dimanche 2 août 2015

Le trafic d’êtres humains : des vies achetées et vendues

29 juillet 2015



Des millions d'hommes, de femmes et d'enfants à travers le monde sont actuellement victimes du trafic d’êtres humains, achetés et vendus comme des marchandises, forcés à se prostituer et à travailler.

On retrouve ce commerce aux quatre coins du monde, et il s’agit d’une activité lucrative. Le Bureau international du Travail estime que le travail forcé génère 150 milliards de dollars en profits illégaux chaque année. Deux tiers provient de l'exploitation sexuelle.



Mais qui sont les personnes derrière les chiffres ? Kemi et Bilkisu, du Nigeria, Jane du Royaume-Uni et Gabby des États-Unis décrivent comment ils sont tombés aux mains des trafiquant.


L'histoire de Kemi, du Nigéria



Des milliers de femmes et de filles d'Afrique de l'Ouest sont achetées et vendues chaque année, la plupart finissent en Europe. L’Office des Nations Unies contre la Drogue considère que les victimes de la traite Afrique de l'Ouest, dont beaucoup sont originaires du Nigéria, représentent environ 10 % de celles qui sont forcées à se prostituer en Europe occidentale.

Bénin City, dans le sud du Nigéria, est une plaque tournante où l’on retrouve des réseaux et des infrastructures construites autour de la traite des personnes.

Dans la ville, les trafiquants cherchent des filles qui veulent voyager et les incitent en leur promettant du travail et l'éducation des possibilités de poursuivre leurs études. On leur offre de faux papiers mais elles savent qu’elles devront rembourser le coût du transport une fois qu’elles auront atteint leur destination.

Une fois recrutées, ces filles sont souvent forcées à participer à des rituels pour veiller à ce qu’elles respectent les règles.

Une ancienne trafiquante de Bénin City a décrit la façon dont les trafiquants prélèvent des fragments de tissu des vêtements des filles, des cheveux, des aisselles et poils pubiens afin de les remettre à un prêcheur lors d’une cérémonie traditionnelle. L’objectif est de s’assurer que les filles rembourseront leurs dettes.

"Avec toutes ces choses qui viennent d’elles, elles ont peur de ce qui pourrait arriver", dit-elle.

Kemi est tombée aux mains des trafiquants et subi leurs mensonges. On lui avait promis une nouvelle vie en Italie qui aurait pu lui permettre de subvenir aux besoins de sa famille.

"Ils m’ont dit qu’ils voulaient me donner une nouvelle vie, uniquement pour nous rendre heureux.



A son arrivée en Italie, Kemi, une catholique, s’est rapidement rendu compte que la réalité de sa nouvelle vie était loin de ce qui lui avait été promis.

On lui a dit qu'elle devrait travailler se prostituer. Comme elle a refusé, elle n’avait rien à manger et on lui a confisqué son téléphone. Elle a donc été contrainte de faire ce qu’on lui demandait.

"En fin de compte, j’ai travaillé trois ans et trois mois" avoue-t-elle.

Elle les envoie dans les meilleures écoles avec l'argent que je gagnais avec mon corps".Kemi, victime de traffiquants

Pendant tout ce temps, Kemi a versé un total de 27 000 euros (30 000 dollars) aux trafiquants même si cela ne les satisfaisait toujours pas.

Elle a finalement trouvé la force de quitter leurs griffes et s’est réfugiée chez des amis. Cependant, quelque temps plus tard, elle a été expulsée par les autorités italiennes et renvoyée au Nigéria.

N’ayant rien économisé lorsqu’elle était à l'étranger, Kemi a décidé de ne pas retourner dans sa famille.

"
 

J’avais honte de rentrer à la maison" admet-elle en pleurant. "J’ai honte de revenir sans rien."

Aujourd’hui, traumatisée par son expérience, elle ne ressent que de la colère envers les trafiquants.

"Ils sont diaboliques" affirme-t-elle. "La femme qui m'a envoyée a deux filles. Elle les envoie dans les meilleures écoles avec l'argent que je gagnais avec mon corps".
Bilkisu et l'histoire de Jane, au Royaume-Uni

Des centaines de victimes du trafic viennent du Nigéria et finissent au Royaume-Uni, où elles sont souvent exploitées sexuellement ou forcées à subir une vie de servitude domestique.

Selon l'Agence nationale de la criminalité, parmi les 2 000 victimes potentielles signalées aux autorités britannique en 2014, 244 venaient du Nigéria, une augmentation de 31 % par rapport à l'année précédente. Le seul pays avec un plus grand nombre de victimes potentielles était Albanie.

Bilkisu a quitté le Nigéria pour se rendre au Royaume-Uni sous de faux prétextes. Dès l'âge de 15 ans, elle a été maintenue comme esclave, travaillant de longues heures sans être payée pendant près de 10 ans.

Ce préjudice est toujours là et, je ne sais pas, il sera peut-être là pour toujours et à jamais".Bilkisu, victime de traffiquants

On lui a promis un toit pour vivre avec son oncle et la chance de poursuivre ses études ainsi que de fournir sa famille avec un revenu supplémentaire. Elle a quitté son pays natal dans l'espoir d'une vie meilleure.

Cependant, une fois qu'elle a atteint le Royaume-Uni, elle s’est trouvée forcée de faire le ménage et de garder des enfants pour la famille de son oncle. Elle commençait son travail à 05h00 et ne finissait jamais avant 21h00.

"Aider les enfants à se préparer pour l'école, les doucher, leur donner le petit déjeuner, repasser les vêtements", explique-t-elle en décrivant sa routine quotidienne. "Et ma tante et mon oncle, je préparer leurs vêtements aussi pour qu’ils aillent travailler".

