vendredi 5 juin 2015

Comprendre les partis et les systèmes de partis africains - Entre modèles et recherches empiriques


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Les partis politiques et le multipartisme ont longtemps occupé une place secondaire dans l’analyse politique de l’Afrique. 


On comprend le peu d’attention qui a pu être accordé à ces questions si l’on note que, alors que les partis sont supposés jouer un rôle important dans l’organisation et la régulation des systèmes démocratiques modernes, les vies politiques africaines sont généralement considérées comme marquées par la violence, le désordre, la personnalisation du pouvoir et la faiblesse des règles constitutionnelles. 

Le pluralisme partisan est apparu en Afrique à la fin des années 1950 et au début des années 1960, à la fin de l’époque coloniale. Les partis, organisations d’origine occidentale, semblent avoir eu du mal à s’enraciner dans les vies politiques africaines, à l’instar d’autres importations occidentales comme le constitutionnalisme libéral ou le gouvernement représentatif. 

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Il a fallu attendre le début des années 1990 pour voir de nouvelles tentatives de mise en place de systèmes multipartites dans un continent où la tendance a été à la dénaturation ou au refus des règles démocratiques. 


L’accroissement du nombre de pays concernés a donné lieu à l’apparition de nouvelles analyses des partis et des systèmes de partis, qui s’inspirent largement des théories et des concepts généraux de la science politique, contribuant ainsi à intégrer l’analyse de l’Afrique à celle des autres régions du monde. 

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Cet article tente de faire ressortir les avancées réalisées par ces études récentes en mettant l’accent sur les questions principales soulevées par ce retour au multipartisme en Afrique et sur la capacité des théories, modèles d’analyse et approches existants à l’appréhender. 


La genèse des partis politiques en Afrique 


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Le premier parti politique africain, le True Whig Party libérien, remonte aux années 1860. C’est un siècle plus tard que les partis se généralisent, avec la démocratisation partielle des régimes coloniaux : selon une estimation probablement basse, 150 partis auraient été créés entre 1943 et 1968 [1] S. Mozaffar, « Introduction », Party Politics, vol.... [1] , période pendant laquelle les sociétés africaines se mobilisent en vue d’accéder à l’indépendance, d’acquérir le suffrage universel et d’élire des gouvernements nationaux. 


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Toutefois, le pluralisme révèle sa faiblesse puisque les partis uniques et les régimes militaires dominent rapidement la scène politique presque partout sur le continent. 


Des années 1960 aux années 1980, le multipartisme ne survit qu’au Botswana, en Gambie et à l’Île Maurice ; il est réintroduit au Sénégal et au Zimbabwe dans les années 1970 et 1980, sous les auspices de partis dominants. Ce n’est qu’à la faveur de l’entrée de l’Afrique dans la troisième vague de démocratisation que la situation commence à changer. 

Dans les années 1990, pratiquement tous les pays africains s’engagent dans la démocratisation et le multipartisme. 

Dans des pays confrontés à des contraintes structurelles (comme la pauvreté, la faiblesse de l’État, l’illettrisme) et marqués par des pratiques politiques cristallisées (comme l’autoritarisme et la corruption), des doutes sont rapidement exprimés quant à la réalité des changements démocratiques. 

S’il est vrai que ces changements sont parfois cosmétiques, il n’en demeure pas moins que les réformes entreprises ont conduit à une réintroduction significative du multipartisme en Afrique subsaharienne. 

L’étude des partis politiques africains : le rôle croissant de la science politique classique 


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L’analyse politique des pays africains a commencé dans le cadre des recherches sur le « développement politique », menées pendant les années 1950 et 1960. Même si ces recherches minimisent souvent le rôle des institutions politiques, elles ont accordé une réelle importance aux partis politiques, à la fois en tant que manifestations et en tant qu’instruments du développement politique [2] Voir S. P. Huntington, Political Order in Changing... [2]


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Toutes ces recherches avaient pour point commun de mettre l’accent non pas sur les progrès démocratiques accomplis par les pays mais plutôt sur leur « développement politique ». 


Cette notion, controversée puis tombée en désuétude, n’a jamais coïncidé exactement avec celle de démocratisation. Bien sûr, des éléments comme l’« égalité » ou la « participation » étaient parfois utilisés pour caractériser le développement politique, mais le plus souvent, d’autres types de changements étaient considérés comme l’essence du développement politique, notamment la « différenciation » des structures politiques, la construction d’une « capacité » étatique permettant d’exercer une autorité réelle et « l’institutionnalisation » des organisations et des procédures [3] Voir J. S. Coleman, « The development syndrome : differentiation-equality-capacity »,... [3]

La démocratie n’était pas la préoccupation principale de ces travaux. En fait, les partis uniques et les dictatures militaires qui prenaient racine en Afrique étaient souvent vus comme des options légitimes, puisqu’elles semblaient être la voie la plus sûre vers une croissance économique rapide et une intégration nationale. 

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Les recherches plus récentes sur les partis africains sont en rupture avec cette tradition : les réformes des années 1990 sont liées à l’importance de la démocratie comme une valeur et un objectif intrinsèques, qui ne sauraient être « troqués » contre le progrès économique ou l’unité nationale. 


Ainsi, les réformes démocratiques ont opéré une rupture dans la vie politique du continent mais aussi dans l’étude de cette réalité. Elles ont contribué de la sorte à l’intégration de l’étude de la politique africaine à la science politique classique. 

Cette intégration a d’abord été stimulée par les recherches sur les transitions démocratiques du continent, puis favorisée par une série d’autres éléments, notamment les analyses des systèmes et des résultats électoraux, les études sur la consolidation démocratique des pays réformés et sur les opinions publiques des électeurs africains, l’examen des résultats politiques des nouveaux régimes [4] Parmi les études comparatives de ce type, voir M. Bratton... [4] , etc. 

En témoigne l’utilisation de plus en plus fréquente des outils (par exemple, la notion de « nombre effectif de partis » ou de « volatilité électorale ») et des théories (par exemple la notion de « parti dominant » ou d’« institutionnalisation des systèmes de partis », l’impact des lois électorales) de la science politique.

Les partis sont des organisations ; les partis africains sont-ils organisés ? 


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Les réformes des années 1990 ont littéralement donné naissance à des centaines de nouveaux « partis politiques ». Dans leur diversité, les partis africains contemporains relèvent de quatre origines principales. 


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D’abord, certains des partis d’aujourd’hui sont le prolongement des partis uniques ; beaucoup, comme le Movimento popular de libertação de Angola, le Zimbabwe African National Union-Patriotic Front, le Parti démocratique gabonais ou le Rassemblement démocratique du peuple camerounais, ont su se maintenir au pouvoir [5] M.-C. Ercolessi, « Stato-partito del MPLA e nomenklatura... [5] . D’autres anciens partis au pouvoir ont survécu en passant dans l’opposition, à l’image du United National Independence Party de Zambie et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire.


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De nouvelles forces politiques sont apparues selon trois modèles principaux. Dans des pays tels que l’Ouganda, le Nigeria, la Côte d’Ivoire ou le Kenya, les nouveaux partis ont été mis sur pied ou pris en main par des hommes politiques qui étaient déjà des figures publiques connues – opposants historiques ou apparatchiks en rupture de ban. 


Parmi ces organisations figurent le Forum for Democratic Change de Kiiza Besigye, le People’s Democratic Party d’Olusegun Obasanjo, le Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo et le Democratic Party de Mwai Kibaki. 

Ailleurs, des partis ont été fondés par des organisations ou des réseaux de la société civile, comme le New Patriotic Party du Ghana, le Movement for Multiparty Democracy de Zambie ou le Movement for Democratic Change du Zimbabwe. 

