dimanche 10 mai 2015

"La voie clandestine, c’est fini"

29 avril 2015


Saliou Ndiaye est de retour à Dakar, la capitale sénégalaise, lundi 27 avril 2015

En juillet 2014, Saliou Ndiaye originaire du Sénégal a quitté son pays et sa famille pour tenter de rejoindre l’Europe.

Mais son voyage devait s’arrêter en Libye où il a d’abord été emprisonné avant d’être rapatrié dans son pays en février 2015.


Immigration clandestine : témoignage d’un rescapé


"Je m’appelle Saliou Ndiaye, j’ai 30 ans. Au Sénégal il n’y a rien du tout, on ne trouve pas de travail. Ici je travaillais comme peintre et je gagnais seulement 3 000 francs CFA (5 dollars) la journée. Qu’est-ce que tu peux faire avec ça ?

Je voulais partir en Europe parce qu’on sait très bien que là-bas tu gagnes de l’argent.Saliou Ndiaye

Donc, je voulais partir en Europe parce qu’on sait très bien que là-bas tu gagnes de l’argent. J’ai réussi à décrocher un travail sur un chantier et j’ai gagné un bon salaire avec ça.

J’ai un ami qui est en Italie. On s’est connecté sur Skype et c’est lui qui m’a expliqué qu’il fallait passer par la Libye et payer 400 000 FCFA (670 dollars). 


Quand je lui ai demandé si c’était facile de venir en Italie il m’a répondu que non parce qu’il y avait beaucoup de souffrance pendant le voyage. Mais je lui ai répondu "Inch’ Allah", j’arrive la semaine prochaine.

Lorsque j’ai atteint la première ville libyenne, on m’a fait prisonnier.

Ma famille n’était pas au courant que je partais. C’est seulement lorsque je suis arrivé à Agadez que je les ai appelés pour les prévenir. Parce que si je leur avais dit avant, ils n’auraient pas accepté. Certains membres de ma famille vivent en Europe mais ils sont partis par la voie légale. Je suis le premier à partir clandestinement.


Un voyage périlleux

Trois hommes sont morts et on les a enterrés là-bas.Saliou Ndiaye

Pour se rendre en Libye c’est beaucoup de problèmes car il faut passer par le désert et les gens meurent là-bas. Je suis d’abord passé par Bamako au Mali, puis Niamey et Agadez au Niger. 


On était 26 dans un 4x4 surchargé. Notre véhicule est tombé en panne au bout de quelques heures. Je suis resté une semaine dans le désert. Au bout de quatre jours, nos réserves de nourriture étaient terminées et il n’y avait plus d’eau. J’ai passé les trois derniers jours sans boire ni manger.

Trois hommes sont morts et on les a enterrés là-bas. C’est grâce à dieu que j’ai pu tenir. Personne ne passait dans le désert mais une voiture a fini par nous aider.


Dans les prisons libyennes


On te frappe, tu ne manges pas, tu ne bois pas. Saliou Ndiaye

Arrivés à Sabah, en Libye, les rebelles nous ont fait prisonniers. Ils voulaient encore de l’argent et il fallait payer 200 000 FCFA (335 dollars) chacun. 


Sinon, ils appellent ta famille pour les forcer à envoyer la somme. S’ils envoient l’argent, tu es libre, sinon tu restes enfermé. Moi j’ai refusé d’appeler ma famille. Je suis resté quatre jours là-bas à souffrir.

On te frappe, tu ne manges pas, tu ne bois pas. Le 5e jour j’ai cassé la porte pour fuir avec mes amis. On a atterri dans un foyer sénégalais. Là-bas, il y a des foyers sénégalais, gambiens, maliens etc.

J’ai trouvé du travail à Sabah pendant deux mois comme ferrailleur. Lorsque j’ai gagné assez d’argent je suis parti à Tripoli. Mais là-bas aussi c’était le désarroi.

Nous étions 200 personnes pour une surface de 30m2 (...) J’ai vu un jeune de 15 ans et même un bébé de trois mois avec ses parentsSaliou Ndiaye

J’ai travaillé encore là-bas pendant un mois pour pouvoir payer mon transport pour l’Italie. Je voulais partir dans le premier convoi. Finalement comme je n’avais pas confiance, j’ai décidé d’attendre le départ suivant. Le premier bateau a eu un accident et il n’y a eu aucun survivant. C’est Dieu qui m’a aidé.

Et puis un jour, j’ai été attrapé par la police au retour du travail. On nous a mis en prison où les cellules sont surchargées. Nous étions 200 personnes pour une surface de 30m2. Puis on nous a transférés dans une autre prison à Misrata. Il y avait des Egyptiens, des Soudanais. Il y avait également des enfants. J’ai vu un jeune de 15 ans et même un bébé de trois mois avec ses parents.


Retour au pays

Trois mois plus tard, j’ai été rapatrié au Sénégal. Je suis franchement déçu de ne pas avoir réussi à aller en Europe parce que ce que je peux avoir là-bas, je ne peux pas l’avoir ici.

Si j’ai les moyens de partir, je le ferai mais la voie clandestine c’est fini pour moi. 


Pour l’instant je n’ai pas de travail mais l’essentiel c’est de trouver un boulot même si c’est payé 3 000 FCFA la journée. C’est mieux que de rester à la maison à ne rien faire."

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