Écrit par Jean-Pierre Mbelu |
Lundi, 30 Août 2010 12:33 |
Le samedi 28 août 2010, le site canadien Le Devoir.com a publié un article de l’AFP intitulé « Entrevue avec un enquêteur québécois du TPIR - Des crimes sur le "modèle" du génocide rwandais ». Cette petite entrevue présente l’avantage d’attirer notre attention sur quelques points essentiels du volumineux rapport du HCDH et de revenir sur la responsabilité de certains acteurs clé de la tragédie des Grands Lacs depuis les années 90 jusqu’à ce jour. Cette entrevue pourrait aussi nous permettre d’identifier quelques enquêteurs ayant contribué à l’élaboration dudit rapport, d’échanger avec eux et d’approfondir avec eux l’idée de la mise sur pied d’un Tribunal Pénal International sur la RD Congo. Que dit Luc Côté dans cette entrevue ? « «Je suis tombé des nues» au cours de cette enquête, a dit M. Côté. «Au Congo, j'ai observé des comportements que j'avais déjà vus au Rwanda» lors du génocide (avril à juillet 1994) durant lequel environ 800 000 Tutsis ainsi que des Hutus modérés avaient été assassinés. » Il ajoute : «Le fait qu'un groupe spécifique soit visé; le fait que dans des discours on appelle à "se débarrasser de tous ces Hutus", que cela se soit passé de façon systématique, que des cadavres aient été incinérés, que tout ait été fait pour cacher les preuves et empêcher des étrangers d'y aller; tout ceci, soumis à un tribunal, peut constituer des preuves permettant de conclure qu'il y a eu tentative de décimer un groupe, ce qui est considéré comme un génocide». L’article commentant le rapport souligne que « les bourreaux auraient ainsi utilisé des armes blanches, des haches et des baïonnettes pour massacrer les Hutus rwandais et congolais, souligne le texte, qui ajoute que l'immense majorité des victimes étaient des «femmes, des enfants, des personnes âgées, des malades, qui ne représentaient aucun danger pour les belligérants». » Luc Côté rejoint « les petits restes des sentinelles de la République en avouant ceci : « «Je croyais avoir vu le pire lors du génocide au Rwanda. Nous avons des témoignages du Congo qui montrent que ce qui s'est passé est tout aussi terrible que ce qui a eu lieu au Rwanda. » Le comble est qu’ « au Rwanda, cela a pris trois mois. Au Congo, cela ne s'est jamais arrêté», affirme Luc Côté. » Comme plusieurs d’entre nous le savent dorénavant, « l'actuel président rwandais, Paul Kagame, aurait fourni des armes, des munitions et des camps d'entraînement à la rébellion congolaise. Le texte pourrait servir de base à l'éventuelle inculpation du colonel James Kabarebe, un acteur clé des conflits en RDC et actuel ministre de la Défense rwandais. » Revenir sur James Kabarebe comme un acteur clé de la tragédie congolaise nous permet de comprendre, tant soit peu, pourquoi, « au Congo, cela ne s’est jamais arrêté ». Il est le parrain de Joseph Kabila. Si le texte du rapport du HCDH peut servir à son inculpation, il le peut tout autant pour Joseph Kabila et ses nervis. Ceux qui, aujourd’hui encore, entretiennent la guerre d’agression chez nous. Par action ou par omission. Quand, avant la mascarade électorale de 2006, la Haute Autorité des Médias a refusé le débat sur la congolité, elle a facilité l’infiltration dans les institutions congolaises des criminels de guerre et humanitaires ; elle a permis aux Rwandais et aux autres étrangers pouvant être inculpés de « faits de génocide » des Hutu et des Congolais(es) d’entrer dans des institutions républicaines où leurs crimes seraient couverts par l’immunité liée à leurs charges. Relancer le débat sur la congolité aiderait à étudier les possibilités de lever cette immunité pour que ces criminels soient déférés devant les cours et tribunaux et les compatriotes ayant travaillé au sein de la HAM traduits en justice pour haute trahison. Il y a là une question que « les fanatiques » des élections de 2011 ne pourraient éluder. Pourquoi cette question ne pourrait-elle pas les unir (par exemple) autour de l’un des premiers responsables de l’ASADHO, Guillaume Ngefa ; lui dont le traitement de la question « des faits de génocide » des Hutu a coûté l’exil ? En marge des compatriotes avouant qu’un pays occupé ne peut être libéré par un bulletin déposé dans une urne, les plus légalistes d’entre nous et « les fanatiques » des élections pourraient, en étudiant le dernier rapport du HCDH, trouver des questions les rassemblant et s’engager dans une quête patiente de solutions juridiques y afférentes. Cela participerait de la mise hors d’état d’agir de tous les criminels ayant infiltré nos institutions politiques. De toutes les façons, bâtir un Congo plus beau qu’avant ne pourra pas se passer d’une étude sérieuse de ce rapport et des conséquences qu’ensemble, en tant que collectivité, nous en tirerons. Il est absurde qu’au cours de notre histoire récente, le traitement des questions relevant de la souveraineté de notre pays ait été soumis un filtrage « international » et collaborationniste ridicule. Avant les élections de 2006, les Congolais(es) posant la question de l’identité des seigneurs de guerre et de leurs collaborateurs venus chez nous en 1996-1997 ont été traité de xénophobes et la question de la congolité exclue des débats inter-congolais au cours de la campagne électorale. Mais personne, à travers les Grands Lacs Africains et à travers le monde n’a osé lever le petit doigt quand, le 25 août 2010, de 58 ex-combattants des FDLR et leurs dépendants, 32 ont été reconnus Rwandais et 26 autres déclarés Congolais de Masisi par les autorités Rwandaises. Pourquoi ce travail de vérification d’identités, de recensement, a-t-il été considéré chez nous comme une question taboue ? N’est-ce pas parce que l’identification des infiltrés oeuvrant au cœur de nos institutions serait préjudiciable aux criminels de guerre, aux criminels humanitaires et aux autres coupables des « faits de génocide » ? Pour avoir refusé de regarder la réalité en face en 2006, elle vient de nous rattraper à partir d’un rapport dont la fuite avant son officielle finalisation interpelle les empêcheurs de penser en rond, les veilleurs-protecteurs de la mémoire collective de nos populations et les autres minorités d’acteurs-créateurs Congolais. Ce rapport nous interpelle sur l’une des questions essentielles restée sans réponse depuis le début de la guerre d’agression que les USA et la Grande-Bretagne (et leurs alliés occidentaux) nous font à travers le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda interposés : la question de l’institution d’une Commission Justice, Vérité et Réconciliation. Si le rapport du HCDH met en exergue la responsabilité des nègres de service Rwandais et Congolais, celle de leurs parrains occidentaux n’apparaît presque pas. Et pourtant, ne sont-ce pas ces derniers qui ont refusé que nous débattions de la congolité en 2005-2006 ? Une Commission Justice, Vérité et Réconciliation aurait l’avantage de permettre aux Congolais(es) d’aborder certaines questions restées sans réponses depuis 1996 et d’y esquisser quelques pistes de solutions. A n’en pas douter, c’est déjà bien d’identifier les acteurs africains clé de la tragédie congolaise. Mais c’est insuffisant. Il faut aller plus loin. Tant que « les faiseurs des rois » feront et déferont notre histoire sans que puissions peser de tout notre poids dans la balance des rapports de force mondiaux, instaurer un Tribunal Pénal International sur le Congo et une Commission Justice, Vérité et Réconciliation sur notre histoire seront (déjà) de bonnes solutions ; mais insuffisantes. La guerre d’agression à laquelle nous résistons depuis 1996 est entretenue par « la tribu néolibérale sans frontières », par tous les disciples internationaux de Milton Friedman ; ceux et celles qui, mus par la cupidité, travaillent à ce qu’ils considèrent comme étant « la destruction créatrice ». La guerre d’agression de basse intensité qu’ils soutiennent chez nous rentre dans cette idéologie vampiriste. Il y a encore du chemin à faire. Un long chemin de rupture dérangeante. Source: congoone |
mardi 5 octobre 2010
De « faits » de génocide des Hutu et des Congolais(es) au refus du débat sur la congolité
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