Enfin, la victoire ou l’intégration politique de certains mouvements de guérilla dans les années 1980 et 1990 se sont traduites par l’apparition de nouvelles forces partisanes; on pense ici au Front patriotique rwandais ou à l’Ethiopian People’s Revolutionary Democratic Front, qui ont pris le pouvoir suite à des insurrections armées, mais aussi à la Resistência nacional moçambicana (Renamo), guérilla qui s’est transformée en un mouvement d’opposition légitime. 

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Malgré la rareté des études empiriques, hormis en Afrique du Sud [6] Voir par exemple T. Lodge, « The ANC and the development... [6] , les observateurs semblent convenir que la plupart des partis africains sont caractérisés par leur faiblesse organisationnelle. 


Une deuxième exception partielle est celle des guérillas transformées en partis politiques au cours des dix ou quinze dernières années ; dans ce cas, les analyses plus anciennes des mouvements rebelles ont pu fournir les bases de recherches sur les transformations organisationnelles subséquentes [7] C. Clapham (ed.), African Guerrillas, Oxford, James... [7]

Ces cas mis à part, il n’existe en fait aucune analyse approfondie de partis spécifiques comme s’ils étaient si mal organisés qu’ils ne sauraient faire l’objet d’une étude. 

Au-delà de leur existence formelle, ils sont très centralisés et caractérisés par des pratiques personnalistes et informelles difficiles à saisir. Les actions sont souvent mal coordonnées et incohérentes. 

Ajoutons que les partis africains sont rarement analysés en termes d’idéologie, de programmes et de plate-forme politique. 

Dans le meilleur des cas, des chercheurs qui travaillent sur les systèmes de partis examinent les publications électorales ou d’autres sources [8] L. Rakner et L. Svåsand, « From dominant to competitive... [8] , et ils concluent à l’absence de véritables clivages idéologiques. 

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Compte tenu de leur faiblesse organisationnelle, on peut à la limite se demander s’il est approprié de qualifier les nouveaux acteurs politiques africains de « partis politiques ». 


Combien de ces nouvelles formations correspondent vraiment aux définitions classiques d’un parti politique ? 

Les noms de ces partis sont-ils simplement des étiquettes pour désigner des organisations qui sont en fait des factions désorganisées et personnalistes, rassemblées en hâte et de façon incohérente autour de dirigeants politiques ? 

Mais peut-on analyser ainsi l’African National Congress sud-africain, le Frente de libertação de Moçambique (Frelimo) ou le New Patriotic Party (NPP) ghanéen? 

C’est grâce à des efforts d’organisation considérables que le NPP, par exemple, a réussi à défaire le National Democratic Congress au pouvoir lors des élections de 2000, alors qu’au Mozambique, le Frelimo a fait preuve d’une autonomie réelle lorsqu’il a choisi le successeur du président Chissano [9] Sur le Ghana, voir P. Nugent, « Living in the past :... [9]

Il serait erroné de réduire l’histoire des partis africains à celle de leurs dirigeants. En fait, malgré toutes leurs lacunes, les partis africains restent « le véhicule principal pour accéder au pouvoir. 

Sur ce point fondamental, il n’y a aucune différence avec […] les démocraties occidentales [10] G. Erdmann, « Party research: Western European bias... [10] ». 

Les modèles de partis existants et les partis africains 


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Devant la prolifération des partis africains, les chercheurs ont tenté de les étudier par le biais de modèles élaborés à l’origine pour l’étude de partis politiques occidentaux, courant ainsi le risque d’étirer excessivement la portée de ces modèles en les appliquant à des démocraties émergentes. 


Gunther et Diamond ont tenté d’éviter cette « élasticité abusive des concepts » en élargissant les typologies classiques pour créer une classification exhaustive des partis politiques qui pourrait être appliquée également à l’étude de régions non européennes (voir le tableau à la page suivante). 

La typologie proposée s’appuie sur trois critères – organisation formelle, contenu des programmes et engagements, et stratégie (selon le rapport au pluralisme et la volonté hégémonique) éventuelle. 

Gunther et Diamond définissent ainsi cinq classes de partis politiques, et quinze sous-classes. On discutera ici de l’applicabilité de cette ambitieuse tentative typologique. 

Classification des partis politiques [11] R. Gunther et L. Diamond, « Species of political parties.... [11]


  

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La notion de « parti de notables » a été utilisée en Europe pour mettre en relief le rôle clé joué individuellement par des personnages politiques éminents, particulièrement jusqu’au début du xxe siècle. 


D’une certaine manière, ce terme est évocateur pour les africanistes, car il correspond souvent à la description qui est faite du « big man », c’est-à-dire un personnage influent et bien entouré, principalement grâce au recours systématique au clientélisme. 

Mais le big man africain semble bien loin du « notable » européen : alors que ce dernier était un particulier disposant de ressources personnelles propres, matérielles ou symboliques, qu’il pouvait « dépenser » dans l’arène politique, transformant ainsi sa prééminence sociale en influence politique, les big men africains opèrent à rebours, puisqu’ils puisent leur pouvoir (y compris économique) dans leur capacité à contrôler et à utiliser les structures et les ressources publiques [12] R. Sklar, « The nature of class domination in Africa »,... [12]

Si les partis de notables européens étaient des partis basés sur des élites, les pays africains connaissent plutôt des élites basées sur les partis – mais peut-être donne-t-on ce faisant trop de crédit à des structures dont la performance est souvent médiocre. 

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Entre la Seconde Guerre mondiale et les années 1960, l’étiquette de « parti de masse » a été utilisée pour qualifier les partis africains émergents, ce qui élargissait encore une fois la portée d’un terme très en vogue pour décrire les organisations politiques occidentales. 


Nombre de partis africains étaient apparus en tant que mouvements anticoloniaux, et ils présentaient des structures complexes et diversifiées. 

Mais dans les deux décennies qui ont suivi l’indépendance, les partis de masse nés des mouvements nationalistes, plutôt que de consolider et de développer leurs organes, ont subi une atrophie progressive [13] N. Kasfir, The Shrinking Political Arena. Participation... [13]

Les ressources matérielles et humaines nécessaires pour faire fonctionner ces organisations n’étaient tout simplement pas disponibles. 

De plus, la naissance des gouvernements indépendants a entraîné le transfert des cadres du parti vers l’État. Les organes partisans, privés de leur personnel le plus qualifié, ont été affaiblis. 

Au fur et à mesure que les élections multipartites étaient abandonnées en faveur de régimes à parti unique ou de régimes militaires, les efforts organisationnels se sont raréfiés. 

Dans ce contexte, seuls quelques partis au pouvoir ont mis sur pied des appareils efficaces, notamment le Tanganyika African National Union ou le Mouvement révolutionnaire national pour le développement du Rwanda [14] N. Kasfir, The Shrinking Political Arena…, op. cit.,... [14] .
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Pendant les années 1970, suite aux guerres anticoloniales au Mozambique et en Angola et aux coups d’État en Éthiopie et en Somalie, un certain nombre de régimes sont apparus, adoptant des variantes plus strictes du marxisme-léninisme. 


Le retour au « socialisme scientifique » devait pallier les défaillances des méthodes inspirées du « socialisme africain ». Puisque le parti unique devait devenir l’avant-garde du changement révolutionnaire, il fallait renoncer à bâtir un parti sur la participation populaire et sélectionner un nombre restreint de militants extrêmement motivés. 

