la mise en liberté provisoire de M. Bemba dans le cadre de cette affaire.

Le 21 octobre 2014, le juge Cuno Tarfusser, juge unique de la Chambre préliminaire II, avait réexaminé de sa propre initiative la détention d’Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, Fidèle Babala Wandu et Narcisse Arido et avait ordonné leur mise en liberté provisoire, à condition qu’ils comparaissent au procès ou si la Chambre le demandait. Les suspects ont par la suite été libérés de la garde de la Cour. 


Alors que la mise en liberté du cinquième suspect dans cette affaire, Jean-Pierre Bemba, avait également été ordonnée par la Chambre préliminaire, celui-ci reste en détention dans le cadre des procédures dans une autre affaire devant la Cour : Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo. Tous les suspects avaient été mis en liberté sur la base que la durée de leur détention en attendant le procès était excessive. 

Le Procureur de la CPI avait fait appel de ces deux décisions de la Chambre préliminaire II.

Mme la juge Silvia Fernández de Gurmendi, remplaçant Mme la juge Sanji Mmasenono Monageng (juge présidente dans le présent appel), a lu un résumé des arrêts rendus par la Chambre d’appel aujourd’hui au cours d’une audience publique.

Concernant l’appel à l’encontre de la décision de mise en liberté des quatre suspects, la Chambre d’appel a expliqué que la Chambre préliminaire a mal interprété et appliqué l’article 60-4 du Statut, qui oblige cette Chambre à s’assurer que la détention avant le procès ne se prolonge pas de manière excessive « à cause d’un retard injustifiable imputable au Procureur. »

Cependant, la Chambre d’appel a estimé que, même en l’absence d’un tel retard injustifiable, une Chambre peut déterminer qu’une personne a été provisoirement détenue pendant une durée excessive conformément à l’article 60-3 du Statut, qui prévoit des réexamens périodiques de la détention. 


La Chambre d’appel a jugé que, pour prendre une telle décision, une Chambre doit évaluer la durée de la détention à la lumière des risques justifiant une arrestation tels qu’énumérés à l’article 58-1-b du Statut de Rome, afin de déterminer si le maintien en détention est devenu excessif. 

L’article 58-1-b du Statut de Rome prévoit qu’une arrestation est justifiée pour garantir que la personne comparaîtra ; qu’elle ne fera pas obstacle à l’enquête ou à la procédure devant la Cour ; ou qu’elle ne poursuivra pas l’exécution d’un crime relevant de la compétence de la Cour.

La Chambre d’appel a conclu que la Chambre préliminaire a commis une erreur en ne procédant pas à une évaluation appropriée des risques justifiant la détention et, en conséquence, en n’effectuant pas de façon adéquate la mise en balance nécessaire.

Pour ces raisons, la Chambre d’appel a annulé la décision de la Chambre préliminaire. Cependant, compte tenu de la situation spécifique des suspects dans cette affaire, qui ont été mis en liberté le 21 octobre 2014, et en tenant compte du temps écoulé depuis leur mise en liberté, la Chambre d’appel a estimé qu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que les suspects soient arrêtés de nouveau en raison de l’annulation de la décision la Chambre préliminaire. 


En conséquence, la Chambre d’appel a maintenu leur mise en liberté jusqu’à ce que la Chambre de première instance, désormais saisie de l’affaire, se prononce sur cette question.

La Chambre d’appel a également annulé la décision de la Chambre préliminaire II du 23 janvier 2015 ordonnant la mise en liberté provisoire de M. Bemba du fait que cette décision soit essentiellement fondée sur le même raisonnement juridique et les mêmes conclusions que la décision de mise en liberté des co-suspects de M. Bemba, que la Chambre d’appel a jugée entachée d’erreurs.

Contexte: Jean-Pierre Bemba Gombo, son ancien Conseil principal Aimé Kilolo Musamba, Jean-Jacques Mangenda Kabongo (ancien membre de l’équipe de la Défense de M. Bemba, chargé de la gestion des dossiers de l’affaire), Fidèle Babala Wandu (membre du Parlement congolais, Secrétaire général adjoint du Mouvement pour la Libération du Congo), et Narcisse Arido (témoin cité à comparaître par la Défense) sont suspectés d’atteintes présumées à l’administration de la justice dans le contexte de l’affaire Le Procureur c. Jean-Pierre Bemba Gombo.
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