mercredi 5 août 2015

D’Albert Lubaki à JP.Mika: la peinture moderne en RDC en 7 dates

le 11-07-2015

 

Le président Sarkozy revu et corrigé par Pathy Schindele, dans la série It's My KIngs.Fondation Cartier

A partir de ce 11 juillet, la Fondation Cartier accueille 350 oeuvres représentant 90 ans d'art moderne et contemporain à la République démocratique du Congo. 


Qui sont les principaux artistes congolais ? Leurs thèmes de prédilection ? Leurs modèles ? Quels sont les principaux courants artistiques que ce pays a connus ? Réponses en 7 dates.

1926 : Les artistes précurseurs

L’administrateur belge Georges Thiry découvre à Bukama, au Katanga, des cases peintes. Il fait la connaissance de l’auteur de ces peintures Albert Lubaki, tailleur d’ivoire, et de son épouse Antoinette Lubaki qui est, elle aussi, artiste. Fasciné par la beauté de leur travail, Thiry décide de leur fournir du papier et des aquarelles pour qu'ils retranscrivent leurs œuvres sur un support plus résistant. Georges Thiry renouvelle l’expérience à Kasaï Occidental où il est affecté par la suite et où il fait la connaissance de Djilatendo qui est, lui aussi, peintre de cases.

Dès la fin des années 1920, le couple Lubaki et Djilatendo livrent leurs premières œuvres sur papier. Souvent figuratives, parfois abstraites, mais toujours très stylisées, elles traitent de thèmes liés à la nature, à la vie quotidienne, aux fables locales et aux rêves. Ces artistes que Georges Thiry fait connaître en Europe sont considérés aujourd’hui comme les grands précurseurs de la peinture moderne congolaise.

1929 : Premières expositions en Europe


 

Fondation Cartier

Grâce aux efforts déployés par Georges Thiry, les aquarelles de Lubaki sont présentées pour la première fois en Europe, au palais des Beaux-Arts de Bruxelles. L’exposition qui rassemble 163 aquarelles de l’artiste représentant « l’imagerie de la brousse » et la vie au village, circule en Europe : à Genève en 1930, puis à Paris en 1931. Quant à Djilatendo, ses œuvres sont montrées pour la première fois en Occident en 1931, à la Galerie du Centaure de Bruxelles où celles-ci côtoient des travaux des peintres aussi prestigieux que René Magritte et Paul Delvaux.

1946 : « Le Hangar », le premier atelier

Près de vingt ans après la découverte des artistes précurseurs par l’administrateur Thiry, une nouvelle page dans la peinture congolaise s’ouvre sous l’impulsion d’un Français Pierre Romain-Desfossés qui fonde en 1946, à Elisabethville (aujourd’hui Lumumbashi), l’académie d’Art indigène, plus connu sous le nom d’ « atelier du Hangar ». Racontée par Thomas Bayet dans le catalogue de l’exposition Beauté Congo, l’histoire du Hangar a une dimension quasi-initiatique.

Rallié à De Gaulle pendant la guerre, Romain-Desfossés est envoyé à Brazzaville en 1944 par le gouverneur général Félix Eboué en personne pour s’occuper de l’art et de l’artisanat dans les colonies de l’Afrique centrale. L’homme préfère s’installer dans le Congo belge où la vie culturelle et intellectuelle est particulièrement foisonnante. Il crée le Hangar pour pouvoir aider les jeunes artistes. Les jeunes que Romain-Desfossés recrute passent par un test d’entrée qui permet de mesurer leur aptitude à la peinture. Ceux qui sont admis touchent un revenu régulier afin de pouvoir se consacrer pleinement à la peinture. L’atelier met à leur disposition le matériel pour peindre. L’objectif du mécène français n’était pas d’apprendre à ses disciples à peindre à la manière européenne, mais plutôt de les aider à exprimer leur art et leur personnalité, en s’appuyant sur des traditions ancestrales en matière de représentation.

Trois artistes se distinguent au sein de l’atelier du Hangar par leur style et leur technique d’une étonnante inventivité : Bela, Pilipili Mulongoy et Mwenze Kibwanga. Leurs œuvres qui témoignent d’une grande maîtrise de couleurs et de nuances, connaissent un véritable engouement au Congo comme à l’étranger. A la mort de Pierre Romain-Desfossés en 1954, l’atelier du Hangar est intégré à l’académie de Beaux-Arts d’Elisabethville où le trio Bela-Mulongoy-Kibwanga travailleront en tant que professeur de dessin et de peinture.

1951 : Influence des académies d’art

Les années 1950 correspondent à l’entrée en scène des académies d’art qui deviendront rapidement le terreau du renouveau de l’art congolais. Fondée en 1951, l’académie des Beaux-Arts d’Elisabethville compte parmi les premières écoles interraciales du Congo belge et propose des formations en dessin, architecture, céramique, peinture et sculpture. Joseph Kabongo, Mode Muntu, Jean-Bosco Kamba, Floribert Mwembia, qui ont marqué profondément l’art congolais faisaient partie des premiers diplômés de cette académie. Certains de ces artistes furent invités à prendre part à des expositions en Belgique telles que Jeunes peintres congolais au Kursaal d’Ostende en 1956 et à l’Exposition universelle de Bruxelles de 1958. Quant à l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, elle a été créée en 1943, mais elle n'a pris son envol qu'après l’indépendance de la RDC en 1960. Elle a surtout formé des artistes officiels qui ont réalisé des commandes publiques.

1978 : Triomphe des peintres populaires


 

Oui, il faut réfléchir (2014) par Chéri SambaAriane Poissonnier/Fondation Cartier

L'exposition « Art partout » qui se tient à Kinshasa en 1978 favorise l’émergence du mouvement « artistes populaires » qui met fin à la longue domination du classicisme formel des artistes académiques, trop proches des traditions figuratives européennes. Les jeunes artistes qui arrivent sur le devant de la scène à partir des années 1970 avaient commencé leurs carrières comme peintres publicitaires, décorateurs ou illustrateurs. Fascinés par l’environnement urbain et soucieux de la mémoire collective, ils produisent une nouvelle forme de peinture figurative s’inspirant d’événements quotidiens, politiques et sociaux, dans laquelle toute la population se reconnaît.

Les grandes figures de ce mouvement d'art populaire ont pour nom Moke, Pierre Bodo, Chéri Chérin et Chéri Samba. Leurs sujets relèvent de la critique politique et sociale, dont la portée est renforcée par le choix des couleurs inédites et surprenantes. Les tableaux comportent parfois des textes explicatifs mêlant humour et dérision. Ce courant de l’art populaire est perpétué aujourd’hui par une nouvelle génération d’artistes dont les plus connus sont JP Mika et Monsengo Shula. Mika est le plus jeune des peintres populaires exposés à Paris.

2003 : Défense et illustration de l’art expérimental

On assiste à un nouveau tournant avec la création en 2003 du collectif « Eza possibles » (« c’est possible », en lingala). Ce collectif qui regroupe une douzaine d’artistes dont Kura Shomali, Pathy Tshindele et Mega Mingiedi Tunga. Ces artistes rejètent toute forme d’art conventionnel et établi et prônent un art expérimental, pluridisciplinaire et résolument urbain. Le spectacle de la ville et du monde traversés par le désastre aussi psychique qu’écologique inspire leurs œuvres qui épousent de nouvelles formes d’expression artistique, telles que les performances, les installations, les collages, les happenings. La série It’s My Kings de Pathy Tshindele représentant les grands chefs d’Etat habillés en rois Kuba, est emblématique de l’art nouveau que pratique cette jeune génération, mêlant politique, tradition, critique sociale et radicalité de forme et d’imagination.

2015 : « Congo Kitoko » ou « Beauté Congo »


 

© JP Mika

La Fondation Cartier pour l'art contemporain, à Paris, accueille une exposition exceptionnelle réunissant 90 ans d’art moderne et contemporaine congolaise. C' est une « première », selon André Magnin commissaire de l’exposition. «Congo Kitoko» est une manifestation qui fera date.

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Tirthankar Chanda
 

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