Au Mozambique, le Frelimo s’est proclamé parti révolutionnaire d’avant-garde en 1977, ce qui a donné lieu à des changements concrets, notamment l’adoption de critères de recrutement plus stricts, la primauté du parti sur l’État et la suppression des partis d’opposition [15] G. M. Carbone, « Continuidade na renovação ? Ten years... [15] .
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En dehors des mouvements de libération et des gouvernements post-indépendance, le « nationalisme » en Afrique était en grande partie synonyme de la politisation des demandes formulées par les groupes subnationaux ou ethniques, demandes qui, ici comme ailleurs, sont fortement teintées de populisme. 


Dans certains cas, les demandes formulées par les groupes ethniques concernaient l’autonomie ou l’indépendance régionale, thèmes que Gunther et Diamond considèrent comme l’élément qui distingue les partis ethniques (dont on parle plus bas) des partis pluralistes nationalistes à part entière. 

En Afrique du Sud par exemple, au cours des longues et troubles années de la transition, l’Inkatha Freedom Party (IFP) a brandi la menace de la sécession s’il n’obtenait pas l’autonomie du peuple zoulou. 

Il n’y a jamais eu à proprement parler de « partis populaires ultranationalistes » sur le continent africain. 

Les « partis populaires religieux », qu’ils soient confessionnels ou fondamentalistes, ont également brillé par leur absence de la vie politique postcoloniale africaine, particulièrement quand on compare la situation à l’importance prise par ce type de partis en Europe de l’Ouest. 

Cependant, on peut relever quelques exceptions. En Ouganda, la course électorale du début des années 1960 et des années 1980 a été largement modelée par l’antagonisme entre catholiques et protestants, chaque groupe ayant son instrument politique propre – respectivement le Democratic Party et l’Uganda People’s Congress [16] G. M. Carbone, « Political parties in a “no-party democracy”.... [16]

Quant au concept de « parti de mouvement », il ne semble pas s’appliquer à la situation africaine, à moins de le tordre pour qualifier la transformation d’anciens groupes de guérilla en partis hégémoniques ou dominants, qui s’engagent formellement dans la compétition électorale pour obtenir des sièges parlementaires dans des pays comme l’Ouganda ou le Rwanda.
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L’apparition de « partis électoraux » en Occident doit beaucoup aux vastes transformations socio-économiques et technologiques qui se sont produites pendant la seconde moitié du xxe siècle. 


Selon Kirchheimer et Panebianco, ces changements ont conduit les partis politiques à procéder à des adaptations organisationnelles et stratégiques décisives [17] O. Kirchheimer, « The transformation of the Western... [17]

Les sociétés africaines ont également vécu d’importants changements pendant la même période, mais les innovations économiques, sociales et technologiques n’ont pas été aussi profondes et généralisées que dans les sociétés occidentales. 

Par conséquent, elles n’ont pas favorisé de transformation radicale dans l’organisation et les stratégies des partis. Cependant, les partis africains adoptent parfois certaines caractéristiques des partis électoraux. 

Dans les années 1990, à Madagascar, Albert Zafy avait l’appui d’un cartel électoral si vaste (Hery Velona), que les observateurs l’ont décrit comme un « parti attrape-tout » (catch-all), alors que le parti Tiako i Madagasikara de Marc Ravalomanana était désigné à juste titre de « parti personnaliste électoral » [18] R. Marcus et A. Ratsimbaharison, « Political parties... [18]

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Mais d’entre toutes les catégories analytiques proposées dans la classification de Gunther et Diamond, ce sont bien sûr les catégories de « parti ethnique » et de « parti clientéliste » qui sont les plus présentes aussi bien dans les médias que dans les analyses universitaires. 


La présence en Afrique de partis reposant sur l’identité ethnique n’est pas étonnante dans la mesure où l’hétérogénéité est une caractéristique qui s’applique à pratiquement toutes les sociétés de cette région, certaines combinant ce trait à des divisions religieuses profondes. 

Dans un grand nombre d’États subsahariens, les partis politiques semblent refléter la diversité des communautés. On peut prendre pour exemple le Parti du mouvement de l’émancipation hutu, et son adversaire, l’Union nationale rwandaise, dans les débuts de la Première République ; le National Development Party, soutenu par les Luos (renommé Liberal Democratic Party en 2002, après l’échec de sa fusion avec le parti kenyan au pouvoir) ; ou l’Inkatha Freedom Party sud-africain, cité plus haut. 

En théorie, si les partis ethniques se forment et cristallisent leur base électorale, les élections risquent de devenir de simples exercices permettant de mesurer la dimension démographique d’une ethnie, une sorte de recensement. 

Si les segments d’une communauté restent en quelque sorte compartimentés, cela risque de nuire au déroulement d’élections compétitives et de rendre difficiles l’acceptation mutuelle et la consolidation démocratique [19] D. Horowitz, A Democratic South Africa ? Constitutional... [19]. 

Cependant, il serait faux de dire que les partis africains sont systématiquement et exclusivement liés aux groupes ethniques ; Erdmann affirme même que les vrais partis ethniques, loin d’être la règle en Afrique, sont plutôt une exception [20] G. Erdmann, « Party research… », art. cit., p. 71. [20]

Beaucoup de partis ont été montés et soutenus par des gens de différentes cultures. Ils prennent parfois la forme de partis transethniques (ce que Gunther et Diamond appellent un « parti congressiste »), caractérisés par la volonté de promouvoir l’intégration et le rassemblement d’électeurs, ou de partis formés de différentes communautés. L’exemple le plus connu est l’African National Congress. 

Dans ce cas, le projet de « libération » a contribué à préserver l’unité des différentes composantes sociales de l’électorat (exception faite des Zoulous qui soutenaient, en partie seulement, l’IFP). L’Ethiopian People’s Revolutionary Democratic Front affichait le même objectif, même si l’influence prédominante du Tigrayan Peoples’ Liberation Front sur ses alliés ne fait aucun doute. 

Au Kenya, la Kenya African National Union, qui recrute dans tous les groupes ethniques, même si les Kalenjins étaient privilégiés sous le règne de Daniel arap Moi, et la National Rainbow Coalition, qui a remporté les élections en 2002 en rassemblant quinze partis dont un grand nombre de partis ethno-régionaux, offrent un contraste intéressant [21] S. Ndegwa, « Kenya : third time lucky ? », Journal... [21] .

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Plutôt que les clivages ethniques, on souligne volontiers que ce sont les réseaux clientélistes qui permettent de comprendre les partis politiques en Afrique : les partis clientélistes s’appuient sur la capacité d’un patron à exploiter sa position intermédiaire dans une chaîne de relations qui lient le centre aux éléments de la périphérie [22] M. Dogan et D. Pelassy, How to Compare Nations. Strategies... [22]


Dans ce contexte, un parti politique peut servir à connecter les différents niveaux d’un système politique par l’intermédiaire d’une série de réseaux patron-client. C’est la méthode utilisée par le parti de Didier Ratsiraka, Antoky ny Revolisiona Malagasy-Avant-garde de la Révolution malgache, entre 1975 et 1992, puis encore une fois entre 1997 et 2001: un outil personnel pour gérer les réseaux clientélistes, prenant appui sur les liens familiaux [23] R. Marcus et A. Ratsimbaharison, « Political parties... [23] .
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Le clientélisme et l’ethnicité, d’un point de vue conceptuel, sont des phénomènes qui « s’appuient sur des liens fondamentalement différents de solidarité ; le clientélisme faisant appel à une relation personnalisée alors que l’ethnicité est intrinsèquement un phénomène de groupe. 


Ainsi, il n’y a pas de motif valable de s’attendre à des variations concomitantes entre les solidarités ethniques et les solidarités client-patron [24] R. Lemarchand, « Political clientelism and ethnicity... [24] .» 

Par exemple, les réseaux clientélistes au Sénégal, sous Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, ont reposé sur des bases non ethniques, faisant intervenir les marabouts et les cadres du parti [25] P. Manning, Francophone sub-Saharan Africa, 1880-1995,... [25]

Et pourtant, les notions de partis ethniques et de partis clientélistes se recoupent d’une certaine façon en Afrique. 

