Vêtements noirs, bandeau rouge sur le front « couleur du sang congolais », plusieurs femmes membres de l’association « Mama tutelema » (Mamans debout) ont choisi de veiller, dans cette petite salle de la chaussée de Wavre, de mener le deuil et surtout de témoigner de l’engagement politique et humain d’Armand Tungulu Mudiandambu. Ce dernier a été retrouvé mort dans sa cellule du camp Tshatshi à Kinshasa, où il avait été emmené par la garde présidentielle après avoir, mercredi dernier, lancé un caillou en direction du cortège présidentiel.
« Armand était un homme engagé » explique Mme Malu, « il avait fondé une petite association « un euro pour sauver le Congo ». Il avait été particulièrement révolté par les viols pratiqués dans l’Est, par la mort du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya, et il voulait aller là bas, porter son message… » Henri Muke, président du Haut Conseil pour la libération du Congo, une association très active dans la diaspora, confirme : « Armand nous disait sa volonté d’aller témoigner sur place…Il pensait que grâce à ses nombreuses relations dans le monde politique belge, on n’oserait pas s’en prendre à lui. En outre, sa femme et ses enfants ont la nationalité belge… »Ses amis croient que mercredi midi, en voyant passer le cortège, Armand a eu un geste spontané : « il a ramassé une pierre, et a touché la jeep que conduisait Kabila. Aussitôt les gardes ont bondi, se sont saisis de lui et de deux femmes, dont une avocate qui filmait la scène. » Depuis Kinshasa, d’autres témoins nous diront que les gardes, fous de rage, s’en prirent ensuite à plusieurs ngandas (bistrots) de Lingwala où Armand Tungulu était peut-être passé avant de poser le geste qui allait lui être fatal. « C’est une provocation du même ordre que les chaussures lancées à Georges Bush par un journaliste irakien » souligne Henri Muke,
La thèse selon laquelle l’homme aurait été retrouvé mort dans sa cellule samedi matin, suicidé à l’aide d’un fil qui aurait été attaché à son oreiller ne convainct personne. « Il pesait près de 100 kilos, comment aurait il pu se pendre ? » dit l’un, tandis que d’autres rappellent que « dans les prisons du Congo, il n’y a ni drap ni oreiller ». Pour tous les Congolais de Matonge, « il est clair qu’Armand Tungulu a été battu à mort, assassiné par les gardes du président, et le maquillage du suicide est aussi grossier que les préservatifs qui avaient été déposés auprès du cadavre de Chebeya… »
Au vu de cette nouvelle mort, hélas non suspecte, on ne peut qu’avancer trois conclusions: la campagne électorale précédant les élections de 2011 a déjà commencé, elle sera dure et aura plusieurs facettes, dont les attaques directes contre Kabila, la remise en cause de ses origines (thème connu) la contestation de son action, et surtout la provocation. Sur ce terrain là, l’opposition jouera sur du velours: les services de sécurité sont nerveux, répondent brutalement à la moindre provocation; les pousse au crime ont un boulevard devant eux… Mais on peut aussi se demander si le pouvoir n’est pas séduit par le “modèle rwandais”, qui fait déjà école au Burundi: développer le pays, essayer de le faire avancer à tout va, multiplier les contrats, restaurer, autant que faire se peut, l’autorité de l’Etat et en même temps serrer la vis à l’opposition, se montrer intolérant face à la contestation et… ne pas craindre de tuer, plus pour l’exemple et la dissuasion que par goût de la répression…. (Colette Breackman)
Témoignage de Me Marie-Thérèse Nlandu à l'occasion de la mort d' Armand Tungulu
Faux quand le pouvoir de Kinshasa parle d'oreiller ou de fils d'oreiller dans la cellule qu'a occupé Armand Tungulu avant sa mort. Faux de dire que Tungulu s'est suicidé. Ce sont des mensonges d'Etat en ce qui concerne le régime de J. Kabila, dit, président du Congo, la mort dans l'âme.Pour avoir été prisonnière en RDCongo, au cachot de Kin-Mazières et ensuite à la prison de Makala/ Kinshasa, je puis témoigner que dans les cachots de Joseph Kabila, il n'y a ni lit ni drap ni oreiller ni hygiène publique.
