| le carnet de Colette Braeckman
L’ « affaire Zoe Kabila » qui avait commencé lorsque les membres de la garde républicaine, chargés d’assurer la sécurité du frère du chef de l’Etat, s’en étaient pris mardi dernier à des agents de police, qui réglaient la circulation à la hauteur du rond point Socimat, s’est terminée par la mise aux arrêts des militaires et l’ouverture d’une enquête. Quant aux policiers, ils récupèrent des coups et blessures et, d’après les médecins, leur état s’améliore.
La conclusion judiciaire qui sera donnée à cette affaire suffira-t-elle à dissiper le malaise ?
Beaucoup de questions restent posées à Kinshasa : pourquoi le frère du chef de l’Etat, qui n’occupe pas de position officielle, est il considéré et traité comme une personnalité importante ? Pourquoi la garde républicaine, sorte de corps d’élite affecté à la sécurité du président et des institutions, peut elle se permettre de rosser d’importance des agents de police, dont le seul tort était d’avoir tenté de maîtriser la circulation sur le boulevard du 30 juin ? Pourquoi les véhicules officiels, qui traversent la ville à toute vitesse, doivent ils obliger automobilistes et piétons à se ranger en hâte sur les bas côtés, au risque d’être bousculés sinon pire encore ?
Tout cela fait mauvais effet, rappelle les heures sombres du mobutisme, où les Hiboux de sinistre mémoire et les sbires de la DSP (division spéciale présidentielle) n’hésitaient pas à terroriser les opposants et agissaient comme si les lois de la république ne s’adressaient pas à eux.
Tout cela nous ramène aussi à l’affaire Tungulu, cet opposant venu de Bruxelles, qui lança ou des cailloux sur le véhicule conduit par le chef de l’Etat et fut retrouvé ensuite « suicidé » dans sa cellule du camp Tshatshi, où il avait été emmené manu militari par la garde républicaine. Depuis lors, la famille, qui réside à Bruxelles, réclame en vain le corps de Tungulu et l’opposition, qui a manifesté samedi à Bruxelles, fait de lui un martyr.
Dans la première relation que nous avions donnée de ces faits malheureux, nous avions mis en doute la version du suicide, en soulignant à quel point il était invraisemblable que dans une prison congolaise un détenu se serve de son oreiller pour se donner la mort. Tout simplement parce que draps et oreillers sont des luxes inconnus là bas. C’est ce que nous appelions une « mort non suspecte », sa version officielle n’étant pas crédible.
Mais surtout, dans un bref commentaire, nous avions esquissé une analyse politique de l’évènement, soulignant que l’échauffement des esprits démontrait que la campagne électorale était ouverte, et qu’elle s’accompagnerait probablement de provocations, destinées à pousser à la faute les forces de sécurité.
L’enquête doit encore établir si Armand Tungulu avait agi sous le coup d’une impulsion spontanée, ou dans une volonté de provocation. Mais ce qui est certain, avions nous relevé « c’est que les soldats de la garde républicaine sont nerveux et répondent brutalement à la moindre provocation » Une appréciation qui vient encore d’être confirmée par l’affaire des policiers du rond point Socimat.
Au moment de la mort d’Armand Tungulu, après avoir répercuté l’opinion de membres de la diaspora congolaise proches du disparu, nous avions ajouté, dans notre commentaire, que le régime risquait de suivre le « modèle rwandais » qui consiste à tenter de développer le pays, mais aussi « se montrer intolérant face à la contestation et ne pas craindre de tuer, plus pour l’exemple et la dissuasion que par goût de la répression. »
A moins de ne pas maîtriser le français, ou d’être de mauvaise foi au point de confondre une analyse critique avec un souhait ou une incitation au meurtre, ( !) on ne pouvait comprendre cette phrase que d’une seule manière. Face à la contestation ou la provocation, le régime Kabila risque, dans les temps qui vont précéder les élections, de mener une double politique : mettre l’accent sur les réalisations en termes de développement (les cinq chantiers) mais en même temps, mener une politique répressive face à l’opposition, afin de faire taire ceux qui seraient considérés comme des ennemis du régime. Une répression qui pourrait aller jusqu’à la violence et au meurtre…
Comment interpréter ces lignes autrement que comme une inquiétude face à des risques de dérive et de recours à la violence ? Lorsque des esprits malveillants donnent à ces considérations une interprétation exactement opposée et créent un « buzz » sur Internet, il s’agît, pour le moins, d’une violence intellectuelle…Elle indique qu’une certaine opposition congolaise, ne reculera, elle non plus, devant aucun moyen lorsqu’il s’agira, entre autres, de tenter de discréditer les journalistes indépendants, afin de les intimider, de les dissuader de faire usage de leur liberté d’opinion et de leur faculté de jugement.
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