D’une part, les partis ethniques ne développent généralement pas de structures formelles sophistiquées, mais s’appuient plutôt sur les réseaux clientélistes existants, et par conséquent adoptent une hiérarchie interne qui ressemble à celle des partis clientélistes, à l’exception du fait que les clients sont plus rigoureusement associés à un groupe ethnique donné [26] R. Gunther et L. Diamond, « Species of political parties… »,... [26]

D’autre part, les partis clientélistes sont souvent ancrés à une base ethno-régionale. 

Des facteurs comme la pauvreté extrême, l’analphabétisme, la distance entre les campagnes et les villes et les profondes divisions ethniques favorisent des échanges politiques où « les gens, c’est-à-dire les familles ou la majorité des habitants d’un village, d’une chefferie, d’un district ou même d’une région, donnent leur appui à celui qui peut s’occuper d’eux [27] Dennis Austin, cité par R. H. Jackson et C. Rosberg,... [27] .» 

Quel type de système de partis ? 


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L’examen des systèmes de partis africains suit différents chemins analytiques, la plupart s’appuyant sur des outils théoriques et conceptuels dérivés de la science politique occidentale. Plus particulièrement, trois approches, soit les approches sociologique, électorale et morphologique, dérivent directement de l’étude des systèmes de partis dans les pays développés. 


Finalement, un peu à l’écart des autres théories, on trouve des méthodes de recherches élaborées pour comprendre les récents processus de démocratisation qui se déroulent en Amérique latine, avec une emphase sur l’institutionnalisation des systèmes de partis. 

On discutera ici plus en détail de ces quatre approches, qui offrent des entrées intéressantes et complémentaires [28] La théorie du choix rationnel, pourtant largement employée... [28] .
Les sociétés et les systèmes de partis africains: une approche sociologique 


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Les études sur l’origine des partis politiques dans les démocraties européennes font une grande place aux clivages sociopolitiques issus de ruptures historiques majeures [29] Sur la théorie de S. Rokkan, voir P. Flora, S. Kuhnle... [29]


Des processus comme la sécularisation de l’État et l’industrialisation ont contribué à l’apparition de profondes divisions sociales et à l’émergence ultérieure de partis politiques représentant les minorités nationales, les identités religieuses, le secteur agraire, les intérêts de la classe ouvrière, etc. 

Ces clivages historiques et sociopolitiques ont des conséquences sur les systèmes de partis : une fois qu’une certaine forme d’antagonisme émerge entre les partis, ce phénomène se cristallise et peut structurer la lutte politique sur une longue période [30] S. M. Lipset et S. Rokkan (eds), Party Systems and... [30]

Dans sa version originale, la théorie des clivages s’appuie sur l’expérience historique de l’Europe de l’Ouest et ne peut pas a priori être directement appliquée à d’autres zones géographiques ou culturelles. 

Cette approche peut s’avérer utile pour comprendre la politique en Afrique, soit pour chercher des traces des clivages définis par Rokkan, soit pour identifier d’autres clivages qui seraient spécifiques aux pays africains. 

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Si les processus de formation de l’État ont été très différents en Europe et en Afrique, de nombreux pays africains montrent eux aussi des signes de tension évidents entre un centre politique et une périphérie, tension qui prend bien souvent la forme d’une rivalité ethnique. 


On trouve des exemples de ces antagonismes dans des partis comme l’Uganda People’s Congress ou l’Inkatha Freedom Party. 

De même, si la question de la sécularisation de l’État n’a pas été aussi marquée et problématique en Afrique qu’elle l’a été en Europe, la politisation croissante de l’Islam dans des pays tels que le Soudan ou le Nigeria, et la façon dont les musulmans voient les relations entre l’État et la religion, sont des éléments à prendre en compte pour comprendre les systèmes partisans. 

Au Nigeria par exemple, l’opposition All Nigerian People’s Party (ANPP) jouit d’un vaste soutien parmi la communauté musulmane, même si la base du parti n’est pas confinée uniquement au Nord musulman. 

En 2003, le candidat de l’ANPP à l’élection présidentielle a, semble-t-il, explicitement appelé au « vote musulman » et s’est prononcé en faveur d’une extension de la charia [31] E. Obadare, « In search of a public sphere : the fundamentalist... [31]

Quant au clivage entre villes et zones rurales, il se fait sentir dans bien des pays – on sait ainsi que certains partis trouvent leur base dans les zones urbaines, comme le Movement for Democratic Change au Zimbabwe, tandis que d’autres s’appuient sur des zones rurales, comme la Renamo au Mozambique. 

Par opposition, l’absence d’une réelle révolution industrielle en Afrique rend le clivage entre les propriétaires capitalistes et la classe ouvrière peu pertinent pour étudier l’Afrique.
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Une autre façon d’utiliser la théorie de Rokkan serait de concevoir les partis de la région comme le résultat et l’expression de clivages historiques spécifiquement africains. 


À l’époque de l’indépendance, la vie politique de nombreux pays africains a commencé à se structurer autour de l’opposition au pouvoir colonial (un clivage « anticolonial »), et les mouvements de libération, de même que les partis principaux, ont souvent joui d’un soutien électoral puissant pendant une longue période. 

Cependant, d’importantes failles sont apparues dans les décennies qui ont suivi. Au Ghana, le New Patriotic Party est lié à l’une des traditions politiques historiques du pays, et le National Democratic Congress s’appuie sur la « révolution » de 1981 de Jerry Rawlings [32] P. Nugent, Big Men, Small Boys and Politics in Ghana.... [32]

Le rôle des institutions : une approche par les systèmes électoraux 


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L’étude des systèmes électoraux et de leur impact sur les systèmes de partis est l’un des champs de connaissances les plus étoffés de la science politique contemporaine. L’unité d’analyse utilisée pour les travaux de cette nature est la distinction entre les systèmes électoraux majoritaires et proportionnels. 


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Si l’on en croit Van de Walle, l’impact des systèmes électoraux en Afrique n’est pas différent de celui mis en lumière dans les études qui portent sur les démocraties avancées [33] N. Van de Walle, « Presidentialism and clientelism... [33]


Mozaffar et Scarritt s’entendent également pour affirmer que les systèmes proportionnels produisent généralement des systèmes de partis plus fragmentés et compétitifs. 

Ils soutiennent cependant qu’il n’y a pas de différence marquée par rapport aux systèmes majoritaires : peu importe le système électoral adopté, les partis qui raflent une large majorité prennent de l’avance et les disproportions demeurent relativement élevées pour les systèmes proportionnels également (bien qu’elles soient deux fois moindres que dans les systèmes majoritaires) [34] S. Mozaffar et J. Scarritt, « The puzzle… », art. cit.,... [34]

Lindberg fournit une analyse plus nuancée : les « majorités manufacturées » (c’est-à-dire une majorité de sièges obtenue grâce à un nombre de votes minoritaires) sont plus courantes dans les systèmes majoritaires, alors que l’alternance du pouvoir, contrairement à ce qu’on pourrait croire, se produit plus souvent dans un système proportionnel [35] S. I. Lindberg, « Consequences of electoral systems… »,... [35]

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Selon une analyse novatrice, la distinction entre les systèmes majoritaires et proportionnels pourrait ne pas constituer l’enjeu principal : « en Afrique, les systèmes de pluralité ne génèrent pas une forte opposition institutionnalisée et la représentation proportionnelle ne mène pas à la multiplication des partis et à la fragmentation de l’opposition [36] M. Bogaards, « Crafting competitive party systems :... [36] . » 


Peu importe le système électoral en vigueur, les systèmes de partis africains tendent presque toujours vers la domination stable du parti capable de remporter la majorité « naturelle » (par opposition à la majorité « manufacturée »), tandis que les minorités fragmentées demeurent souvent trop petites pour renverser la situation. 