Si Armand Tungulu a occupé une cellule individuelle, c'est qu'il a été enfermé de l'extérieur avec un cadenas et un garde surveillait de l'extérieur. Les portes des cellules individuelles sont faites de barreaux de fer, sans vitres.
J'ai aussi occupé de passage, une cellule individuelle au cachot. Ce qui me permet de décrire un cachot comme fait ci-dessus.Et toutes les cellules de cachot sont toutes pareilles à celle décrite ci-dessus.
Et quand vous êtes dans ces cachots, vous êtes pratiquement à la merci de tortionnaires. C'est un espace d'horreur.
Le 21 novembre 2006 quand je suis moi-même arrêtée à Kin-Mazières, j'ai assisté aux tortures d'un de mes gardes de corps pour le simple motif qu'il était mon garde du corps.
C'est le colonel Daniel Mukalay déjà arrêté depuis juin 2010 dans l'Affaire Floribert Chebeya, qui guidait les tortionaires exécutants "comment torturer avec méthode mon garde du corps".
Tous les coup portés sur le corps de mon garde, obligeait celui-ci à pousser des cris stridents et insupportables. C'est la première fois que je voyais que la chair des épaules pouvait se sur-lever pour rejoindre les tempes en formant un triangle.
Je me posais cette question" Qu'est-ce qui a poussé certains hommes politiques occidentaux dont belges essentiellement, à courir et à battre campagne pour un Joseph Kabila dont les hauts faits militaires sanguinaires étaient déjà connus par les services de sécurité d'Europe et des ONG des droits de l'homme?
Tungulu ne pouvait donc avoir le temps ni l'occasion de se pendre. Dans ces cachots, le garde ne vous quitte pas des yeux. Il vous accompagne jusqu'à la toilette.
Nous savons tous que Tungulu a perdu beaucoup de sang de suites de ses blessures. Il n'a bu ni mangé ni être soigné pour ses blessures pendant son court séjour au cachot.
Si déjà - pour rappel - mes 7 collaborateurs arrêtés le 20 novembre 2006, sans poser un quelconque acte flagrant, ont été torturés à mort à Kin-Mazières et par la suite mis au cachot de la prison de Makala de 2m/2 jusqu'à l'acquittement, à combien serait torturé un Tungulu saisi à la suite d'un fait flagrant entraînant même l'arrestation arbitraire de deux femmes dont Me Nicole Bondo?
Des témoignages qui me sont venus de certains témoins de Linguala, présents au lieu de l'évènement disent ce qui suit: " Après qu'il ait jeté deux pierres en direction du cortège de J.Kabila, les gardes républicaines, tous des géants, se sont dirigés vers Tungulu. Ce dernier a commencé par envoyer deux gardes républicaines par terre comme un vrai boxeur , à tout le moins un sportif bien entraîné. Il déclara à voix haute que ceux qui gouvernent notre pays, prennent tout l'argent pour eux sans penser au peuple
qui croupit dans une misère sans égale... C'est une crosse d'un garde, frappé sur la tête de Tungulu par derrière qui a fait tomber ce dernier qui a totalement perdu connaissance. C'est ainsi que, avec des mains nues, il a exprimé son ras-le-bol au régime J. Kabila".
C'est un devoir citoyen pour moi de faire ce témoignage pour l'épouse et les enfants d'Armand Tungulu.
Aux enfants et la veuve Philo Tungulu résidant en Belgique, à qui je réitère mes sincères condoléances attristées, je souhaite que cette mort violente de l'homme le plus cher de votre vie soit une source permanente de réconfort. Votre Homme est mort pour une cause noble en sacrifiant sa vie pour la pépinière de la démocratie congolaise.
Demain la Nation congolaise le hissera au Panthéon des hommes valeureux. A vous de ne jamais oublier!
Au gouvernement belge, il et temps que Mr Karel de Gucht ne soit plus seul à se battre pour l'Etat de droit au Congo, votre ancienne colonie qui ne manque pas d'hommes et de femmes capables de bien le diriger, au grand bonheur du peuple congolais, et dans le respect du droit international.
Maître Marie-Thérèse Nlandu
Human Rights lawyer
Amnesty International Prisoner of conscience 2006/7
Published By www.KongoTimes.info - © KongoTimes! - All Rights Reserved.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire