mardi 9 novembre 2010

Pierre Mbemba : « Un contentieux angolo-congolais est né de l'exploitation du pétrole congolais par l'Angola »

Le Potentiel (Kinshasa)
Freddy Mulumba Kabuayi
8 Novembre 2010

interview
Kinshasa — L'analyste politique, Pierre Mbemba a été, une fois de plus, l'hôte du journal Potentiel avec lequel il s'est entretenu sur les richesses pétrolières dont regorge la RDC. Il a été principalement question de l'exploitation, par l'Angola, Blocs 14 et 15 dans la côte Atlantique. Blocs appartenant exclusivement à la RDC.
On dit que le Congo est très riche. Il a du pétrole, des minerais, etc. Le Congo, peut-on dire, un est paradis. On se rend compte que les Congolais ne connaissent pas leurs richesses. Aujourd’hui, on parle de richesses pétrolières dans la côte Atlantique et dans la région de Muanda dans la province du Bas-Congo. Qu’est-ce nous avons réellement ? 

C’est vraiment une question importante et difficile à la fois parce que, comme vous le savez, la plupart des informations qu’on nous donne sont fragmentaires et dirigées. Les informateurs, eux, savent exactement ce qu’il y a. Ce qu’ils nous donnent ne correspond jamais à la vérité. Je trouve très mal qu’on exploite, depuis près de 50 ans, le pétrole à Muanda dans la province du Bas-Congo, on ne produit que 25.000 barils par jour. Le problème est que, pendant tout ce temps qu’on a exploité notre pétrole, on nous a toujours distillé des mensonges comme quoi notre pétrole ne pouvait être raffiné en RDC parce qu’il est très lourd. Mais d’après les études faites par des étrangers et dont j’ai pris connaissance, notre pétrole est aussi meilleur que celui du Gabon ou du Nigeria, par exemple. Vous voyez que c’était un arrangement pour nous piper notre pétrole. On nous a amené de vieux équipements qui ne permettaient pas de faire le travail parce que là-dedans il y a d’autres choses cachées.

D’après l’information tout à fait secrète que j’avais reçue, il y a un cours d’eau qui coule à Muanda qu’on devait normalement appeler fleuve. On ne l’a pas appelé ainsi parce qu’il renferme l’or. Pendant des années, il n’était pas autorisé aux autorités zaïroises à l’époque d’y aller. Il en est de même des autorités actuelles et des services chargés de procéder au contrôle.
C’était vraiment un marché protégé, exclusif. Les bateaux s’approchaient du large, étaient chargés puis repartaient. Ce serait une gageure de trouver quelqu’un qui vous donnerait la situation réelle, la quantité …
Mais c’étaient des pillards. Donc, ce qui devait arriver est arrivé ?
C’est important parce que, dans votre introduction, vous avez dit que notre pays est riche, béni de Dieu mais nous sommes pauvres. Regardez ! Pour tout ce qui se passe ici au Congo, le gouvernement ne bronche pas. On est en train d’exploiter notre pétrole sans que nous le sachions la quantité exploitée et celle exportée. Et nous ne savons même pas à quel prix.
Le gouvernement n’est-il pas complice, lui qui est censé défendre les intérêts du Congo ?
Tout à fait. Comme on dit, qui ne dit mot, consent. Le gouvernement à qui nous avons donné mandat de nous diriger, de nous défendre n’arrive pas à nous brosser une situation claire et nette de ce qui passe. Nous avons des motifs réels de nous inquiéter. C’est pourquoi, nous y revenons aujourd’hui. J’ai des chiffres en ma possession et il reste maintenant à les confronter avec ceux officiels.
Avant de parler du Bloc 14, nous n’avons pas encore jusqu’à présent manifesté notre portion effective. Or, d’après le Courant du Golfe de Guinée (CICG), on nous reconnaît la zone d’exploitation exclusive d’une superficie de 68.400 km2 mais nous n’en faisons absolument rien. Les Blocs 14 et 15 se trouvent dans cette zone que nos frères angolais sont en train d’exploiter à notre dépend.
Et quand on prend la carte, c’est bien notre pétrole que les Angolais exploitent…
Quand vous dites qu’ils sont dans une zone d’intérêt commun. C’est dire que nous devons nous partager le gâteau, partager les dividendes.
Il y a un problème. Nous avons 68.400 km qui nous appartiennent. Mais comment peut-on parler de zone d’intérêt commun ?
C’est à cause de notre faiblesse. C’est ce qui nous trahit aujourd’hui au Congo. Les autres sont en train de s’enrichir. Ce bien nous appartient en propre. C’est vrai que nous n’exploitons pas cette zone parce que nous sommes en position de faiblesse. Toutefois, on a dit qu’on va trouver une solution médiane pour qu’on se partage les dividendes de cette zone d’intérêt commun.
Ne devrait-on pas appliquer le même système avec l’Ouganda en ce qui concerne le pétrole du lac Albert ? Et puis, avancez un peu les chiffres dont vous disposez pour qu’on puisse comprendre…
Concernant l’Ouganda, nous allons y arriver. Continuons avec ce qui se passe à la côte Atlantique. Nous avons le Bloc 14 qui est exploité par Chevron et Texaco pour une production de 155.000 barils/jour.
Connaissons-nous nos réserves pétrolières ?
Comme nous n’avons notre propre instrument de mesurage, comment voulez-vous qu’on puisse confirmer ou infirmer ? Donc, la quantité qu’on nous donne ne reflète pas la réalité. Dans le Bloc 15, Esso et Mobil Oil produisent 700.000 barils/jour. Quand vous prenez la production de deux Blocs, nous avons à peu près 900.000 barils/jour. Donc, nous perdons énormément. Mais il y a le Bloc 31 que BP va commencer bientôt à exploiter fin 2011, début 2012. Ici, on ne nous a pas encore donné les chiffres exacts. La Perenco produit 25.000 barils à Muanda. Si nous perdurons dans cette situation, le danger …
Mais ce n’est pas nous qui décidons parce que nous ne sommes pas au pouvoir. Nous voudrions que vous nous expliquiez pourquoi entretient-on le flou autour de la production pétrolière ?
Un livre intitulé « La malédiction du pétrole » a été publié il y a un an parce qu’il y a tellement de combines dans cette histoire de pétrole que les gens deviennent fous, perdent la tête. On vous donne des enveloppes, vous accorde des facilités tel que si vous n’avez pas une constitution solide, une moralité approuvée et éprouvée, alors vous cédez. Ce sont de grosses enveloppes. C’est pour cela qu’aucune société au monde ne peut …

C’est à ce niveau-là que je voudrais arriver. Vous parlez de l’Angola qui exploite notre pétrole. Cela peut expliquer l’entrée de ce pays en guerre. Les gens disaient que l’Angola venait sauver le régime Kabila père, alors qu’en réalité, il y avait des intérêts à préserver. Voilà pourquoi l’Angola exploite le pétrole …
Cela servait aussi de moyen de pression : « Nous vous avons aidé, laissez-nous bouffer un peu ». Etant donné qu’on veut parler de zone d’intérêt commun (Zic), je pense qu’une attitude responsable serait de dire à nos frères angolais : « Nous avons les statistiques de ce que vous avez déjà exploité. Considérons cela comme étant les frais de guerre. Et maintenant comme nous sommes dans cette histoire de zone d’intérêt commun, il faut qu’on se dise combien on produit par mois. On vend à quel prix et on se partage …

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