Afin de favoriser l’alternance au sein du gouvernement, Bogaards propose de concevoir les systèmes de partis au moyen d’instruments qui vont au-delà de la distinction majoritaire-proportionnel. 

Par exemple, l’introduction combinée de plafond pour la majorité et de primes pour la minorité (par exemple, en attribuant 55 % des sièges au parti le plus important et 35 % au deuxième parti en importance, et en accordant le reste des sièges aux groupes minoritaires) contribuerait à contrer la domination des partis importants ainsi que la faiblesse et la division des groupes d’opposition, tout en encourageant la formation de systèmes à deux partis [37] Ibid., p. 177 et suiv. [37] .

La dynamique interne des systèmes de partis : une approche morphologique
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La majorité des analyses sur les systèmes de partis africains portent sur la dominance des partis. 


Cette question s’inscrit dans une perspective plus large qui ne tient pas compte des relations entre le système de partis et certaines variables externes (par exemple les normes électorales ou les clivages sociaux), mais met plutôt l’accent sur les formes et les dynamiques internes du système lui-même. 

Il faut donc s’interroger sur le nombre de partis contenus dans le système, leur taille et leur poids relatifs, et la dynamique de l’alternance au pouvoir ou son absence.
31

Dans les pays industriels, il est assez rare que des partis politiques se maintiennent très longtemps au pouvoir. La littérature de science politique qualifie d’ailleurs ces partis d’anomalies démocratiques [38] T. J. Pempel, Uncommon Democracies. The One-Party Dominant... [38]


En revanche, malgré les réformes adoptées au début des années 1990, de nombreux régimes politiques africains sont dominés par des partis qui raflent une vaste majorité lors de deux, trois ou même quatre élections successives. 

La singularité de l’Afrique réside donc dans la fréquence élevée de ce type de phénomène : dans bien des cas, le parti ayant remporté les élections de la « transition » ou les élections « fondatrices », qu’il s’agisse d’un ancien parti unique (comme au Mozambique ou en Tanzanie) ou d’une nouvelle formation venue de l’opposition (comme en Zambie ou au Malawi), a réussi à se maintenir au pouvoir lors des élections subséquentes.
32

Ces épisodes de pouvoir prolongés ont donné lieu à des analyses sur un thème généralement qualifié de « dominance » des partis. Les questions relatives à ce phénomène sont nombreuses: à quel moment un parti devient-il dominant? 


Y a-t-il une distinction entre la dominance et l’hégémonie ? Quelles sont les racines de la dominance et quelles sont ses conséquences [39] Voir H. Giliomee et C. Simkins, « The dominant party... [39] ?
33

L’un des problèmes soulevés par l’utilisation de la « dominance » pour qualifier les partis politiques africains est la large utilisation qui est faite de cette notion regroupant des cas très différents : certains partis sont qualifiés avec justesse de « partis dominants », alors que d’autres sont en fait des « partis hégémoniques » (c’est-à-dire des partis dominants autoritaires [40] G. Sartori, Parties and Party Systems. A Framework... [40] ). 


Or, dans le premier cas, il existe un certain degré de compétition (même minimal), alors que dans le deuxième cas, le système est non compétitif. En d’autres mots, un parti dominant est un parti qui gagne une série de mandats populaires consécutifs (au moins trois, selon Sartori) dans le cadre de véritables élections, soit des élections qui sont exemptes de fraudes majeures. 

Dans ce cas, les partis d’opposition échouent simplement à modifier le choix des électeurs et à déloger le parti au pouvoir. Dans le cas des partis hégémoniques, des élections sont organisées mais leur résultat l’est également (par la fraude électorale ou d’autres moyens) : « les autres partis ont le droit d’exister, mais […] la possibilité d’une rotation du pouvoir n’est en aucun cas envisagée [41] Ibid., p. 230-231. [41] ».
34

Les partis dominants et les partis hégémoniques (ou « partis dominants autoritaires ») naissent généralement suivant différents enchaînements de causalité. Comme l’affirme Basedau :
35

« Les partis dominants autoritaires ne jouent pas franc jeu, leur origine est teintée de coercition (conflits armés, coup militaire ou parti unique), et ils sont caractérisés par un système de gouvernement fortement présidentiel et un faible degré de gouvernance dans les affaires socio-économiques et politiques. À l’inverse, les partis dominants non autoritaires ont une origine moins empreinte de violence et de coercition et ils ont généralement un bon rendement ou se caractérisent par une combinaison de clivages sociopolitiques et d’institutions électorales. »
36

Le caractère disproportionnel du système électoral favorise ainsi la dominance de partis qui ne peuvent compter sur une majorité ethnique [42] M. Basedau, A Preliminary Inquiry…, op. cit., p. 2... [42] .
37

L’impact de la dominance d’un parti sur une démocratie naissante fait l’objet de controverse. D’une part, certains se préoccupent du fait que « dans les pays pauvres, le parti dominant établit généralement une […] tête de pont pour instaurer un régime autoritaire et un système de parti hégémonique. [43] H. Giliomee et C. Simkins, « The dominant party regimes… »,... [43] » Selon Bogaards, « contrairement à ce qu’on pourrait penser, le défi principal des systèmes de partis africains n’est pas la fragmentation mais plutôt la concentration. [44] M. Bogaards, « Crafting competitive party… », art.... [44] » 


Mais l’auteur a peut-être été trop prompt à formuler des solutions à la tendance à la dominance, car dans des pays tels que le Ghana, le Sénégal, le Mali, le Cap-Vert et São Tomé e Príncipe, qu’il a qualifiés d’États à parti dominant, l’opposition a gagné des sièges et l’alternance au pouvoir s’est produite dans les années qui ont suivi, entre 2000 et 2002. 

Dans tous ces pays, les partis n’ont pas dominé le pays plus de dix ans et leur domination était loin d’être inébranlable ou permanente.
38

Certains défendent cependant une fragmentation limitée des partis. Des pays tels que le Botswana ou le Sénégal semblent avoir tiré un certain profit du rôle joué respectivement par le Botswana Democratic Party et le Parti socialiste depuis la fin des années 1960 et les années 1970. 


De plus, il est possible que la suprématie d’un parti s’érode pour favoriser l’apparition d’un système de plus en plus compétitif. Au Mozambique ou en Zambie par exemple, la présence temporaire d’un parti dominant pourrait avoir des retombées positives, notamment la modération politique, la clarté des choix, la durabilité de l’exécutif et la cohérence politique [45] L. Rakner et L. Svåsand « From dominant to competitive... [45]

L’enjeu de la consolidation démocratique : l’approche de l’institutionnalisation des systèmes de partis
39

Depuis que Rokkan a mis en relief la tendance des systèmes de partis occidentaux à gagner et à maintenir une certaine stabilité au cours des années (c’est-à-dire à se « figer »), les chercheurs qui travaillent sur les systèmes de partis européens ont donné la priorité au changement [46] P. Mair, Party System Change. Approaches and Interpretations,... [46]


Compte tenu de l’existence de systèmes de partis extrêmement stables, il était légitime de s’interroger sur la façon dont cette stabilité pourrait être ébranlée. 

Dans le cas des nouvelles démocraties souvent caractérisées par des formes précaires de multipartisme et un univers politique très axé sur la personnalité des dirigeants, la question qui se pose plutôt est de savoir comment institutionnaliser les systèmes de partis. 

Les analystes des partis et des processus de consolidation démocratique de l’Amérique latine ont ainsi élaboré un cadre théorique qui a influencé l’analyse des systèmes de partis africains [47] S. Mainwaring et T. Scully (eds), Building Democratic... [47] .
40

L’institutionnalisation d’un système de partis est définie par Mainwaring comme un processus à quatre dimensions [48] Ibid., p. 1. [48] . Lorsque les partis politiques deviennent des organisations durables, ancrées dans la société, légitimes et efficaces sur le terrain, ils sont plus susceptibles de contribuer de façon positive à la consolidation démocratique. 


Un « système de partis institutionnalisé » est un système dans lequel « l’existence des partis principaux et la façon dont ils agissent est empreinte de stabilité. 

Ainsi, le changement n’est pas entièrement exclu, mais il est limité [49] S. Mainwaring, « Party systems in the third wave »,... [49] ». Cette situation permet également de réduire les problèmes associés aux systèmes de partis non institutionnalisés (inachevés), notamment l’éclosion d’un pouvoir personnaliste, les influences et la politique populistes, les tendances néopatrimoniales et la marginalisation du parlement dans une vie politique centrée sur l’exécutif. 

L’approche décrite ci-dessus a guidé un grand nombre de réflexions théoriques sur l’institutionnalisation des partis et des systèmes de partis africains (notamment sur la tension possible entre les deux entités) [50] V. Randall et L. Svåsand, « Party institutionalization… »,... [50] , ainsi que des analyses comparatives [51] M. Kuenzi et G. Lambright, « Party system institutionalisation... [51] et des études de cas [52] L. Rakner et L. Svåsand, « From dominant to competitive... [52] .
41

Dans deux études comparatives quantitatives, Kuenzi et Lambright ont mis l’accent sur deux des dimensions définies par Mainwaring, soit la stabilité de la compétition entre les partis et le degré d’ancrage des partis dans la société. 


Cependant, après avoir débattu du cadre de Mainwaring, ils ont modifié l’hypothèse selon laquelle une faible volatilité favorise la stabilité, affirmant plutôt que les nouvelles démocraties sont avantagées par des degrés élevés de volatilité, car cette dernière est propice à la compétition et à l’alternance du pouvoir. 

Mozaffar et Scarritt ont également mené des recherches sur le terrain en s’appuyant sur des mesures quantitatives de la volatilité et de la fragmentation des systèmes de partis [53] S. Mozaffar et J. Scarritt, « The puzzle… », art. ... [53]

Selon eux, la particularité de l’Afrique réside dans une combinaison de hauts degrés de volatilité électorale (20 à 30 % en moyenne, selon différentes sources [54] M. Bogaards, « Dominant party systems and volatility... [54] ) associés à de faibles degrés de fragmentation (à l’opposé, dans les nouvelles démocraties d’Amérique latine et d’Europe de l’Est, les degrés élevés de volatilité s’accompagnent de degrés élevés de fragmentation [55] N. Van de Walle, « Presidentialism and clientelism… »,... [55] ). 

Soulignons tout de même que Bogaards remet en question l’idée selon laquelle les deux phénomènes coexistent dans le même pays. Il affirme plutôt qu’en règle générale, seul l’un ou l’autre des phénomènes est présent. 

En d’autres termes, les systèmes de partis dominants ne connaissent pas des degrés de volatilité élevés, mais bien à l’inverse de degrés de volatilité plus faibles que les systèmes de partis non dominants [56] M. Bogaards, « Dominant party systems… », art. cit.,... [56] .
42

Peu de systèmes de partis africains semblent en voie de consolidation, qu’il s’agisse de ceux qui sont issus des plus anciens systèmes multipartites (Botswana et Sénégal) ou des systèmes nouvellement réformés (ceux du Ghana, de l’Afrique du Sud ou de la Namibie par exemple). 


Si l’on prend le cas du Ghana, toutes les élections ont mis en scène le New Patriotic Party et le National Democratic Congress, deux partis forts et stables. Cependant, les systèmes de partis de la région sont généralement caractérisés par un faible degré d’institutionnalisation, la plupart d’entre eux étant des systèmes « inachevés », selon la terminologie de Mainwaring, comme le confirment les études quantitatives et les études de cas [57] M. Kuenzi et G. Lambright, « Party system institutionalisation… »,... [57]

Si l’on considère que la mise sur pied d’organisations autonomes est l’une des composantes de l’institutionnalisation d’un système de partis, il faut se rendre à l’évidence que de nombreux partis africains sont défaillants sur ce point. En Zambie par exemple, l’United National Independence Party, qui a dirigé le pays entre les années 1960 et 1990, est toujours sous le joug de la famille Kaunda [58] L. Rakner et L. Svåsand, « From dominant to competitive... [58] . De même, à Madagascar, le Tiako i Madagasikara de Marc Ravalomanana a été mis sur pied quelques mois avant les élections et ses membres ont souvent été choisis parmi les employés de la célèbre entreprise du président, Tiko, afin de garantir leur allégeance [59] R. Marcus et A. Ratsimbaharison, « Political parties... [59] .
43

La mise en œuvre de réformes démocratiques depuis les années 1990 a suscité un retour au multipartisme dans la majorité des systèmes politiques africains. La résurgence des partis politiques, quant à elle, a eu pour effet de créer une rupture non seulement dans la vie politique du continent mais également dans l’étude qui en est faite. 


Des nouvelles analyses ont été faites sur les partis et les systèmes de partis, ce qui a contribué à une intégration plus poussée de l’étude de la politique au sud du Sahara et de la science politique classique. Il est indéniable que les travaux récents ont fait avancer notre connaissance des changements dans la vie politique africaine. 

Par exemple, de nouvelles études mettent en lumière la large diffusion des systèmes dominés (mais non monopolisés) par un seul parti, la fragmentation récurrente des groupes d’opposition en un grand nombre de partis faibles et volatiles, le rôle des identités ethniques et des réseaux clientélistes dans la mobilisation des électeurs, les limitations structurelles vécues par les partis lorsqu’il s’agit de mettre sur pied des organisations efficaces, la faible capacité des nouveaux partis en matière d’élaboration de politique et le faible degré général d’institutionnalisation des systèmes de partis sur le continent. 

En dépit des progrès réalisés, les travaux de recherche sur les partis africains sont demeurés insuffisants. Bien sûr, les récentes études ont fait avancer notre connaissance des changements politiques sur le continent africain, mais ni l’élaboration de cadres théoriques ni la collecte de données empiriques n’ont atteint un degré de développement satisfaisant. 

Les théoriciens doivent s’interroger sur l’applicabilité des modèles de la science politique contemporaine aux réalités africaines et approfondir leur connaissance de questions spécifiques, notamment la relation entre les bases ethnique, clientéliste et personnaliste des partis politique et les schémas de transformation suivis par les systèmes de partis dans la région. 

La recherche empirique doit quant à elle combler en tout premier lieu les lacunes qui existent dans les données sur le fonctionnement des partis (programme, organisation, développement) ; une tâche colossale mais indispensable pour enrichir les connaissances existantes et contribuer à l’élaboration de nouvelles théories.
Notes

[1]

S. Mozaffar, « Introduction », Party Politics, vol. 11, n° 4, 2005, p. 395-398.
[2]

Voir S. P. Huntington, Political Order in Changing Societies, New Haven et Londres, Yale University Press, 1968 ; J. La Palombara et M. Weiner (eds), Political Parties and Political Development, Princeton, Princeton University Press, 1966; J. Coleman et C. Rosberg (eds), Political Parties and Pational Integration in Tropical Africa, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1966 ; A. Zolberg, Creating Political Order. The Party-States of West Africa, Chicago, Rand Mc Nally, 1966.
[3]

Voir J. S. Coleman, « The development syndrome : differentiation-equality-capacity », in L. Binder, J. S. Coleman et al., Crises and Sequences in Political Development, Princeton, SSRC’s Committee on Comparative Politics, Princeton University Press, 1971, p. 74 ; S. P. Huntington, Political Order…, op. cit., p. 12 et G. Sartori, « Political development and political engineering », in J. D. Montgomery et A. O. Hirschman (eds), Public Policy, Cambridge, Harvard University Press, 1968, p. 262-263.