Je me sentais seule... On sait quand on est dans un trou, qu’il n'y a pas de lumière. C’est tout noir. L’obscurité partout. C’était mon cas."

Bilkisu, victime de traffiquants du Nigéria jusqu'au Royaume-Uni
BBC

Pendant la journée, Bilkisu devait nettoyer l'appartement de trois chambres de haut en bas. Si sa tante n’était pas satisfaite du travail accompli, elle était battue.

"Je me sentais seule ... Vous savez quand vous êtes à l'intérieur d'un trou et qu’il n'y a pas de lumière. C’est tout noir. L’obscurité partout. C’était mon cas".

En neuf ans chez son oncle et sa famille, Bilkisu n’a pas eu un seul jour de congé et n'a jamais reçu de salaire.

Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans qu'elle a tenté une série de tentatives désespérées pour obtenir de l'aide. Elle s’est finalement réfugiée, avec l'aide du pasteur, dans son église locale.

Mais comme on lui a volé son enfance, elle a encore du mal à se faire des amis.

"Je ne sais pas comment me faire des amis", explique-t-elle. "Ce préjudice est toujours là et, je ne sais pas, il sera peut-être là pour toujours et à jamais".
"13 000 enfants exploités au Royaume-Uni"

Contrairement à Bilkisu, de nombreuses victimes de trafics d’enfants au Royaume-Uni sont achetés et vendus dans le pays. Le gouvernement britannique estime qu'il y a actuellement 13 000 enfants exploités de cette manière.

Jane avait juste 13 ans quand on a abusé d’elle. Elle a ensuite été victime d’exploitation sexuelle à travers le Royaume-Uni.

Tout a commencé alors qu'elle était encore à l'école. Un homme âgé de 70 ans, qui savait qu'elle avait une vie familiale instable, a commencé à lui offrir des cadeaux et à la déposer ici et là en voiture.

Ils m’ont brûlé les cheveux, ils m'ont abîmé une partie du visage. Ils ont essayé de me tremper dans l'essence et de mettre le feu".Jane, victime d'abus sexuels

Il lui a vite demandé de le rembourser en pratiquant des actes sexuels et, peu à peu, au fil du temps, il a permis à des hommes venant d’Asie d’en faire autant avec Jane.

Dans un premier temps, les hommes la conduisaient où elle voulait en voiture, lui offrait de la drogue et prenait des photos inappropriées d’elle. Mais tout a très vite dégénéré.

"En quelques semaines, l’un des hommes, le plus âgé d’entre eux a fermé à clé et voulait qu’on ait des rapports sexuels. Ils ont fait des vidéos, ils ont pris des photos, ils m’ont donné des médicaments à avaler".

Les hommes seraient devenus violents et auraient menacé sa famille si elle s’était opposée à eux.

"Ils me jetaient hors de la voiture. Ils m’ont brûlé les cheveux, ils m'ont abîmé une partie du visage. Ils ont essayé de me tremper dans l'essence et de mettre le feu", dit-elle.

"J’avais peur de ce qui se passait. Je pense que parce que cela a commencé à un âge précoce, après un certain temps vous croyez juste que voilà c’est ce que vous valez".

Cela a continué pendant neuf ans, parfois tous les jours. Son calvaire a été aggravé, dit-elle, parce que la police et d'autres organismes ne croyaient pas qu'elle était la victime. Elle a finalement échappé aux griffes des gangs en communiquant avec l'Armée du Salut.

L'histoire de Gabby, aux États-Unis



C’est une histoire similaire aux États-Unis, où des dizaines de milliers d'enfants sont victimes de trafics liés à la prostitution. Le Federal Bureau of Investigation (FBI) affirme que l'exploitation des enfants est à "des niveaux quasi-épidémiques ".

Gabby, de Baltimore, dit qu'elle a été abusée par son père alors qu'elle avait 8 ans et ceci jusqu'à l'âge de 12 ans. Depuis, cette relation a selon elle influencé la façon dont elle interagit avec les hommes.

"J’ai appris très tôt qu’on pouvait obtenir ce qu’on veut par le biais des faveurs sexuelles", dit-elle.

Gabby a été abusée par son père et a fini dans la rue

Gabby dit qu’elle s’est tournée vers la drogue et qu’elle a entamé une relation avec un toxicomane qui, des années plus tard, l'a poussée à se prostituer.

"Son proxénète – petit-ami – l’attendait dans sa voiture dans un certain coin pour qu'elle sache qu'il n’était pas loin.

Gabby a réussi à échapper à la rue et à quitter son petit ami et, avec la thérapie, elle a commencé à essayer de donner un sens à ce qui lui est arrivé. Mais elle dit pour la plupart des jeunes filles dans les rues, perdues, effrayées et prises au piège dans ces relations, s’en sortir peut être une question de vie ou de mort.

Si vous ou quelqu'un que vous connaissez a été affecté par le trafic :

Au Nigéria, contactez l 'Agence nationale pour l'interdiction du trafic des personnes (NAPTIP) sur 07030000203, 0800CALLNAPTIP (08002255627847) sans frais.

Au Royaume-Uni appelez le service d'assistance téléphonique de l'esclavage moderne au 0800 0121 700 géré par le Home Office, mais si vous ou quelqu'un d'autre est en danger, appelez la police au 999.

Aux Etats-Unis, le National Human Trafficking Centre de ressources au 1-888-3737-888. En cas d’urgence, le 911.

Producteurs au Nigeria : Sam Piranty; au Royaume-Uni : Jacky Martins; aux Etats-Unis Lindle Markwell, Sarah Svoboda et Sam Piranty

Production Web par Lucy Rodgers, Dominic Bailey et Gerry Fletcher.

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