mardi 5 octobre 2010

Vêtements noirs, bandeau rouge sur le front « couleur du sang congolais

le carnet de Colette Braeckman

Vêtements noirs, bandeau rouge sur le front « couleur du sang congolais », plusieurs femmes membres de l’association « Mama tutelema » (Mamans debout) ont choisi de veiller, dans cette petite salle de la chaussée de Wavre, de mener le deuil et surtout de témoigner de l’engagement politique et humain d’Armand Tungulu Mudiandambu. Ce dernier a été retrouvé mort dans sa cellule du camp Tshatshi à Kinshasa, où il avait été emmené par la garde présidentielle après avoir, mercredi dernier, lancé un caillou en direction du cortège présidentiel.
« Armand était un homme engagé » explique Mme Malu, « il avait fondé une petite association « un euro pour sauver le Congo ». Il avait été particulièrement révolté par les viols pratiqués dans l’Est, par la mort du militant des droits de l’homme Floribert Chebeya, et il voulait aller là bas, porter son message… » Henri Muke, président du Haut Conseil pour la libération du Congo, une association très active dans la diaspora, confirme : « Armand nous disait sa volonté d’aller témoigner sur place…Il pensait que grâce à ses nombreuses relations dans le monde politique belge, on n’oserait pas s’en prendre à lui. En outre, sa femme et ses enfants ont la nationalité belge… »Ses amis croient que mercredi midi, en voyant passer le cortège, Armand a eu un geste spontané : « il a ramassé une pierre, et a touché la jeep que conduisait Kabila. Aussitôt les gardes ont bondi, se sont saisis de lui et de deux femmes, dont une avocate qui filmait la scène. » Depuis Kinshasa, d’autres témoins nous diront que les gardes, fous de rage, s’en prirent ensuite à plusieurs ngandas (bistrots) de Lingwala où Armand Tungulu était peut-être passé avant de poser le geste qui allait lui être fatal. « C’est une provocation du même ordre que les chaussures lancées à Georges Bush par un journaliste irakien » souligne Henri Muke,
La thèse selon laquelle l’homme aurait été retrouvé mort dans sa cellule samedi matin, suicidé à l’aide d’un fil qui aurait été attaché à son oreiller ne convainct personne. « Il pesait près de 100 kilos, comment aurait il pu se pendre ? » dit l’un, tandis que d’autres rappellent que « dans les prisons du Congo, il n’y a ni drap ni oreiller ». Pour tous les Congolais de Matonge, « il est clair qu’Armand Tungulu a été battu à mort, assassiné par les gardes du président, et le maquillage du suicide est aussi grossier que les préservatifs qui avaient été déposés auprès du cadavre de Chebeya… »
Au vu de cette nouvelle mort, hélas non suspecte, on ne peut qu’avancer trois conclusions: la campagne électorale précédant les élections de 2011 a déjà commencé, elle sera dure et aura plusieurs facettes, dont les attaques directes contre Kabila, la remise en cause de ses origines (thème connu) la contestation de son action, et surtout la provocation. Sur ce terrain là, l’opposition jouera sur du velours: les services de sécurité sont nerveux, répondent brutalement à la moindre provocation; les pousse au crime ont un boulevard devant eux… Mais on peut aussi se demander si le pouvoir n’est pas séduit par le “modèle rwandais”, qui fait déjà école au Burundi: développer le pays, essayer de le faire avancer à tout va, multiplier les contrats, restaurer, autant que faire se peut, l’autorité de l’Etat et en même temps serrer la vis à l’opposition, se montrer intolérant face à la contestation et… ne pas craindre de tuer, plus pour l’exemple et la dissuasion que par goût de la répression….

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