[4]

Parmi les études comparatives de ce type, voir M. Bratton et N. Van de Walle, Democratic Experiments in Africa. Regime Transitions in Comparative Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1997 ; Afrobarometer Network, Afrobarometer Round 2 : Compendium of Results from a 15-Country Survey, Working paper, 2004 <www.afrobarometer.org> ; D. Nohlen, M. Krennerich et B. Thibaut (eds), Elections in Africa. A Data Handbook, Oxford, Oxford University Press, 1999 ; S. I. Lindberg, « Consequences of electoral systems in Africa : a preliminary inquiry », Electoral Studies, n° 24, 2005, p. 41-64 ; M. Bratton et R. Mattes, « Support for democracy in Africa : intrinsic or instrumental ? », British Journal of Political Science, vol. 31, n° 1, 2001, p. 447-474 ; M. Kuenzi et G. Lambright, « Party systems and democratic consolidation in Africa’s electoral regimes », Party Politics, vol. 11, n° 4, 2005, p. 423-446 ; V. Randall et L. Svåsand, « Introduction : the contribution of parties to democracy and democratic consolidation », Democratization, vol. 9, n° 3, 2002, p. 1-10 ; N. Van de Walle, African Economies and the Politics of Permanent Crisis, 1979-1999, Cambridge, Cambridge University Press, 2001 ; D. Stasavage, « Democracy and education spending in Africa », American Journal of Political Science, vol. 49, n° 2, 2005, p. 343-358.
[5]

M.-C. Ercolessi, « Stato-partito del MPLA e nomenklatura nell’Angola degli anni ‘90 », et M. Zamponi, « Zimbabwe : nazionalismo, patriottismo e anti-imperialismo nella strategia della ZANU-PF (2000-2005) », Afriche e Orienti, vol. 8, n° 1, 2006, p. 29-48 et 49-68.

[6]

Voir par exemple T. Lodge, « The ANC and the development of party politics in modern South Africa », Journal of Modern African Studies, vol. 42, n° 2, 2004, p. 189-219 ; A. Butler, « How democratic is the African National Congress ? », Journal of Southern African Studies, vol. 31, n° 4, 2005, p. 719-736 ; R. Thiven, « The Congress party model : South Africa’s African National Congress (ANC) and India’s Indian National Congress (INC) as dominant parties », African and Asian Studies, vol. 4, n° 3, 2005, p. 271-300.
[7]

C. Clapham (ed.), African Guerrillas, Oxford, James Currey, 1998.

[8]

L. Rakner et L. Svåsand, « From dominant to competitive party system. The Zambian experience 1991-2001 », Party Politics, vol. 11, n° 4, 2005, p. 56; M. K. C. Morrison, « Political parties in Ghana through four Republics : a path to democratic consolidation », Comparative Politics, vol. 36, n° 4, 2004, p. 431.

[9]

Sur le Ghana, voir P. Nugent, « Living in the past : urban, rural and ethnic themes in the 1992 and 1996 elections in Ghana », Journal of Modern African Studies, vol. 37, n° 2, 1999, p. 287-319, et « Winners, losers and also rans : money, moral authority and voting patterns in the Ghana 2000 election », African Affairs, n° 100, 2001, p. 405-428. Sur le Mozambique, voir A. M. Gentili, « Staying power : il Frelimo dal marxismo al liberismo », Afriche e Orienti, vol. 8, n° 1, 2006, p. 5-28.

[10]

G. Erdmann, « Party research: Western European bias and the “African labyrinth” », Democratization, vol. 11, n° 3, 2004, p. 66.

[11]

R. Gunther et L. Diamond, « Species of political parties. A new typology », Party Politics, vol. 9, n° 2, 2003, p. 167-199 (p. 173 pour le tableau).

[12]

R. Sklar, « The nature of class domination in Africa », Journal of Modern African Studies, vol. 17, n° 4, 1979, p. 531-552.
[13]

N. Kasfir, The Shrinking Political Arena. Participation and Ethnicity in African Politics with a Case Study of Uganda, Berkeley, University of California Press, 1976, p. 244.
[14]

N. Kasfir, The Shrinking Political Arena…, op. cit., 1976, 25 et suiv. ; et G. Prunier, The Rwanda crisis. History of a genocide, Londres, Hurst, 1997 [1995], p. 76.
[15]

G. M. Carbone, « Continuidade na renovação ? Ten years of multiparty politics in Mozambique : roots, evolution and stabilisation of the Frelimo-Renamo party system », Journal of Modern African Studies, vol. 43, n° 3, 2005, p. 424.

[16]

G. M. Carbone, « Political parties in a “no-party democracy”. Hegemony and opposition under “Movement democracy” in Uganda », Party Politics, vol. 9, n° 4, 2003, p. 485-502.
[17]

O. Kirchheimer, « The transformation of the Western European party system », in J. LaPalombara et M. Weiner (eds), Political Parties and Political Development, Princeton, Princeton University Press, 1966, p. 177-200 ; A. Panebianco, Modelli di partito. Organizzazione e potere nei partiti politici, Bologne, Il Mulino, 1982.

[18]

R. Marcus et A. Ratsimbaharison, « Political parties in Madagascar. Neopatrimonial tools or democratic instruments ? », Party Politics, vol. 11, n° 4, 2005, p. 497.

[19]

D. Horowitz, A Democratic South Africa ? Constitutional Engineering in a Divided Society, Berkeley, University of California Press, 1991 ; V. Randall et L. Svåsand, « Party institutionalization in new democracies », Party Politics, vol. 8, n° 1, 2002, p. 5-29.
[20]

G. Erdmann, « Party research… », art. cit., p. 71.

[21]

S. Ndegwa, « Kenya : third time lucky ? », Journal of Democracy, vol. 14, n° 3, 2003, p. 147.
[22]

M. Dogan et D. Pelassy, How to Compare Nations. Strategies in Comparative Politics, Chatham, Chatham House, 1990, p. 87 et 90.
[23]

R. Marcus et A. Ratsimbaharison, « Political parties in Madagascar… », art. cit., p. 497 et 503.

[24]

R. Lemarchand, « Political clientelism and ethnicity in tropical Africa : competing solidarities in nation-building », American Political Science Review, vol. 66, n° 1, 1972, p. 83.

[25]

P. Manning, Francophone sub-Saharan Africa, 1880-1995, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, p. 153 ; C. Boone, « The making of a rentier class : wealth accumulation and political control in Senegal », Journal of Development Studies, vol. 26, n° 3, 1990, p. 425 ; J. Barker, « Political factionalism in Senegal », Canadian Journal of African Studies, vol. 7, n° 2, 1973, p. 287-303.
[26]

R. Gunther et L. Diamond, « Species of political parties… », art. cit., p. 167-199.
[27]

Dennis Austin, cité par R. H. Jackson et C. Rosberg, Personal Rule in Black Africa. Prince, Autocrat, Prophet, Tyrant, Berkeley, University of California Press, 1982, p. 43.

[28]

La théorie du choix rationnel, pourtant largement employée pour décrire les démocraties industrielles, n’a pratiquement jamais été utilisée pour étudier les partis africains. Parmi les exceptions figurent S. Mozaffar et J. Scarritt, « The puzzle of African party systems », Party Politics, vol. 11, n° 4, 2005, p. 399-421 et S. A. Block, K. E. Ferree et S. Singh, « Multiparty competition, founding elections and political business cycles in Africa », Journal of African Economies, vol. 12, n° 3, 2003, p. 444-468.
[29]

Sur la théorie de S. Rokkan, voir P. Flora, S. Kuhnle et D. Urwin, State Formation, Nation-Building and Mass Politics in Europe. The Theory of Stein Rokkan, Oxford, Clarendon Press, 1999.
[30]

S. M. Lipset et S. Rokkan (eds), Party Systems and Voter Alignments. Cross-National Perspectives, New York, The Free Press, 1967.

[31]

E. Obadare, « In search of a public sphere : the fundamentalist challenge to civil society in Nigeria », Patterns of Prejudice, vol. 38, n° 2, 2004, p. 181-182 ; P. Lewis, « Nigeria : elections in a fragile regime », Journal of Democracy, vol. 14, n° 3, 2003, p. 141.
[32]

P. Nugent, Big Men, Small Boys and Politics in Ghana. Power, Ideology and the Burden of History, 1982-1994, Londres, Pinter, 1995.
[33]

N. Van de Walle, « Presidentialism and clientelism in Africa’s emerging party systems », Journal of Modern African Studies, vol. 41, n° 2, 2003, p. 303-304.
[34]

S. Mozaffar et J. Scarritt, « The puzzle… », art. cit., p. 413.
[35]

S. I. Lindberg, « Consequences of electoral systems… », art. cit., p. 56 et 59.

[36]

M. Bogaards, « Crafting competitive party systems : electoral laws and the opposition in Africa », Democratization, vol. 7, n° 4, 2000, p. 168 et 170.
[37]

Ibid., p. 177 et suiv.
[38]

T. J. Pempel, Uncommon Democracies. The One-Party Dominant Regimes, Ithaca, Cornell University Press, 1990.

[39]

Voir H. Giliomee et C. Simkins, « The dominant party regimes of South Africa, Mexico, Taiwan and Malaysia : a comparative assessment », in H. Giliomee et C. Simkins (eds.), The Awkward Embrace. One-Party Domination and Democracy, Amsterdam, Harwood Academic, 1999, p. 1-45 ; M. Bogaards, « Counting parties and identifying dominant party systems in Africa », European Journal of Political Research, vol. 43, n° 2, 2004, p. 173-197 ; M. Basedau, « A preliminary inquiry into the causes of one-party dominance in contemporary sub-Saharan Africa », communication orale à la conférence ECPR de Budapest, septembre 2005 ; J. Ishiyama et J. J. Quinn, « African phoenix ? Explaining the electoral performance of the formerly dominant parties in Africa », Party Politics, vol. 12, n° 3, 2006, p. 317-340.
[40]

G. Sartori, Parties and Party Systems. A Framework for Analysis, Cambridge, Cambridge University Press, 1976, p. 230, tableau 30.
[41]

Ibid., p. 230-231.
[42]

M. Basedau, A Preliminary Inquiry…, op. cit., p. 26.
[43]

H. Giliomee et C. Simkins, « The dominant party regimes… », art. cit., p. 2.
[44]

M. Bogaards, « Crafting competitive party… », art. cit., p. 184 ; M. Kuenzi et G. Lambright, « Party systems and democratic consolidation… », art. cit.
[45]

L. Rakner et L. Svåsand « From dominant to competitive party system… », art. cit., p. 52 ; M. Basedau, A Preliminary Inquiry…, op. cit., p. 22-23.
[46]

P. Mair, Party System Change. Approaches and Interpretations, Oxford, Oxford University Press, 1997.
[47]

S. Mainwaring et T. Scully (eds), Building Democratic Institutions : Party Systems in Latin America, Stanford, Stanford University Press, 1995.
[48]

Ibid., p. 1.

[49]

S. Mainwaring, « Party systems in the third wave », Journal of Democracy, vol. 9, n° 3, 1998, p. 68.
[50]

V. Randall et L. Svåsand, « Party institutionalization… », art. cit.

[51]

M. Kuenzi et G. Lambright, « Party system institutionalisation in 30 African countries », Party Politics, vol. 7, n° 4, 2001, p. 437-468 ; V. Randall et L. Svåsand, « Political parties and democratic consolidation in Africa », Democratization, vol. 9, n° 3, 2002, p. 30-52 ; M. Kuenzi et G. Lambright, « Party systems and democratic consolidation… », art. cit.
[52]

L. Rakner et L. Svåsand, « From dominant to competitive party system… », art. cit. ; R. Marcus et A. Ratsimbaharison, « Political parties in Madagascar… », art. cit. ; G. M. Carbone, « Continuidade na renovação ?… », art. cit.
[53]

S. Mozaffar et J. Scarritt, « The puzzle… », art. cit.
[54]

M. Bogaards, « Dominant party systems and volatility in Africa : a comment on Mozaffar and Scarritt », Party Politics, à paraître, p. 7 et 10 ; M. Kuenzi et G. Lambright, « Party system institutionalisation…», et « Party systems and democratic consolidation…», art. cit.
[55]

N. Van de Walle, « Presidentialism and clientelism… », art. cit., p. 300 et suiv. ; S. Mozaffar et J. Scarritt, « The puzzle… », art. cit.
[56]

M. Bogaards, « Dominant party systems… », art. cit., p. 11.
[57]

M. Kuenzi et G. Lambright, « Party system institutionalisation… », art. cit.
[58]

L. Rakner et L. Svåsand, « From dominant to competitive party system… », art. cit., p. 54, 59 et 64.
[59]

R. Marcus et A. Ratsimbaharison, « Political parties in Madagascar… », art. cit., p. 506 et suiv.
Résumé

Français 


L’introduction de réformes démocratiques depuis les années 1990 a entraîné en Afrique une résurgence du multipartisme, qui a produit une rupture dans la vie politique du continent ainsi que dans son étude. De nouvelles analyses ont été produites, articulées aux théories et concepts de la science politique « classique ». Quels résultats ont été obtenus ? Quels sont les enjeux soulevés par ce retour au pluralisme ? Quelle est la pertinence des modèles, des théories et des approches utilisés pour les comprendre? Les recherches récentes ont fait avancer la connaissance des changements politiques en Afrique, mais des progrès restent à faire dans l’élaboration des cadres théoriques comme dans la collecte des données empiriques.

English


Understanding parties and party systems in AfricaThe introduction of democratic reforms in the 1990s sparked a resurgence of multipartism in Africa, which entailed a discontinuity in both the continent’s politics and in its study. A wave of new analyses was produced that were largely based on established political science. What results and advances were obtained ? What are the key issues raised by the return of party pluralism in Africa ? What is the utility of existing models, theories and approaches for its understanding ? While recent research efforts unquestionably advanced our knowledge of the changing politics of the continent, neither side of the balance – the elaboration of theoretical frameworks and the detail of empirical knowledge – has achieved adequate levels of development as yet.

Plan de l'article
La genèse des partis politiques en Afrique
L’étude des partis politiques africains : le rôle croissant de la science politique classique
Les partis sont des organisations ; les partis africains sont-ils organisés ?
Les modèles de partis existants et les partis africains
Quel type de système de partis ?

Les sociétés et les systèmes de partis africains: une approche sociologique
Le rôle des institutions : une approche par les systèmes électoraux
La dynamique interne des systèmes de partis : une approche morphologique
L’enjeu de la consolidation démocratique : l’approche de l’institutionnalisation des systèmes de partis

_______________ 

Giovanni M. Carbone
Università degli Studi, Milan
Traduit de l’anglais par Annabelle Larouche St-Sauveur     

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